Attaché à parcourir le canton au gré de ses assemblées annuelles, le SAEN a convoqué ses membres à La Chaux-de-Fonds le 6 novembre dernier. Retour sur cet évènement incontournable du syndicalisme enseignant…
L’aula du lycée Blaise-Cendrars était presque remplie à cette occasion, ce qui est à la fois un signe de vitalité et un regret, car l’audience ne représentait qu’une fraction minoritaire des membres.
L’agenda politique étant bien rempli, notamment par la session du Grand Conseil, les discours des autorités et invités ont représenté la portion congrue : Jean-Marc Haller, secrétaire général du SER et Jacques Bouvier, délégué par la FAPEN1 ont souligné le rôle important du SAEN et appelé de leurs vœux la poursuite d’une collaboration fructueuse.
Pierre-Alain Porret (président) et Brigitte Tisserand (vice-présidente) se sont partagé les divers points de l’ordre du jour, cette prestation à deux voix rendant plus digeste la partie statutaire.
Le rapport d’activité 2018-2019 ayant été présenté lors de l’assemblée des délégués, les sujets de préoccupation ont été simplement rappelés sans entrer dans les détails. La présentation du Comité cantonal (CC) a permis d’énumérer les innombrables groupes de travail et commissions dans lesquels le SAEN prend une part active. Pierre-Alain Porret n’a pas manqué de remercier les nombreux membres qui ont donné de leur temps pour la défense de la profession… sans oublier d’appeler d’éventuelles bonnes volontés à la rescousse pour permettre un sain partage des tâches. Vœu pieux pour l’instant… à la notable exception de l’annonce d’une collègue des tout premiers degrés acceptant de rejoindre le CC pour y relayer Anne Barraud Gaillard qui accèdera à la retraite l’été prochain. Merci Ana.
Tous les documents concernant la Journée syndicale se trouvent sur le site du syndicat : www.saen.ch/page/journee-syndicale-2019-documents. On y trouve notamment le rapport d’activité, le texte des résolutions adoptées par l’assemblée, mais aussi les diaporamas des interventions de Nico Hirtt.
Le point d’orgue de la partie statutaire a été la discussion et l’adoption à l’unanimité de deux résolutions.
Revalorisation salariale
La première résolution dénonçait d’une part l’érosion progressive du pouvoir d’achat des enseignants et rappelait la hausse des exigences dans l’exercice de la profession. L’assemblée ne s’est pas contentée de l’approuver, elle l’a aussi amendée pour que l’urgence apparaisse mieux. Au passage, il a été annoncé que les enseignants neuchâtelois sont désormais (presque systématiquement) moins payés que leurs collègues de tous les autres cantons !
Extrait : L’Assemblée Générale du SAEN [...] demande au Département de l’Éducation et de la Famille (DEF) :
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de corriger, à l’occasion du processus d’évaluation des fonctions, les inégalités de traitement touchant certaines catégories d’enseignant·es, en particulier en améliorant les rémunérations dans les cycles 1 et 2 ;
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de mettre en œuvre rapidement une revalorisation conséquente des traitements de tou·tes les enseignant·es de l’école neuchâteloise.
Contraintes liées à l’enseignement, en particulier à temps partiel
En Suisse, seul un tiers des enseignant·es travaille à temps complet (90 % et plus). Neuchâtel est en plein dans la moyenne. Si l’on fait abstraction des deux premières années de la scolarité obligatoire, ça tombe même à moins d’un quart ! Ce constat a donné lieu à une discussion passionnante quant aux causes et — surtout — aux conséquences du phénomène.
L’assemblée a là aussi amendé le texte présenté pour rappeler qu’un certain nombre des écueils rencontrés par celles et ceux qui travaillent à temps partiel concernent la profession dans son ensemble.
Extrait : L’Assemblée Générale du SAEN [...] demande au Département de l’Éducation et de la Famille :
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de mettre rapidement en œuvre des mesures afin que la charge de travail réelle des enseignant·es soit en adéquation avec le pourcentage d’activité pour lequel ils/elles sont engagé·es ;
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d’harmoniser, au niveau cantonal, les pratiques concernant l’implication des enseignant·es dans les tâches de gestion des classes et de l’école, ainsi que lors de l’accompagnement des élèves lors des activités extra-scolaires ;
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de faciliter la formation continue des enseignant·es en accordant une indemnité forfaitaire conséquente ou des décharges aux personnes appelées à se former hors de leur temps d’engagement habituel.
Devoirs…
L’Educateur a traité de la question dans son dernier numéro. Dans l’impossibilité d’engager un débat, l’assemblée a souhaité que tous les membres qui le souhaitent puissent échanger à propos des recommandations du DEF. Une rencontre a ainsi été fixée au 16 janvier 2020 (endroit encore à définir).
L’invité
Victime des aléas ferroviaires, Nico Hirtt s’est fait un point d’honneur à venir malgré tout à La Chaux-de-Fonds. Il n’a ainsi pas hésité à parcourir 700 km au volant de sa voiture... par trajet. Merci !
Effectifs allégés en début de scolarité !
Le CC avait eu vent d’une conférence consacrée à l’influence de l’effectif des classes. Nico Hirtt a accepté d’y revenir en fin de matinée. Cette présentation d’à peine une demi-heure a « scotché » l’auditoire. Les idées selon lesquelles la taille des classes n’aurait que peu d’influence, promue par des organismes tels que l’OCDE sur la base des théories libérales ont été démontées par une étude STAR concernant 6'500 élèves de 350 classes dans 80 écoles, dont les résultats ont été évalués semestriellement durant 12 ans (un parcours scolaire).
Il ressort que les élèves ayant bénéficié d’un effectif réduit (13 à 17 élèves) durant les quatre premières années — pas au-delà — en tirent parti jusqu’au terme de leur scolarité. Ainsi, à 16 ans, 16.7 % des élèves d’une telle classe étaient en retard scolaire contre 43.5 % pour une classe régulière (22 à 25 élèves). L’effet est plus spectaculaire encore pour les cas de décrochage : respectivement 1.8 % et 8.5 % !
Au terme de l’expérience, les enseignants ayant travaillé dans ce cadre ont dégagé une multitude d’apports positifs, parmi lesquels : créativité, expérimentation pédagogique accrues ; construction de savoirs ; manipulations en classe ; meilleure écoute accordée aux élèves ; feedback immédiat ; planification du travail ; discipline plus souple ; suivi individualisé ; meilleure remédiation ; mais aussi enthousiasme des enseignants, patience et sens de l’humour retrouvés !
Compétences et compétition — L’école sous la coupe des marchés ?
L’après-midi a permis à Nico Hirtt d’aborder sa spécialité : L’enjeu des « compétences » à l’école.
Son exposé était articulé en deux parties : une première plutôt historique, descriptive et même politique de l’approche par compétences ; la seconde plus pédagogique destinée à démonter la prétendue filiation de l’approche par compétences et du constructivisme ou de la pédagogie Freinet.
Résolu dans son opposition à l’approche par compétences, Nico Hirtt a alors fait appel à son expérience d’enseignant pour dissiper les confusions. Au terme de l’exposé, la présentation de plusieurs dispositifs d’évaluation des compétences (épreuves) a débouché sur un échange très instructif. La conclusion tirée dans le contexte de la nouvelle évaluation neuchâteloise étant que l’approche par compétences — pure et dure — peut conduire à des absurdités très éloignées des buts initiaux. Heureusement, à l’heure actuelle, il semble que le dogmatisme n’a pas cours chez nous !
1 Fédération des Associations de Parents d’Elèves du canton de Neuchâtel