Aller au contenu principal

Sur toute la ligne (Tort)

Soumis par SAEN le 1 mars 2012

Libellé « Devoir de réserve des fonctionnaires. Liberté d’expression et d’opinion. », l’arrêt rendu par le Tribunal cantonal le vendredi 10 février dernier mérite d’être lu entièrement par quiconque souhaite être rassuré sur la place du débat démocratique dans la République et Canton de Neuchâtel. Nous en reprenons ci-dessous quelques passages hautement instructifs.

Pour mémoire, un collègue s’était vu reprocher d’avoir soutenu une manifestation d’étudiants contre les économies budgétaires touchant leurs études. Le Conseiller d’Etat Gnaegi lui avait infligé un blâme pour un message posté sur un réseau social. Les magistrats ont annulé le blâme, « la procédure disciplinaire étant viciée et les conditions de restriction, imposable par le devoir de réserve, de la liberté d’expression des fonctionnaires n’étant pas réunies [1]. »

« La procédure menée à l’encontre du recourant est doublement viciée. D’une part, l’enseignant n’a fait l’objet d’aucun avertissement préalable [...]. D’autre part, la procédure d’instruction a été menée par le Conseiller d’Etat chef du DECS personnellement, alors que le législateur neuchâtelois a souhaité clairement distinguer deux phases de la procédure disciplinaire (avertissement préalable puis si nécessaire autre mesure) et en a chargé deux autorités distinctes (chef de service ou direction d’établissement pour la première phase, autorité de nomination — ici le Conseil d’Etat — pour la deuxième). En dernier lieu, on peut se demander [...] s’il était judicieux que le Conseiller d’Etat, chef du DECS, qui s’était déjà prononcé au nom du Conseil d’Etat devant le Grand Conseil [...] en des termes qu’expliquent peut-être les conditions d’un débat parlementaire mais qui ne correspondent finalement pas aux faits établis par la procédure, se charge lui-même de l’instruction du cas puis participe à la décision de sanction prononcée. A eux seuls, ces éléments doivent conduire à l’annulation de la décision attaquée. On relèvera par ailleurs que le refus opposé à la requête du 24 novembre 2009 du recourant de se faire assister par le syndicat SAEN contrevient probablement à l’article 47 LSt mais le recourant ne s’en prévaut pas. [...] La Cour de droit public rappellera pour le surplus, en tant que besoin, que la liberté d’opinion et d’expression est un droit fondamental garanti par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’article 19 du Pacte ONU 2, l’article 10 de la CEDH, l’article 16 de la Constitution fédérale et l’article 17 de la Constitution cantonale neuchâteloise. Il s’agit d’un droit qui ne peut être restreint que par une loi, la restriction devant être justifiée notamment par un intérêt public prépondérant et devant être proportionnée au but visé [...], et comme le mentionnent tant le recourant que l’intimé, la liberté d’expression des employés soumis au droit public peut être limitée par le devoir de fidélité, devoir qui s’étend aussi au comportement en dehors du service [...]. Tant la Cour européenne des droits de l’Homme que le Tribunal fédéral se montrent cependant restrictifs quant aux limitations de la liberté d’expression des fonctionnaires, surtout lorsque l’opinion s’est manifestée dans le cadre d’un débat public sur des questions d’intérêt général, cette liberté représentant pour tous un des fondements essentiels d’une société démocratique et une des conditions fondamentales pour son développement et pour la réalisation personnelle de chacun [...]. Le devoir de réserve n’exclut donc pas la critique publique en particulier lorsqu’elle vise des décisions concernant le domaine d’activité propre de l’employé et que pour ce motif elle est indissociable d’une critique de supérieurs hiérarchiques. »

Pour lire en entier : https://www.saen.ch -> Educateur -> compléments -> 12_02_devoir_de_reserve.pdf (com./sl)

[1] Relevons au passage que le SAEN a joué un rôle actif dans la préparation et le dépôt du recours dans cette affaire.   Texte paru dans l’Educateur 3/2012

Publié le
lun 22/10/2018 - 17:14
Mots-clés associés