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Eclipse : sortez tous voir l’éclipse.

Soumis par SAEN le 20 mars 2015

Eclipse : non à l’obscurantisme dans certaines écoles de la République !

Eclispe partielle de Soleil observée depuis Orsay en 2005.
Eclipse partielle de Soleil observée depuis Orsay en 2005. Hervé Dole

Vendredi matin, entre environ 9 h 30 et 11 h 30 en France métropolitaine, aura lieu une éclipse partielle de Soleil, durant laquelle la Lune masquera en grande partie notre étoile – jusqu’à 80 % lors du maximum vers 10 h 30. Ce phénomène naturel est assez impressionnant à voir, surtout quand c’est la première fois qu’il est observé, par exemple par des enfants. Cela tombe bien, cette éclipse aura lieu durant le temps scolaire, voire même durant la récréation : idéal pour les élèves des écoles élémentaires. Bon nombre d’enseignants prennent cette opportunité rare pour proposer à leurs élèves d’effectuer de véritables observations, avec leurs aléas possibles – ainsi en est-il de toute mesure ou expérience scientifique. Quelle chance de pouvoir, à peu de frais et dans le cadre scolaire, goûter à l’excitation d’assister à un phénomène unique, de comparer prédictions et observations, et de tenter de comprendre ce grand ballet cosmique ?

Des précautions doivent évidemment être prises. L’observation directe du Soleil est interdite – sous peine de lésions oculaires irréversibles – en toute occasion, et pas seulement durant une éclipse. A moins, comme quelques écoles, de disposer de lunettes spéciales « éclipse » qui, elles seules, à l’exclusion de tout autre moyen, absorbent les rayons UV, infrarouges et visibles, comment observer le phénomène ? Simplement par projection, c’est-à-dire en regardant sur le sol les ombres portées par nos doigts croisés, ou des écumoires, ou passoires, ou encore des feuilles cartonnées dans lesquelles sont pratiqués des petits trous au compas ou au stylo-bille. Vous serez émerveillés de voir que les ombres prennent la forme… d’un Soleil éclipsé ! On peut même dessiner la forme sur une feuille de papier déposée sur le sol, et observer la progression du phénomène. Rester dans une classe est également possible, si les rideaux tirés laissent passer quelques rais de lumière qui formeront sur le sol l’image tant convoitée. De nombreux sites Internet, et même une BD, illustrent ces conseils.



 

Par quelle pensée magique ou peur digne du Moyen Age certains adultes vont parquer les enfants à l’abri du Soleil ?

Observer l'éclipse - Quelques moyens simples et sûrs

Dès lors que des moyens sûrs et simplissimes d’observer l’éclipse existent, pourquoi certaines circonscriptions ou écoles interdisent aux élèves d’observer le phénomène ? Par quelle pensée magique ou peur digne du Moyen Age certains adultes vont parquer les enfants à l’abri du Soleil ? Notre société est-elle à ce point malade que personne ne fait la différence entre le plan Vigipirate et une éclipse ? A ces messieurs qui prétendent protéger nos enfants, sachez plusieurs choses. Premièrement, hier en Ile-de-France le taux de pollution aux particules fines a été scandaleusement élevé. Que n’a t-on alerté les familles et les enfants de ne plus respirer, afin de garder la santé ? Alors que les embouteillages fleurissaient en toute impunité, que ne les a-t-on informés de ce danger quotidien ? Secondement, les sorties scolaires à la piscine sont notoirement dangereuses : outre les passages piétons létaux, qui pourrait dire que respirer dans l’eau est possible ? Nos enfants frôlent la mort à chaque brasse, et personne ne s’en alarme ? Quelles mesures sont engagées pour contrer ces risques majeurs ? Peu… Heureusement, un risque a bien été identifié et correctement traité, celui de la très dangereuse éclipse !

Comment former l’esprit critique de nos enfants, citoyens de demain, si notre société actuelle post-Charlie, déjà bien traumatisée, ne leur propose que des remèdes infantilisants et injustifiés – ici, se cacher dans une classe pour ne pas observer l’éclipse ? Certains cadres de notre pays sont-ils à ce point incultes scientifiquement qu’ils ignorent la capacité essentiellement sans limite de curiosité et de passion des élèves exposés à des phénomènes naturels de toute nature (de la structure d’un cheveu à la moisissure, de la fourmi jusqu’à l’éclipse) ? Nos jeunes générations ont aussi droit à être exposées, dans tous les domaines, à la découverte, la passion, l’expérimentation.

