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Épuisement professionnel : mode, tendance ?

Soumis par Myriam Facchinetti le 21 avril 2019
Un mal qui guette chacun-e de nous

C’est dans l’air du temps. Tout le monde connaît quelqu’un en « burn-out », épuisé professionnellement à tel point qu’il ou elle doit s’arrêter de travailler. Chaque lecteur connaît au moins une personne qui a déjà dû faire face à cette problématique douloureuse.

Comment se fait-il que justement, chacun de nous soit confronté, de près ou de loin, à cette forme de dépression sur son lieu de travail ? Est-ce un phénomène de mode ? S’écoute-t-on un peu pour faire branché, tendance ? « Oui, je suis en burn-out, mais c’est trend, tu sais, pas de souci... ».

Oh que non... Ce n’est pas aussi simple.

Le burn-out est pernicieux, vicieux, sournois. On a beau le pressentir, tenter de le contrer avant qu’il ne s’établisse, on a beau connaître exactement son mode d’installation, sa manière d’écraser nos ressources, il parvient toujours à s’imposer, à nous faire culpabiliser parce qu’on n’a pas réussi à lui faire rebrousser chemin.

C’est vrai, l’épuisement professionnel peut toucher tout le monde, parmi les enseignants : les perfectionnistes, les idéalistes, les « j’m’en-foutistes » et les minimalistes. À chaque fois, c’est la même histoire, inlassablement : on sent bien qu’on commence à être dépassé, on repousse les échéances, on accumule le travail, on ne dort plus, on mange moins ou beaucoup plus, on s’isole des autres, on devient agressif, on s’enferme petit à petit dans une solitude culpabilisante et honteuse. Mais on repousse tant bien que mal ce moment maudit, inconcevable, où l’on devra poser les plaques. On ne l’envisage pas tout de suite. Arrêter de travailler, c’est devoir anticiper un remplacement qui pourrait durer plusieurs semaines, c’est accepter que le travail ne soit pas fait à notre façon, c’est avoir peur que sa classe vole en éclat, soit irrécupérable à notre retour, c’est prendre le risque de se perdre complètement dans son identité d’enseignant bien établi et respecté.

Alors on s’accroche. On tient. On tient... On se fait des listes, pour ne rien oublier. On tente d’appeler à l’aide, la direction, le service socio-éducatif, qui ont déjà tellement de chats à fouetter. On pleure, souvent, devant ses collègues, ses élèves, sa famille, mais aussi face à soi-même. On se fatigue, on dépérit. On ne parvient plus à faire son travail à satisfaction : des erreurs apparaissent insidieusement, des oublis, des confrontations douloureuses avec les élèves et leurs parents parfois. Un mal-être sournois nous envahit, mais on fait face. Coûte que coûte. L’épuisement, ça ne peut pas m’arriver, pas à moi... Jamais...

Et un jour, après le moral, c’est le corps qui flanche, qui refuse de nous donner la force de rentrer dans le collège, de monter les escaliers, d’allumer l’ordinateur avec la vingtaine de courriels du jour. Le corps sait dire stop, lui. Et il faut lui obéir, se résigner, pas le choix. C’est terminé, impossible d’aller plus loin.

À partir de là, c’est d’abord la vraie descente aux enfers, le naufrage. On coule à pic. Puis on tente de comprendre quels mécanismes nous ont fait en arriver là. Cette phase de remise en question s’accompagne de culpabilité, de dégoût de soi, d’une tristesse infinie mêlée de colère, contre soi, contre le système, contre les parents, contre les élèves. Autant dire que le moment n’est pas très glamour. Lâcher-prise est extrêmement difficile, voire insurmontable, inenvisageable, mais absolument nécessaire. Puis il faut retrouver les ressources, puiser, puiser encore dans tous les moments de calme et de bonheur que la vie peut nous amener. Pour enfin remonter à la surface, péniblement.

Alors non, l’épuisement professionnel n’est ni tendance, ni à la mode. Mais il est répandu, c’est vrai. C’est une recette compliquée, le reflet du mode de travail dans lequel nous devons évoluer. Nous endossons plusieurs rôles dans nos classes : enseignant, psychologue, orthophoniste, pédiatre, ergothérapeute, traducteur, policier, juge, diététicien, informaticien, assistant social, etc. Mélangez toutes ces casquettes à porter simultanément, touillez le tout en restant adéquat dans tous les domaines. Rajoutez une pincée de perfectionnisme ou alors de désorganisation. Votre cocktail explosif est prêt ! Et au moment de le consommer, prenez votre courage à deux mains : la remontée sera ardue, mais probablement qu’une fois revenu à la surface, vous en ressortirez grandi. Parole d’enseignante épuisée en phase de reconstruction !


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Publié le
dim 21/04/2019 - 10:33
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