Aller au contenu principal

Rentrée au cycle 3

Soumis par Yvan Jourdain le 22 mai 2020
photo : Rich Smith (Unsplash)

Le 30 avril, comme tous mes collègues, j’ai pris connaissance du calendrier de la reprise dans notre canton.

Les autorités scolaires ont décidé que le cycle 3 retournerait en classe le 25 mai. Le délai supplémentaire devrait permettre d’organiser au mieux ce retour.

Cela a suscité immédiatement plusieurs inquiétudes. Ainsi, on a appris que les élèves du secondaire II reprendront le 8 juin ou même le 11 mai — s’ils sont 5 élèves en classe. Pour des jeunes un peu plus matures et responsables que les élèves du cycle 3, on limite drastiquement l’effectif présent dans une salle de cours, alors qu’il y a fort à craindre que les 12-16 ans reprennent avec l’effectif complet dès le 25 mai.

Les élèves du cycle 3 sont en pleine adolescence. À leur âge, pour une majorité d’entre eux, les décisions des autorités ou des adultes sont barbantes et n’existent que pour ne pas être respectées ! Ainsi, l’annonce du confinement le 13 mars a entraîné des multitudes de câlins, bises, « checks »,… dans les cours des collèges (pour le plus grand désarroi des enseignants et des parents venus chercher leur enfant).

Je n’ose donc imaginer les retrouvailles ! Bien sûr, on va réexpliquer les règles sanitaires, mettre des panneaux, prévoir une multitude de choses (accès différenciés, récréations échelonnées,…) pour rien peut-être. Pour nombre d’entre eux, seuls les « vieux » risquent quelque chose dans la pandémie. Leur insouciance les fait se considérer comme invulnérables (pour preuve, combien de courriers ont été envoyé aux parents, combien d’interventions de la police ont été faites durant le confinement pour leur rappeler l’indispensable distanciation sociale ?).

L’adolescence est évidemment une période où il faut s’affirmer, montrer aux autres ce que l’on vaut et les enseignants servent souvent de « punchingball » à ces démonstrations. Et voilà ma deuxième inquiétude vis-à-vis d’une reprise avec effectif complet. La « pause » va remettre partiellement en question la « hiérarchie » du groupe et on risque donc de se retrouver plus qu’à l’accoutumée face à des attitudes provocatrices ou intolérables à l’école. Ce sera encore exacerbé par le fait que les jeunes se croiront intouchables puisque l’adulte sera confiné à 2 mètres. Certains penseront : « le/la prof ne viendra pas prendre l’agenda pour y inscrire une remarque ! »

Le troisième sujet d’inquiétude tient à l’ampleur des transports en commun mis à disposition. Au cycle 3, la majorité des élèves utilise train, bus, car ou tram pour se rendre au collège. Aux heures de pointe (début de matinée, à midi et en fin de journée), ces transports sont bondés ! Je crains fort que les coûts engendrés pour doubler voire en tripler le nombre ne soient pas supportés par les instances politiques et qu’avec les autres utilisateurs, les jeunes se retrouvent ainsi « entassés » à ces moments-là.

Et puis, dans certains centres, les élèves ne peuvent pas rentrer manger. Ils restent sur place. Comment l’école va-t-elle faire pour mettre à disposition davantage de tables et de chaises, de micro-ondes (et quelqu’un va-t-il en désinfecter la porte après chaque utilisation ?) pour préserver la distanciation sociale ?

Enfin, un dernier point est plus lié à l’aspect médical. Selon l’OMS, les jeunes peuvent tomber malades (moins gravement dans la majorité des cas, heureusement pour eux) MAIS surtout, ne l’oublions pas, ils peuvent transmettre le virus à d’autres personnes.

C’est très important. Face à la peur d’attraper ou de transmettre le virus, je crains unabsentéisme prononcé, plus ou moins cautionné par des parents craignant que le COVID 19 « n’arrive » chez eux. Ma crainte va même plus loin. Cela n’engendrera-t-il pas une nouvelle flambée du nombre de personnes infectées ?

Compte tenu de tous ces éléments, la reprise du cycle 3 devrait se faire en petits groupes. L’objectif premier est en effet de recréer un contact entre l’école et les élèves et de leur faire reprendre tranquillement le programme scolaire, même avec des horaires aménagés.

Nous aurions alors des conditions susceptibles de rassurer les enseignants, le personnel des écoles, les élèves et les parents.

Je rédige ces lignes au lendemain de l’annonce de la reprise. Elles paraissent à la veille du retour dans les collèges. Comment les autorités auront-elles mis à profit ces trois semaines ? Auront-elles eu la sagesse d’écouter les craintes des enseignants et de préparer le retour en classe avec les syndicats qui les représentent ? Je l’espère vivement pour que la reprise se passe dans les meilleures conditions possibles tant du point de vue sanitaire que social.
 

Publié le
ven 22/05/2020 - 18:19
Mots-clés associés