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Déclin du bon allemand à l’école enfantine alémanique

Soumis par SAEN le 19 décembre 2008

A Bâle-Ville, Berne et Zurich, des mouvements se sont créés pour défendre la primauté du dialecte à l'école enfantine. Réflexe identitaire? Phénomène de repli face à l'allemand et la globalisation? Explications et regards croisés.

Comme souvent quand on parle d'école en Suisse, l'électrochoc des tests internationaux Pisa, publiés en décembre 2001, arrive très vite dans la discussion sur la langue d'enseignement outre-Sarine. Il y a sept ans, les Suisses avaient en effet découvert, assez stupéfaits, que leurs écoliers n'étaient pas aussi brillants qu'ils le pensaient.

Parmi les premières mesures de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP), la nécessité de favoriser l'allemand dit «standard» à la place du dialecte à l'école avait été formulée rapidement.

Le «bon allemand» est aujourd'hui réalité dans la majorité des écoles alémaniques. En revanche, la discussion est vive sur son introduction dans les écoles enfantines.

L'exemple de Bâle-Ville est révélateur. Le canton avait fait œuvre de pionnier en annonçant dès 2001 vouloir tester l'usage du bon allemand comme langue d'enseignement à l'école enfantine.

Sept ans et un projet-pilote dans 31 classes plus tard, Bâle-Ville n'a pas encore pris de décision définitive. «Le sujet est très émotionnel», a déclaré Christoph Eymann, responsable cantonal de l'instruction publique, pour expliquer cette lenteur lors de la présentation de l'étude concluant les essais, début décembre.

Revus à la baisse

Conséquence de cette prudence: les objectifs initiaux sont revus à la baisse. Au lieu d'un usage généralisé du bon allemand, le canton prévoit désormais un partage entre bon allemand et dialecte, selon des modalités à déterminer. La décision devrait être prise au premier trimestre 2009.

Cela n'a pas convaincu la communauté d'intérêt «IG Dialekt», représentant toutes les tendances politiques. Créée au printemps dernier, l'association lancera une initiative populaire en janvier 2009.

L'évaluation du projet bâlois montre pourtant des résultats presque exclusivement positifs: tant les parents que les enseignants concernés sont favorables au bon allemand. Les enfants ne ressentent aucune pression à le parler, ils le font très vite de manière naturelle et ils ne sont pas «dépassés».

L'exemple alsacien

En revanche, l'expérience n'a pas amoindri la crainte de voir le dialecte se perdre. «Si l'on discrédite le dialecte, il disparaît en quelques générations, explique Jost Müller. C'est ce que nous avons vu en Alsace. Nous ne voudrions pas maintenir le dialecte sous perfusion s'il était déjà menacé, mais il n'y a pas besoin non plus de le minoriser volontairement.»

C'est aussi ce qui a poussé deux retraités bernois, le spécialiste du dialecte Hans Schmidiger et l'écrivain Hans Ulrich Schwaar, à lancer une pétition. Jusqu'à fin juillet, ils avaient réuni 7653 signatures pour assurer la place du dialecte à l'école enfantine, d'où il n'est pourtant pas banni.

Selon eux, relativiser la place du dialecte est une «mise à mal de notre spécificité et de notre plus vieux bien populaire», et même «un viol de l'âme enfantine». C'est ce qu'ils ont déclaré l'été dernier au journal Der Bund.

Compétences dans une première langue

Le comité d'initiative zurichois, qui a déposé 12'000 signatures fin novembre, ne va pas si loin. «Il est important de savoir bien une première langue avant de se lancer dans une autre langue, expliquent les enseignantes d'école enfantine dans un argumentaire. Or beaucoup d'enfants, même alémaniques, ne maîtrisent pas le dialecte en arrivant à l'école enfantine.»

Si l'étude d'évaluation bâloise ne portait pas sur l'efficacité du bon allemand pour l'apprentissage de la langue écrite et parlée, cette efficacité est généralement considérée comme acquise par les autorités scolaires. «C'est un cliché, rétorque Jost Müller. La seule conséquence étayée est qu'un usage précoce abolit les préjugés.»

C'est déjà une bonne chose, puisque cela «conditionne un bon apprentissage», estime de son côté directeur de l'Office cantonal de l'école obligatoire de Bâle-Ville Pierre Felder.

Inquiétudes face au changement

Pour Pierre Felder, une des raisons de l'opposition au bon allemand est «l'accélération de la globalisation, qui suscite des craintes et un réflexe identitaire. De plus, certaines forces conservatrices instrumentalisent une clientèle justement inquiétée par les changements structurels.»

Là encore, Jost Müller réfute. «La globalisation ou la forte immigration allemande ne sont pour rien dans notre philosophie, dit-il. D'ailleurs, les enfants de familles allemandes se mettent vite au dialecte, parce que c'est aussi la langue des jeunes, qui s'écrivent mails et sms en dialecte...»

Bärndütsch, Baseldytsch ou Züritütsch devraient donc avoir encore de beaux jours devant eux...

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