Un seul remède : sortez tous voir l’éclipse. Faites des ombres chinoises avec vos doigts et regardez les ombres, vous ne le regretterez pas ; partagez le mot et les images, soyez curieux du monde qui vous entoure.

Hervé Dole, astrophysicien, professeur à l’université Paris-Sud et directeur adjoint de l’Institut d’astrophysique spatiale (CNRS et Paris-Sud), et conseiller municipal d’Orsay.

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Des enfants privés de récréation


Ce matin entre 9h25 et 11h45 environ, la lune fera de l'ombre au soleil, mais moins que sur cette image d'éclipse totale à Varanasi (Inde) en 2009. AP

Mesures prises pour protéger les yeux des élèves du canton.

Arrivée mercredi matin par courriel dans les directions des centres scolaires, une missive émanant du Service de l'enseignement obligatoire (SEO) a illuminé la mémoire de ceux qui l'auraient oublié: une éclipse solaire partielle aura lieu demain. Dans notre canton, elle sera visible entre 9h25 et 11h45 environ. La lune et le soleil flirteront donc durant la grande récré de 10 heures. Comment donc protéger les yeux des écoliers lorsque l'Office fédéral de la santé publique lui-même souligne que " les enfants ne doivent pas être laissés sans surveillance pendant l'observation du solei l"?

Ni une ni deux, le SEO s'est empressé d'envoyer des recommandations aux directions des centres scolaire et autres institutions. Soit de prendre les mesures nécessaires afin que les élèves n'observent pas cette éclipse sans protection adéquate et de les mettre en garde. Concernant les récréations et autres activités prévues à l'extérieur, le SEO demande " impérativement " de prendre en compte les risques et, "le cas échéant pour les plus petits élèves de les garder à l'intérieur ". Du coup, en deux temps trois mouvements, les centres scolaires du canton ont chacun pris les mesures qu'ils jugeaient nécessaires. Certains ont opté pour garder les élèves du cycle 1 (les 4 à 8 ans), voire 2 (9 à 11 ans), dans les classes et laisser sortir non sans une sévère mise en garde, les élèves du cycle trois (12 à 15 ans). Tel est notamment le cas pour tous les élèves chaux-de-fonniers, pour ceux du cercle scolaire de Cescole, à Colombier, ou encore ceux du cercle du Centre des Deux Thielles au Landeron. Certains se sont montrés plus laxistes. Au centre scolaire de Val-de-Travers, l'information de la dangerosité de regarder directement le soleil à l'oeil nu a été diffusée auprès des élèves et de leurs parents. " Mais ce sera aux enseignants de prendre des mesures concrètes comme par exemple descendre les stores ", relève le directeur adjoint Denis Rey.

Au centre des Terreaux, à Neuchâtel, à celui des Cerisiers, à Gorgier, et à celui de la Côte, à Peseux, c'est nettement plus strict-. L'interdiction de sortir des classes entre 9h30 et 11h30 pour tous les élèves, tous cycles confondus, sera de mise ce matin. Y compris celle de changer de collège en fonction d'où se donnent les cours. Et dans les classes, les stores seront baissés. " Sans cette mesure, on ne peut surveiller strictement tous les élèves ", souligne Silvio Nadig, sous-directeur. " Notre responsabilité serait engagée ." Celui-ci soupçonne toutefois les émissions TV et radios sur le sujet d'avoir "boosté" les recommandations. Par contre, à peu près partout, les élèves (et leurs enseignants) qui avaient anticipé l'éclipse, voire prévu de travailler sur ce phénomène et qui seront équipés de lunettes agréées pourront, par petits groupes, aller observer ce phénomène qui se reproduira dans six ans seulement.

LE MOT DE L'OFFICE FEDERAL DE LA SANTE PUBLIQUE

Si l'on observe ce phénomène sans se protéger les yeux, la rétine risque de subir des brûlures irrémédiables. C'est pourquoi les yeux doivent absolument être protégés. Il ne faut en aucun cas utiliser des moyens auxiliaires tels que du verre noirci, des lunettes de soleil, des films, des cédéroms ou d'autres instruments d'optique dépourvus de filtres spéciaux. Le risque de lésions est d'autant plus grand que la brûlure de la rétine n'est associée à aucune sensation de douleur et que les dégâts ne se manifestent que plusieurs heures plus tard. Même avec des lunettes destinées à l'observation du soleil, la prudence est de mise.

Par FLORENCE VEYA

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Eclipse au collège : on a rendu le Soleil aux élèves

L’éclipse solaire vue de Bruxelles, le 20 mars 2015 (ERIC LALMAND/BELGA/AFP)

Jeudi 19 mars, salle des profs du collège Ylisse, pause du midi. Je suis le plus malheureux de l’univers.

