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«Aujourd’hui comme par le passé, j’ai toujours assumé mes décisions»

Soumis par SAEN le 2 décembre 2009

Entré en fonction il y a six mois, le conseiller d'Etat neuchâtelois Philippe Gnaegi dresse un premier bilan de son activité. Il revient sur la forte mobilisation des enseignants et des lycéens contre les mesures d'économies prévues dans le budget 2010.

«Gnaegi au pilori!», ont lancé des manifestants lors du défilé d'une partie de la fonction publique, le 12 novembre, contre les mesures d'économies prévues par le Conseil d'Etat neuchâtelois. De tous les ministres, Philippe Gnaegi est celui qui a eu droit aux plus grands «mouvements de foule», au propre comme au figuré. A l'occasion de ses six premiers mois d'activité, le chef du Département de l'éducation, de la culture et des sports (Decs) répond à nos questions.

Vos décisions ont été critiquées dans le cadre de deux défilés dans la rue, l'un des lycéens, l'autre d'une partie de la fonction publique, dont bon nombre d'enseignants. Comment avez-vous vécu ces manifestations?

Je ne les ai pas mal vécues, car ces décisions ne mettent pas en péril la qualité de la formation dans notre canton. Ce qui est essentiel est préservé. En outre, dans un contexte de crise économique, et des dégâts qu'elle provoque, je crois que le secteur public doit se montrer solidaire du secteur privé. Enfin, au vu de la situation financière, le Conseil d'Etat n'a pas d'autre choix que de procéder à des économies. Le gouvernement est en effet contre une hausse des impôts et pour le maintien du frein à l'endettement.

Voilà pour les aspects politiques. Et à titre plus personnel?

C'est plus difficile... La pression est vraiment forte. Je pense aussi à mes trois filles (réd: âgées de 16, 18 et 19 ans), auxquelles je dois expliquer pourquoi leur père est ainsi critiqué. Cela dit, aujourd'hui comme par le passé, j'ai toujours assumé mes décisions. Elles ne sont peut-être pas populaires, mais il faut passer par là. Et puis, la difficulté ne m'effraie pas. Par exemple, même si je savais que ça ne serait pas une partie de plaisir, je suis allé m'exprimer devant une assemblée générale d'un syndicat d'enseignants.

Les deux syndicats d'enseignants vous reprochent de ne pas les avoir rencontrés avant de prendre vos décisions...

Ils ont raison. Mais j'ai beaucoup consulté, en particulier auprès des directions d'école. Je n'ai donc pas tout imaginé tout seul dans mon coin, ainsi que certains me le reprochent. Je crois même pouvoir dire que du côté de mes adversaires politiques, on salue mes capacités d'écoute et de dialogue. Et puis, je rappelle que le Conseil d'Etat a travaillé dans l'urgence, et même dans la précipitation.

La faute à quoi, à qui?

L'économiste que je suis appelle à une plus grande rigueur budgétaire. Qu'il s'agisse des comptes 2009 ou du budget 2010, il est déplaisant d'apprendre que nous avons tout à coup quelques semaines pour trouver des économies à hauteur de plusieurs millions de francs. J'espère qu'au cours des trois ans à venir, nous pourrons travailler dans une plus grande sérénité, ce qui permettra sans doute d'éviter les tensions que nous connaissons aujourd'hui. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil doivent disposer plus régulièrement d'informations rigoureuses.

Revenons aux défilés. Les projets d'économies qui ont fait descendre les lycéens dans la rue ont été rendus publics bien avant la diffusion du budget 2010. Vous avez été critiqué avant même d'avoir présenté vos arguments. Que s'est-il passé?

L'«affaire», si je puis dire, a débuté ainsi: j'ai pris connaissance d'un certain nombre d'erreurs dans un document des syndicats d'enseignants. Je n'ai pas pu me résoudre à laisser passer ça. Je ne supporte pas l'injustice. Je me suis donc manifesté pour corriger ces erreurs... Avec le recul, je me dis que c'était peut-être une erreur. Que faut-il faire dans ce genre de situation? Vaut-il mieux ne pas réagir? Je n'ai pas trente ans d'expérience politique derrière moi... Finalement, j'ai simplement choisi d'être moi-même. Sans compter que je ne goûte pas trop les «jeux politiques», comme en témoigne la présence de Jacques-André Maire à mes côtés (réd: le conseiller national socialiste est désormais conseiller stratégique du PLR Philippe Gnaegi). Je relève enfin que dans le dossier «économies à réaliser dans le Département de l'éducation», personne ne m'a fait des contre-propositions. Si quelqu'un a une idée, qu'il n'hésite pas, ma porte est ouverte! /PHO

L'apprentissage quotidien d'un relatif nouveau venu

Quand on lui demande comment il a vécu ces six premiers mois, Philippe Gnaegi commence par parler d'«un changement de rythme très important. C'est aussi un gros changement du point de vue familial, d'abord parce que l'on devient un personnage public, ensuite en raison de la charge de travail: c'est tous les jours 6h30 - 22h30, on travaille également le samedi, et le dimanche, on prépare les dossiers de la semaine...»

