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Des pratiques étonnantes

Soumis par Jean-François Kunzi le 6 juillet 2007

Récemment, deux mères de famille, l'une Vaudoise, l'autre habitant le Bas du canton, m'ont contacté pour solliciter «un avis d'expert». Leur désarroi manifeste face à des situations, pour elles incompréhensibles, m'a paru tout à fait sincère.

Les pratiques qu'elles m'ont décrites et dont leurs enfants sont les victimes m'ont étonné. Les connaissances apportées par la recherche dans le domaine de la psychologie de l'enfant et de l'adolescent ainsi que dans celui de l'apprentissage peuvent-elles être à ce point ignorées par des enseignants ? Existe-t-il vraiment, parmi mes collègues, des individus inconscients des traumatismes profonds et durables que leur attitude à l'égard de certains de leurs élèves risque d'engendrer ?   Un président de syndicat, même si ses connaissances et son expérience font de lui un «expert», peut, parfois, être confronté à de bien étranges demandes. Qu'un journaliste le sollicite pour un avis sur une question d'actualité touchant l'école ou la formation ou pour obtenir des renseignements dans ces deux domaines s'avère courant et logique. Mais que deux mères de famille complètement déconcertées lui expriment, durant la même semaine, leurs interrogations quant à des pratiques et à des attitudes d'enseignants relève de l'exception.

Manifestement, ces deux personnes n'ont rien en commun avec ces parents qui cherchent volontiers des noises au-x prof-s de leur enfant. Leurs questionnements sont parfaitement légitimes et les réponses apportées devraient leur permettre d'entrer en dialogue constructif avec les enseignants concernés. Cette démarche nécessaire leur appartient totalement, car un président de syndicat, et c'est heureux, ne jouit d'aucun pouvoir discrétionnaire sur «ses» membres et collègues... Comment réagir quand une mère vous décrit la maîtresse de son fils déchirant, devant toute la classe, un document réalisé par son enfant? Personnellement, mais je ne l'ai pas dit à cette maman, j'y vois un signe de mépris, une expression de sadisme, une volonté de rabaisser. S'il me paraît normal voire indispensable d'exiger un travail propre et soigné, la manière d'y parvenir me semble hautement discutable. On peut et, quelquefois, on doit demander à un élève de recopier un texte produit en évitant les ratures, en améliorant la disposition, etc. Mais ne lui appartient-il pas de choisir lui-même le sort à réserver à sa production initiale ?

Que rétorquer à cette mère de quatre enfants qui accuse les enseignant d'un centre secondaire fréquenté par ses deux cadets, l'un, comme ses deux aînés, en section de maturité, l'autre en section préprofessionnelle, de pratiquer un élitisme forcené allié à une dévalorisation systématique des élèves les moins doués ? Peut-on invoquer la sélection naturelle alors que c'est bien notre société qui fixe des critères hautement discriminatoires et qui valorisent certains types d'intelligence ? Un élève qui suit la section de maturité est-il «condamné» à poursuivre des études «académiques» ou dispose-t-il de la liberté de choisir, par exemple la voie professionnelle, sans encourir de moqueries ou de critiques de la part de ses profs ? Quand on connaît les conséquences de l'effet Pygmalion, peut-on prétendre traiter justement des adolescents pour lesquels on n'a que peu de considération ?

L'École ne devrait-elle pas, à chaque degré de la scolarité, viser l'excellence pour tous ? La société dans laquelle devront s'insérer nos élèves peut-elle laisser une partie d'entre eux sur le bord du chemin ? Notre responsabilité d'enseignant n'est-elle pas clairement engagée ?

Jean-François Künzi

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