Pour commencer, j’ai oublié la règle numéro 1 de tout prof : déposer sa vie privée aux grilles du collège. Du coup, j’ai à peu près autant le cœur à la tâche que Marisa, qui se demande si le regard de sept millisecondes lancé par Antonin signifie qu’il rêve d’elle. Une pile de copies d’élèves de la taille du Titanic vient recouvrir mes émois d’adolescent.

L’Education nationale protège en enfermant

Et pour couronner le tout, bien sûr, il y a l’éclipse. Celle qui intrigue les mômes, qui me demandent comment ça fonctionne, ce qui va vraiment se passer, et si c’est un complot des Illuminati.

Cette éclipse lance une drôle d’ombre sur le bahut. Une présence énigmatique que les élèves attendent avec un peu d’angoisse, tandis que les profs qui n’enseignent pas de matière scientifique se demandent ce qu’ils vont en faire.

Ainsi que notre rectorat.

L’e-mail est tombé dans nos boîtes professionnelles avec un petit bruit sec. Les rayons du Soleil de derrière la Lune inquiètent. A tous les coups, ils fascineront, à tous les coups, les élèves déconneront. Ils se crameront la cornée à fixer le ciel. Ça fera un article sur les sites d’information, chacun y ira de son commentaire. Laissez-allez de l’Education nationale et compagnie.

Alors l’Education nationale prend les devants, l’Education nationale protège. L’Education nationale enferme. Y compris durant la récréation. Trop dangereux.

Durant toute la petite danse des corps célestes, les mômes seront confinés. Fenêtres, stores et rideaux fermés. Le cours continue, des centaines de petits corps bien en sécurité dans les établissements scolaires.

Nous sommes les Incas d’Hergé

Je ne parviens pas à me retirer cette image de « Tintin et le temple du soleil », dans laquelle les descendants des Incas, terrorisés par une éclipse de BD, courent en tout sens. Les traits habituellement réguliers des personnages d’Hergé sont ici déformés par la panique. Depuis ce vendredi matin, nous sommes les Incas d’Hergé. A courir en tout sens sans trop savoir que faire, tandis que la Lune passe tranquillement au-dessus de nous.

Oui, c’est le choix de la raison. Oui, on ne peut pas se permettre de rendre nos protégés à leurs parents les yeux cramés. Les os brisés, le front ouvert. Mais pouvons-nous les rendre inchangés après ce phénomène cosmique ?

J’ai beau retourner le problème en tout sens, le seul mot qui me revient en tête est obscurantisme. Au sens propre. Bloquer les rayons du soleil, les questions, les risques. Nous assurons le fonctionnement de la machine collège.

Est-ce pour ça que je suis devenu prof ? Est-ce que c’est ça, être prof ? Etre enfin cet adulte responsable, qui préserve. Qui enclot. Faute de budget, faute d’assez de lunettes de protection, faute de temps pour avancer dans le programme, on se coupe du cycle du temps.

Pas loin de moi, un soupir agacé me tire de mes fantasmes. Une collègue de physique. On se parle peu. Différences d’horaires, de géographie dans l’établissement, d’idées sur l’éducation. Elle a envie de montrer les cieux à ses élèves et une grande brassée de verres fumés homologués dans ses cartons. Pas suffisamment. Et elle est toute seule pour tout organiser. Si on avait un peu de temps et de volonté, si on pouvait aller en parler à la direction... Mais c’est trop tard, c’est compliqué. C’est fatiguant. Ce n’est sans doute pas bien légal.

Est-ce que je suis devenu prof pour ça ?

Rendons-leur le soleil

Je tire de mon cartable un stylo, un stylo rouge et une photocopie en trop, une photocopie ou Juliette demande à Roméo de ne pas jurer sur la Lune, l’inconstante Lune, qui change à chaque mois.

Au dos, je commence à noter les créneaux horaires, les classes, les profs qui pourraient encadrer les mômes. Ce ne sera pas longtemps, une à deux minutes. Mais ils pourront lever le nez vers les ombres du plein jour. La salle des profs s’anime. Sur un coin de table, le papier se remplit. Des adultes se mobilisent pour entrouvrir les volets, pour montrer à voir.

Je regarde la collègue de physique donner ses consignes, concises et brèves, les textos qui circulent. « Oui, demain à 10h10, les sixièmes, tu peux les faire descendre dans la cour ? Génial. » Tout autour de moi, des adultes font leur travail de prof. A 400 gamins, ils rendent le soleil.

Monsieur Samovar

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