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Rencontre avec Pierre-Alain Porret, président du SAEN

Soumis par Pierre Graber le 25 mai 2018
Pierre-Alain Porret

Le 1er août 2018, notre syndicat préféré changera de capitaine, mais l’équipage restera pour l’essentiel fidèle au poste. Pressenti depuis quelque temps, Pierre-Alain Porret a été nommé par l’assemblée des membres, lors de la dernière journée syndicale. Le nouveau président a déjà eu l’occasion de mettre ses compétences au service du syndicat dans un passé récent : premier passage au comité cantonal il y a une décennie, puis présidence des assemblées. Dans sa nouvelle fonction, Pierre-Alain Porret sera épaulé par Brigitte Tisserand, qui prendra le relais de Kira Rothen à la vice-présidence. Avec l’appui des autres membres du comité cantonal, le SAEN sera donc en de bonnes mains.

Rencontre avec Pierre-Alain Porret, président du SAEN

Pierre-Alain Porret dans sa classe à PeseuxQuel a été ton parcours scolaire ?

Pierre-Alain Porret : J’ai passé mes années d’école primaire à Fresens dans une classe unique à cinq degrés avant de poursuivre ma scolarité obligatoire aux Cerisiers. L’originalité de ce parcours réside dans le passage d’une classe de campagne comptant dix à quinze élèves répartis sur cinq années scolaires à un centre régional comptant environ 500 élèves. La transition n’était pas évidente.

À la fin du gymnase (lycée), j’ai exploré d’autres voies. Mais comme le chemin menant à l’indépendance financière était plus long, j’ai décidé de tester l’enseignement… et j’y suis resté ! Issu d’une famille paysanne, rien ne me prédestinait à l’enseignement. Jusqu’à mes 18 ans, toutes les vacances ont été consacrées aux travaux des champs (nous ne sommes jamais partis en famille deux jours de suite). Je n’avais donc pratiquement aucune expérience du travail avec des enfants avant de me retrouver dans mon premier stage d’entrée à l’École Normale de Neuchâtel.

Quels souvenirs as-tu gardés de ta formation à l’École Normale ?

Les deux ans de ma formation pédagogique ont été une belle période. Je m’y suis très vite senti à l’aise et j’en garde de bons souvenirs. La formation était, je crois, moins technique, moins poussée qu’à la HEP, mais beaucoup plus humaniste et pratique. Le bagage théorique était plus léger, mais la plupart de nos professeurs nous ont transmis beaucoup de leur expérience de terrain et surtout de leur enthousiasme pour l’école. Je leur en suis encore reconnaissant.

Comment as-tu vécu ton entrée dans la profession ?

Ma première année d’enseignement a été passionnante, mais difficile. J’ai réalisé à ce moment-là la complexité de notre métier. Heureusement, j’ai été épaulé et encouragé tout au long de l’année par trois de mes collègues, qui m’ont permis de garder la tête hors de l’eau. Sans elles, cela aurait été réellement compliqué !

Ce premier poste, dans le village de Cortaillod, était prévu pour ne durer qu’une année. Je me suis donc retrouvé au printemps à la recherche d’un deuxième engagement et les circonstances ont permis qu’en quelques semaines je sois engagé pour un travail au Nord Cameroun. J’y ai travaillé d’abord dans un internat pour les enfants missionnaires, puis comme enseignant de religion dans un lycée camerounais. Je n’avais pas du tout planifié cet épisode. Ces deux ans m’ont permis de vivre une vraie expérience sur une certaine durée et, aussi, de rentrer au pays avant de me sentir trop déphasé.

Cette parenthèse africaine a été marquante et m’a laissé des souvenirs forts. J’y ai acquis de l’autonomie et découvert une réalité très différente de la nôtre, loin des clichés qu’on s’en fait volontiers. Cela m’a obligé à prendre un peu de recul et à considérer différemment notre mode de vie occidental à mon retour.

Pierre-Alain Porret au-dessus de FresensTu as ensuite enseigné à presque tous les degrés de l’école primaire. Comment as-tu vécu les mutations de l’école ?

