Ils et elles étaient nombreux-ses, les enseignant·es neuchâelois·es qui attendaient impatiemment la journée syndicale, la déclaration d’intention du SAEN et le débat de l’après-midi sur l’école inclusive. Entre appréhension de rencontrer la conseillère d’État en charge du DFDS et colère à peine retenue, ce moment n’a laissé personne indifférent.
La journée syndicale est toujours un moment particulier: l’opportunité de revoir celles et ceux qu’on ne rencontre qu’à cette occasion, de se sentir moins seul·e dans ses préoccupations et d’accorder pour une nouvelle année sa confiance au comité et à son président. Cette année, le comité a voulu frapper fort, en invitant les autorités à se joindre au débat, quitte à les livrer potentiellement en pâture à des enseignant·es fatigué·es, un peu désabusé·es et parfois remonté·es.
Avant le débat, lors de l’accueil-croissants, de l’apéritif et du repas, les discussions allaient bon train: certain·es craignaient de devoir à nouveau entendre le sempiternel laïus qui les propulse à chaque fois au rang de Superman ou Wonderwoman, sans qu’on ne tienne réellement compte des difficultés difficilement chiffrables de leur métier. D’autres au contraire se réjouissaient de pouvoir parler les yeux dans les yeux avec «la Reine et le Roi», enfin sorti·es de leur tour d’ivoire.
Une enseignante me confiait sa colère de devoir composer avec des élèves absolument pas intégrables dans notre système scolaire, élèves en difficulté majeure de comportement, que la plus parfaite bienveillance ne parviendrait jamais à intégrer dans un cursus normal. «Où trouver le bénéfice pour l’élève dans tout ça? Pour moi, c’est de la maltraitance: on se dit école inclusive, on se donne bonne conscience en fait. Mais il n’en est rien…»
Plusieurs enseignantes du cycle 1 se désespéraient également: «On nous laisse nous débrouiller seules… Tu démarres ton année scolaire sans véritablement savoir ce qui t’attend, en 1re année. Mais il faut très peu de temps pour que tu décèles les difficultés sociales ou cognitives de tes élèves. Après, c’est une autre histoire de faire avaler la pilule aux parents, souvent dans le déni, et encore toute une procédure fastidieuse pour qu’on te décharge, qu’on vienne t’aider… Souvent, il faut deux, trois années ou plus pour que ces élèves soient pris en charge, pour que ta souffrance d’enseignante soit prise en considération. C’est pas normal tout ça…»
Malveillance envers les élèves, malveillance envers les enseignant·es? Oui, plusieurs personnes dans l’assemblée vivent cette perspective d’école inclusive très difficilement. Le témoignage de Diane Matile Burkhalter et le mien1 étaient l’occasion d’ouvrir les yeux de Madame Graf, lui montrer la souffrance que peuvent traverser certain·es d’entre nous, mais également de lui soumettre des bonnes pratiques envisageables.
Le débat a été riche, bienveillant. Il était important. Ce que l’on peut retenir de cette journée, c’est que dans n’importe quelle réforme ou projet du canton, que ce soit PRIMA ou l’école inclusive, il est désormais inconcevable, voire intolérable de foncer tête baissée sans englober dans l’équation les principaux bâtisseurs et bâtisseuses du changement: nous, les enseignant·es!
1 À lire sur le site du SAEN – Journée syndicale 2022: documents et témoignages