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Des standards HarmoS

Soumis par Saïd Khamlichi le 25 mai 2007

HarmoS constitue aujourd'hui une préoccupation majeure parmi les enseignants neuchâtelois et leurs associations professionnelles. Aussi bien le SAEN que le SSP ont réservé une partie importante des travaux de leurs dernières journées syndicales à ce thème. Le SAEN, dans le cadre de sa campagne de recrutement par voie d'affichettes, a consacré une annonce entière à ce chantier. C'est qu'un certain nombre d'orientations portées par HarmoS, notamment celles touchant aux standards, nourrissent bien des appréhensions. Sont-elles justifiées?

D'aucuns affirment que la perspective d'une approche fondée sur une mesure standardisée des performances des élèves doit faire craindre le pire pour l'enseignement voire pour l'école publique. Schématiquement, deux grands blocs d'arguments se dégagent. Ils peuvent bien sûr s'interpénétrer. Le premier est centré sur des motifs didactiques. Il conteste la valeur pédagogique des tests mesurant le degré d'acquisition des standards car ils favoriseraient un savoir morcelé et étroitement factuel. Il craint que certains apprentissages, plus complexes et plus difficilement évaluables, soient négligés ou sacrifiés. Il met en garde contre les dangers des logiques des drills excessifs, du bachotage et du «Teach to test». Le deuxième décèle dans les standards le déploiement dans le champ de l'instruction publique d'un modèle néolibéral caractérisé. Il dénonce l'aspect «technocratique» des approches basées sur le pilotage des systèmes éducatifs par la mesure de leurs performances et leur régulation par la qualité. Il craint une mise en concurrence des écoles, à l'instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, et est effrayé par une perspective comparative qui verrait le classement des établissements étalé dans les hebdomadaires et quotidiens à grand tirage. Il s'interroge sur l'utilisation et l'interprétation qui seront faites des résultats aux tests et redoute l'accentuation de la pression des parents d'élèves et de l'opinion publique.

La logique des standards est une évolution qui doit bien sûr être interrogée et il convient d'apprécier en quoi elle serait pertinente (ou pas) pour le développement de notre école. Mais les analyses ne doivent pas être faites avec le prisme déformant des répliques sommaires et des certitudes qui sonnent la charge sans se questionner elles-mêmes. Et si les standards étaient une chance pour notre enseignement ?

Un système scolaire ne peut évidemment pas se définir uniquement par la fréquence de ses évaluations, et les épreuves ne peuvent effectivement pas à elles seules faire progresser les élèves. Il n'en demeure pas moins que ces démarches correspondent à un instrument incontournable pour faire évoluer l'enseignement en fonction des compétences acquises ou non acquises. La mesure externe est par ailleurs de plus en plus reconnue comme un facteur atténuant les effets de l'hétérogénéité des pratiques et des subjectivités enseignantes. Les standards permettraient alors d'obtenir un certain contrôle sur son propre enseignement et d'orienter ce dernier de façon plus rigoureuse. Il est tout à fait légitime d'attirer l'attention sur les dérives potentielles des standards, de montrer le caractère illusoirement rationnel d'un pilotage des politiques éducatives basé uniquement sur les «outcomes», de s'interroger sur la fiabilité empirique des tests, de redouter que les résultats soient utilisés non à des fins pédagogiques mais comme une thématique électoraliste ou comme un motif de coupes budgétaires. Mais le discours qui évacue toute idée d'une possible mesure de la performance d'un système, qui met l'accent uniquement sur l'obligation des moyens et bannit toute référence à l'obligation des résultats du lexique enseignant, qui ne peut envisager que les maîtres puissent répondre, au moins partiellement, des acquisitions de leurs élèves, est tout simplement irresponsable et dénué de toute crédibilité. Il ne fait en définitive que servir des arguments au néolibéralisme qu'il prétend combattre. Il nuit à l'autonomie professionnelle des enseignants qu'il entend préserver et s'avère inapte à relever les défis qui frapperont inévitablement à nos portes demain.

Ces réflexions sont évidemment loin d'épuiser toutes les questions que soulèvent les standards. Mais leur évocation suffit à illustrer le genre d'enjeux qui pourraient bien s'annoncer. Alors, les standards: apocalypse ou jardin d'Eden? Ni l'un ni l'autre. C'est quelque part aux confins de l'action, des ajustements successifs, du travail systématique laissant ouvertes toutes les possibilités d'innovation et d'amélioration qu'il convient de chercher la clé pour que les standards soient un outil au service d'une évolution positive et harmonieuse de notre école. 

Saïd Khamlichi

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