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Ainsi, nous fabriquerions des nuls ?

Soumis par Jean-François Kunzi le 27 mai 2005

Jusqu’à quand allons-nous accepter, par médias interposés, de nous laisser insulter par des individus malhonnêtes qui, d’un élément très particulier prétendent tirer LA vérité ? Certains subtilement, affectent de ne s’en prendre qu’au système. Sommes-nous de vrais professionnels, donc des acteurs critiques, ou nous contentons-nous d’être des exécutants serviles ?Qu’une frange heureusement réduite d’enfants ne parvienne pas à tirer un profit suffisant de son parcours scolaire s’avère une réalité de moins en moins acceptable parce que la société ne lui laisse plus la moindre place. Mais ce n’est pas ce scandale que les détracteurs de l’école dénoncent. Non, ils insinuent perfidement que, « paresseux », nous travaillons mal et n’apprenons plus rien à nos élèves. Ils n’osent évidemment pas dire que les adolescents ne sont pas équilibrés comme ils le souhaiteraient, eux.

Ne sommes-nous pas tous atteints dans notre dignité d’enseignant-e ? Unis, solidaires au sein de notre corporation, ne devrions-nous pas cesser de courber héroïquement l’échine et réagir, la tête haute ?

Devons-nous considérer Jacques Neyrinck, Charles Poncet, Jacques-André Haury, Jean Romain (Putallaz), Marie-Hélène Miauton, Bernard Nicod, le Centre patronal vaudois (la liste n’est pas exhaustive) comme un échantillon représentatif des nuls que l’école a fabriqué ? Qu’y a-t-il de commun entre toutes ces personnes ? Elles ont toutes choisi de ronger le même os : L’école publique obligatoire sur laquelle elles ont un avis péremptoire. Disposant de formidables relais médiatiques pour qui l’opération s’avère parfaitement rentable – même des journalistes du service public comme Pascal Décaillet ou Michel Zendalli s’y sont mis – elles vilipendent sans vergogne une institution dans laquelle elles n’ont sans doute jamais œuvré personnellement. Elles la comparent à une école d’autrefois qui relève exclusivement du mythe ou qui n’est que le pur produit de leur affabulation.

Si les détracteurs de l’école agissaient au nom de certaines valeurs universelles, nous pourrions leur accorder quelque crédit. Adeptes, pour la plupart, de la sélection naturelle, ils se gardent bien de dénoncer le scandale qui consiste à marginaliser une frange d’adolescents en ne lui réservant désormais plus aucune place dans le monde du travail. Pires, ils sont souvent les premiers à réclamer des restrictions financières qui impliquent la diminution des ressources et des moyens attribués à l’école.

L’école publique est faite de chair et de sang, du travail patient, acharné et bienveillant de toutes ces femmes et de tous ces hommes – nous, les enseignants – qui s’engagent résolument afin que les enfants qui leur sont confiés deviennent les citoyens responsables et solidaires de demain. Aussi, ne nous méprenons pas.
A travers le système, c’est bien nous qu’on insulte, qu’on ose qualifier de « pédagogistes » ou de « paresseux ».

Courberons-nous l’échine comme des enfants pris en défaut ? N’avons-nous pas une plus haute estime de nous et de notre travail ? Allons, relevons la tête. Refusons ces jugements malhonnêtes et sommaires. En vrais professionnels, soyons tous fiers d’avoir contribué à fabriquer une multitude de personnalités éminentes.

Des documents authentiques le prouvent : depuis l’instauration de l’école publique au 19ème siècle, des élèves ont achevé leur parcours scolaire en n’ayant acquis, pour les raisons les plus diverses, qu’un bagage restreint voire rudimentaire.
Dans le contexte socio-économique qui a prévalu jusqu’au début des années 70, ils ont toujours trouvé une possibilité d’insertion tant professionnelle que sociale.

Le classement PISA continue de nous interroger. Gardons-nous d’employer les méthodes publicitaires de l’UDC et d’incriminer immédiatement – il faut être honnête – des réformes qui ne se sont jamais véritablement concrétisées dans les classes. Le consensus sur l’école et, davantage encore, la composition socio-culturelle de la population constituent les facteurs déterminants. Un élément paraît évident ; des ressources et moyens supplémentaires devront être affectés au français et en particulier, à l’apprentissage de la lecture dans les premiers degrés de la scolarité.

Jean-François Kunzi

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