J’ai effectivement enseigné dans les années 3H à 7H, quelques fois avec deux degrés dans la même classe. L’apprentissage de la lecture m’a particulièrement intéressé. Je pense que c’est un des défis les plus importants. Même si je suis peut-être plus à l’aise avec les enfants un peu plus grands, j’y ai pris beaucoup de plaisir.

J’ai toujours accueilli avec intérêt, mais aussi avec un peu de méfiance, les petites révolutions du monde scolaire. Je suis un « pragmatique ». En effet, j’ai toujours eu besoin de tester les nouveautés et garder les éléments qui fonctionnent (ou que je suis capable de mettre en œuvre !).

Même si elle a toujours un temps de retard, je constate que notre institution ne peut pas ignorer les bouleversements qui touchent la société. En 30 ans, j’ai vu défiler quelques réformes pédagogiques, didactiques et structurelles. Certaines ont laissé plus de traces que d’autres. La révolution numérique a des effets dans de multiples domaines. Elle bouleverse autant la manière de travailler que de vivre ensemble au quotidien et les enfants y sont très sensibles. L’accélération technologique nous met tous sous pression et cela se ressent dans nos classes où le stress s’est développé, rendant les relations plus conflictuelles entre les élèves. Mais l’informatique a aussi rendu possibles bien des choses qui étaient inaccessibles il y a peu encore. Je ne voudrais donc surtout pas revenir en arrière.

Quand le syndicat a-t-il fait irruption dans ta carrière ?

Quelques d’années après ma sortie des études. J’ai assez vite découvert le terme « mesures d’économie », ce qui m’a fait comprendre que l’école n’est pas toujours une priorité pour le monde politique. Puis, j’ai remarqué que les gens qui s’engagent dans un syndicat s’impliquent aussi dans leur classe et dans leur école et j’ai beaucoup reçu à leur contact. Pour moi, c’est vital de sortir un peu de mon collège. J’apprécie les échanges pédagogiques qui restent fondamentaux et les contacts avec des collègues de toute provenance. La construction de l’école romande est d’ailleurs un projet qui me tient à cœur. Je déplore enfin que la défense syndicale soit toujours plus nécessaire.

Certaines choses m’énervent parfois ou me mettent en colère. En particulier, une situation qui fait beaucoup de tort à l’école : une double exigence paradoxale imposée depuis plusieurs années. D’un côté, on exige de nous l’école de l’excellence – avec des attentes en termes de contenus, de didactique et de pédagogie toujours plus grandes. Et de l’autre, on diminue constamment les moyens qui nous sont attribués pour remplir nos objectifs, en coupant dans les subventions, en augmentant le quota horaire des élèves, en sabrant dans la formation continue, en cherchant à réformer l’école sans réel budget pour y parvenir…

Selon toi, pourquoi les jeunes se syndiquent-ils plus tardivement ?

Ils ont besoin de temps pour apprivoiser leur profession. Ce n’était pas évident il y 30 ans, ça l’est encore bien moins aujourd’hui. Peut-être devons-nous aussi leur montrer que le syndicat peut les soutenir dans leur évolution professionnelle, leur apporter aide et conseil lorsqu’ils sont en difficulté. Et puis, ce sera à eux de nous aider à inventer le syndicat de demain ! La nouvelle génération utilise beaucoup les réseaux sociaux. C’est bien, mais ces contacts sont virtuels et notre métier reste bien réel et pratique. Il faut cultiver la possibilité de se retrouver entre collègues pour parler librement du fonctionnement de l’institution dans laquelle nous travaillons, pour la développer selon notre inspiration et la défendre lorsqu’elle est attaquée politiquement.

Quels objectifs vises-tu pour le SAEN ?

Le syndicat est très impliqué dans plusieurs projets importants (MER, nouvelle évaluation, réforme du cycle 3, évaluation des fonctions…). Il s’agit d’abord de poursuivre les travaux engagés. Ensuite, il faut que le SAEN adapte son fonctionnement à la réalité actuelle avec l’aide de ses membres, actuels et futurs. C’est un travail d’équipe qu’il faudra mener. Chacun-e est invité à y participer !

Publié le
dim 26/08/2018 - 22:23
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