Auparavant directeur de l'Ecole de commerce (lycée Piaget), à Neuchâtel, il trouve «utile d'avoir exercé un poste à responsabilités»: «Ça m'a permis d'acquérir de l'expérience en termes de pression, de communication, de gestion du personnel, de gestion des conflits, etc.» Sauf que dans la fonction de conseiller d'Etat, «tous ces aspects sont à plus grande échelle». Dès lors, «l'apprentissage continue tous les jours, l'objectif étant de sans cesse s'améliorer». Après avoir rappelé qu'il est «très nouveau en politique» (depuis 2004), il ajoute: «J'éprouve beaucoup de plaisir dans ma nouvelle activité. La pression est forte, mais ce qui est passionnant, c'est que rien n'est figé, tout évolue rapidement.»

En résumé, «on a beau avoir une petite idée au départ, on ne peut pas imaginer ce que c'est d'être conseiller d'Etat. Il faut être à l'écoute des collaborateurs de l'administration cantonale, des représentants du monde politique, des membres des commissions... Ça fait beaucoup de monde! Et puis, il faut trouver le bon fonctionnement entre nous, les conseillers d'Etat. Au début, ça n'a pas été tout simple, ni pour les quatre nouveaux, ni pour Jean Studer. Le gouvernement est composé de personnalités fortes, les échanges sont parfois vifs. Mais nous sommes en train de trouver un modus vivendi. Comme chacun de nous porte de grandes décisions, nous devons nous soutenir les uns les autres.» /pho

Des meubles pas si nouveaux que cela

Rumeur, quand tu nous tiens!
Lors du défilé du 12 novembre à Neuchâtel, des enseignants déclaraient, scandalisés: «Gnaegi s'est offert un nouveau bureau à 60 000 francs!» Quand on lui rapporte ces propos, le conseiller d'Etat tombe des nues: «J'ai effectivement changé la majorité des meubles, mais avec du mobilier qui était déjà la propriété du canton. L'Etat n'a pas dépensé un centime!»

«Nous sommes trop modestes»
Philippe Gnaegi ne le cache pas: il n'a pas encore trouvé le temps de se plonger pleinement dans les dossiers «sports» et «culture». Nous reviendrons sur le premier dans une prochaine édition. Quant au second, après avoir mentionné le Laténium, le Centre Dürrenmatt, Le Corbusier ou encore l'Unesco et les deux villes du Haut, il lance: «Notre canton dispose de nombreuses richesses. Mais nous ne le faisons pas assez savoir, nous sommes trop modestes.»

Une nébuleuse nommée Haute Ecole Arc
Le dossier le plus compliqué? «La Haute Ecole Arc», répond Philippe Gnaegi. «Avec toutes les instances qui gravitent autour de cette école, c'est un peu une nébuleuse. Or je voulais absolument comprendre les mécanismes financiers avant que le comité stratégique dont je fais partie prenne des décisions.» Au sujet de la Haute Ecole Arc, le conseiller d'Etat considère que «le précédent comité a vu juste quand il a opté pour un campus unique à Neuchâtel, principalement pour des questions d'attractivité et de concurrence avec Yverdon et Bienne». /pho

«Neuchâtel doit être la Silicon Valley du photovoltaïque»
«Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat a beaucoup parlé de la situation financière. Mais le gouvernement doit aussi travailler sur des projets qui font rêver.» Et Philippe Gnaegi de citer le futur bâtiment de la microtechnique, «qui doit faire de Neuchâtel la Silicon Valley du photovoltaïque. Notre canton n'est pas assez fier de toutes ses richesses!» /pho

Un ancien de l'Université de Neuchâtel
Docteur en sciences économiques de l'Université de Neuchâtel, Philippe Gnaegi à notamment dirigé l'Ecole supérieure de commerce de Neuchâtel et a été chargé de cours à l'Université de Fribourg. /pho

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