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Redoublement

Soumis par SAEN le 25 août 2009

Le canton de Neuchâtel s’est donné à la rentrée des airs de «grande puissance pédagogique».

La force de frappe du DECS étant, c'est bien connu, mesurée en sesterces épargnées (en réalité de l'argent non réclamé à ceux qui en ont) les nouvelles mesures pour éviter le redoublement valent leur pesant de cacahouètes... Jugez par vous-mêmes: 20 à 25, voire même 30% (selon les années) des petits Neuchâtelois confiés à l'Instruction publique effectuent une coûteuse et infamante année supplémentaire dans nos écoles. Le gisement d'économies se chiffre «en millions» et nos autorités l'ont repéré. C'est bien. Elles sont efficaces. L'argument financier émis, il ne restait qu'à rappeler les bienfaits de la concurrence (il faut pouvoir déclarer que nos enfants sont «mieux que ceux des autres» grâce à leurs performances dans les enquêtes PISA) et la recherche du bien-être psychique de l'individu (l'estime de soi de l'enfant porteur de la «redoublance») pour achever de convaincre les quelques derniers mauvais esprits qui verraient dans cette annonce autre chose qu'une bonne nouvelle... L'éditorialiste du quotidien local a rappelé, à juste titre, que l'idée de proposer aux élèves en difficulté de participer à des mesures de soutien sur leur temps de vacances (travailler plus pour coûter moins?) allait créer la catégorie nouvelle des «redoubleurs non repêchables», plus stigmatisante encore que celle de nos traditionnels redoublants . Mais il y a plus... Ces mesures ressemblent, ne reculons pas devant les clichés, à un emplâtre sur une jambe de bois. L'organe ligneux représentant le système scolaire sélectif ayant cours dans notre contrée et l'emplâtre la décision, de bon sens et inattaquable pour elle-même, de cesser une pratique inutile et humiliante. Décider, a priori, que telle proportion d'élèves franchira le cap du rituel annuel des promotions quoiqu'il arrive, revient de facto à invalider les «gestes professionnels» des collègues faisant passer à leurs élèves des épreuves notées. Comment croire que les élèves seront plus performants dans les tests PISA (puisque c'est de cela qu'il s'agit) quand on leur laisse entendre: «L'échec n'existe pas. Il y a toujours une solution pour celui qui croit.» Un remède plus efficace serait de faire le choix d'une école intégrative, sans sections, dans laquelle les élèves en difficultés reçoivent de l'aide en amont des obstacles qu'ils auront à affronter et non en aval après s'être échinés, parfois des années durant à ouvrir les yeux de leurs enseignants sur l'inadéquation des moyens utilisés avec leur situation personnelle... Mais un tel projet coûte! En courage, en bonté et en persévérance... Qui saura monétariser ces mots pour qu'ils puissent entrer dans le prochain budget du DECS? Nous félicitons dès à présent tous les élèves qui seront immanquablement repêchés (environ 95%, comme cela figure déjà dans le rapport qui sera rendu vers la fin de l'année scolaire) et les autorités clairvoyantes qui permettent à ces jeunes de vivre un succès dont ils pourront être... fiers? redevables? (cocher la mention appropriée). (sl)

A paraître dans l'Educateur du 11 septembre 2009

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