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Comment juger de la qualité d’une école ?

Soumis par SAEN le 23 août 2011

L’évaluation scolaire externe passait pour un instrument prometteur pour assurer la qualité à l’école obligatoire, mais bon nombre d’enseignants y voient plutôt un rituel qui leur vaut un surcroît de consignes et de contrôles par l’administration scolaire

L’évaluation de l’école obligatoire est aujourd’hui en vigueur dans vingt cantons. En Suisse alémanique, les services compétents rattachés aux départements de l’Instruction publique ou aux Hautes écoles pédagogiques ont déjà évalué bien plus de mille écoles.

Le travail d’évaluation scolaire externe (ESE) est ancré dans les dispositions scolaires cantonales comme un élément de garantie de la qualité. L’activité de tous les services d’évaluation se fonde donc sur une décision politique.

Sous pression

Selon une enquête de la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), le coût par évaluation s’établit entre 20'000 et 60'000 francs, l’équipe d’évaluation comportant six à dix personnes par service. Les coûts de l’évaluation sont dans le collimateur des politiciens soucieux de serrer la vis des dépenses et qui, pour ce faire, choisissent de s’en prendre à une «administration scolaire hypertrophiée» plutôt qu’à l’enseignement.

L’ESE est aussi sous le feu des critiques de nombre d’enseignants et de l’association faîtière des enseignants (LCH). Les ressources financières et en personnel ne bénéficient nullement aux élèves, relèvent beaucoup d’entre eux.

«Après la suppression de l’inspection scolaire, beaucoup de cantons ont misé exclusivement sur l’évaluation scolaire externe en guise d’assurance qualité. C’était une erreur», déclare à swissinfo.ch Beat W. Zemp, président central de la LCH.

«Entretemps, l’opinion que l’évaluation scolaire externe n’est qu’un des multiples facteurs contribuant à la garantie de qualité s’est également imposée au sein des milieux d’experts internationaux.»

Rituel improductif ?

Pour Beat W. Zemp, l’évaluation scolaire externe n’apporte pas, dans la plupart des cas, de nouvelles connaissances. «Mais cela ne veut pas dire que l’on peut les éliminer sans les remplacer. Comme les rapports sont publiés, les écoles sont incitées par leurs conclusions critiques à appréhender les sujets tabou et à entreprendre des mesures d’amélioration.»

«Mais pour la majorité des bonnes écoles, l’évaluation scolaire externe n’apporte rien, ou en tout cas trop peu. Je ne suis pas d’avis qu’il faille gratifier régulièrement toutes les écoles d’une ‘inspection’. Il serait beaucoup mieux de n’intervenir par une évaluation scolaire externe que là où des plaintes de parents ou d’élèves sont fréquentes.»

Les recommandations délivrées par les évaluateurs sont «le plus souvent insignifiantes», critique pour sa part un enseignant zurichois. «Des rapports dépourvus de tout impact ne font pas progresser les écoles d’un pouce. Les évaluations menacent de devenir un rituel improductif.»

L’ESE justifiée

Un enseignant argovien ne voit pas les choses tout à fait ainsi. «Notre école a été évaluée il y a quelques années, une procédure à grande échelle et assez coûteuse. Les élèves, les enseignants, les parents et la direction de l’école ont été associés», explique-t-il à swissinfo.ch.

A sa connaissance, personne n’a ressenti cette démarche comme stressante. «Les évaluateurs étaient compétents, engagés et loyaux.» Et l’on s’est évidemment réjoui du fait que les résultats de l’évaluation – «de bons à très bons, en tout cas très au-dessus de la moyenne» – aient plus ou moins correspondu à l’appréciation et à la réputation dont jouissait l’école.

Pour Peter Steiner, expert en évaluation scolaire à la Haute école pédagogique de la Suisse nord-occidentale, un regard extérieur sur les écoles «se justifie». L’ESE est un instrument relativement jeune de la gestion cantonale de la qualité, a-t-il dit à la NZZ. C’est pourquoi il va de soi qu’il existe encore «un potentiel d’optimisation».

En outre, toutes les écoles doivent être contraintes de rendre compte périodiquement de ce qu’elles entreprennent pour assurer la qualité, explique Beat W. Zemp. «Nous misons sur une autoévaluation professionnelle et contrôlée des écoles et des enseignants, à l’instar de ce qui se pratique déjà avec succès dans d’autres pays.»

En fait notamment partie, pour les enseignants, «la collecte de feedbacks à 360 degrés, soit de la direction de l’école, des collègues, des élèves et des parents». Pour lui, c’est beaucoup plus utile que de donner une leçon exceptionnelle lorsque les évaluateurs externes passent dans l’école une fois tous les trois ou quatre ans.

Contre «la rage réglementaire»

Les enseignants qui critiquent l’évaluation externe ont le soutien de Bernhard Pulver, conseiller d’Etat bernois chargé de l’instruction publique et président du gouvernement cantonal. Selon la Sonntags-Zeitung, il écrirait un livre sur l’école du futur.

Dans un manuscrit qui, selon lui, ne sera finalisé qu’à la fin de son mandat de président, cet éminent représentant des Verts critique la «rage réglementaire» dans la politique de la formation. Selon lui, on exacerberait un climat de défiance mutuelle. Il en résulterait un «délire du contrôle» et le recours incessant à de nouvelles unités de mesure des objectifs et des compétences. Les compétences doivent certes pouvoir être mesurées mais l’homme doit rester au centre. «Accorder sa confiance permet de récolter de la motivation et de l’engagement.»

Pour le directeur bernois de l’instruction publique, les facteurs clé de l’école sont des enseignants motivés pourvus d’une marge de manœuvre suffisante, une formation globale, l’introduction prudente d’un niveau de base à l’école obligatoire, le renforcement et le soutien aux parents.

Jean-Michel Berthoud, swissinfo.ch
Traduction et adaptation de l’allemand: Xavier Pellegrini

CINQ OFFRES D’ÉVALUATION

Evaluation scolaire globale: élaboration du profil force-faiblesse de l’école par la prise en compte du climat de l’école et de l’enseignement.

Evaluation scolaire globale plus: élaboration du profil force-faiblesse par la prise en compte du climat de l’école et de l’enseignement, complétée par un test de compétences en allemand.

Evaluation de la direction de l’école: la direction d’une école est évaluée de façon détaillée, par exemple la structure de direction choisie, la répartition des tâches et des compétences, l’attribution des rôles, la gestion des processus, en tenant compte particulièrement de son efficacité et de son impact (par exemple climat scolaire).

Evaluation de la gestion de la qualité (méta-évaluation): la mise en place, le fonctionnement et l’efficacité de la gestion de la qualité interne à l’établissement sont évalués.

Autoévaluation étendue: l’école pratique une évaluation interne autour d’un thème central choisi de façon autonome; l’évaluation scolaire externe appuie ce processus d’autoévaluation et y apporte un point de vue indépendant.

(Source: Haute école pédagogique, Institut de recherche et de développement de la HES de la Suisse nord-occidentale)

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