Aller au contenu principal

«Fin 2017, on aura coupé un milliard dans les écoles»

Soumis par SAEN le 22 janvier 2017

Mathias Reynard, conseiller national (PS/VS), lance une nouvelle estimation sur l’argent épargné par les cantons depuis 2013.

Les coupes dans les budgets de l’éducation défavorisent les élèves, selon Mathias Reynard. (Salvatore di Nolfi/Keystone)

Le chiffre est impressionnant. À la fin de cette année, les économies effectuées dans l’enseignement par les cantons dépasseront le milliard de francs, selon les estimations de Mathias Reynard, conseiller national (PS/VS). Depuis 2013, la plupart des coupes ont déjà été faites ou du moins sont-elles prévues (même si les montants ne sont pas toujours connus). Mais c’est le tableau général, la somme de toutes les coupes dans les budgets alloués aux écoles, qui frappe les esprits.

Et il n’y a pas de petites économies: les coupes vont de la baisse des salaires des professeurs au nombre d’heures de cours en passant par la suppression de l’appui aux élèves. «La palme va au canton de Lucerne, qui a carrément supprimé une semaine de cours et l’a transformée en vacances», explique le socialiste valaisan. Et le canton le plus préservé? «Pour l’instant, en Suisse romande, la situation vaudoise est la moins mauvaise. Il y a eu des dégradations mais aussi quelques améliorations», assure-t-il.

Inquiétudes pour l’avenir

Pour Mathias Reynard, ces coupes sont dangereuses: «Mon message n’est pas “pauvres enseignants” mais “pauvres enfants”. Car ces coupes défavorisent toujours les plus faibles. Un bon élève réussira aussi bien dans une classe de 15 enfants que de vingt-cinq. Ce n’est pas le cas de celui qui a des difficultés. Ce d’autant plus que plusieurs cantons retirent aussi dans les cours de soutien.» Et de dénoncer «la mise à mal de l’égalité des chances». L’élu socialiste parle d’inquiétudes encore plus grandes pour l’avenir puisque, d’un côté, 19 cantons sur 26 pratiquent déjà une politique d’austérité et qu’ils devront en plus faire face à la troisième réforme des entreprises (RIE III). Les coupes dans les quelque 35 milliards de francs qu’investissent chaque année les cantons dans l’enseignement sont donc tentantes.

Du côté du Syndicat des enseignants romands, le président Samuel Rohrbach confirme l’ordre de grandeur des économies. Il rappelle que l’année dernière le syndicat alémanique parlait d’une diminution de 800 millions de francs. «Le problème, c’est le cumul des mesures, explique-t-il. On baisse un peu le salaire. Puis on augmente les effectifs. Ensuite on augmente le nombre d’heures qu’un professeur doit donner. Et, au final, ça devient problématique.» Samuel Rohrbach peint aussi l’avenir en noir: «Souvent, les “petites économies” ont déjà été faites. Les cantons vont maintenant passer aux “grandes économies”, celles qui vont toucher directement à la qualité de l’école.»

«Désormais, les économies vont toucher la qualité»

Les ministres de l’Éducation sont conscients du problème. L’inquiétude est là, y compris à droite. Ainsi, l’UDC Oskar Freysinger insiste: «Pour l’instant, il y a eu peu de coupes en Valais. J’ai su aussi, par mon expérience de prof, aller chercher là où ça fait lemoins mal, là où la qualité de l’enseignement n’est pas touchée. Et heureusement la situation financière du canton est moins catastrophique que d’autres..» Le conseiller d’État valaisan espère que le bénéfice de la BNS qui sera redistribué aux cantons (le Valais est censé recevoir un peu plus de 40 millions) permettra de limiter les coupesen 2018. «Mais il y a aussi les effets de la RIE III ou la fin des redevances hydrauliques. Bref, de grosses inconnues à plusieurs millions qui pourraient grever le budget», précise-t-il.

Et l’avenir? «Je suis inquiet», déclare Oskar Freysinger. Et de confirmer: «On arrive dans le dur, là où les économies touchent la qualité de l’enseignement. Et il s’agit clairement d’une mauvaise épargne qui se paiera cher plus tard. Je vois bien dans l’autre partie de mon département, celle de la sécurité, la criminalité provoquée par la mauvaise éducation dans les écoles et les familles.»

Ministre neuchateloise de l’Éducation et présidente de la Conférence latine des directeurs cantonaux de la formation, Monika Maire-Hefti acquiesce et parle aussi d’un «avenir inquiétant pour les élèves les plus fragilisés». «Les coupes budgétaires, c’est toujours douloureux. J’ai essayé de faire au mieux», assure-t-elle. Pour l’instant, malgré un budget assaini de 100 millions, le canton de Neuchâtel a, par exemple, réussi à éviter l’augmentation du nombre d’élèves par classe. Mais plusieurs mesures sont déjà entrées en vigueur, comme une réduction de la grille horaire (avec la disparition d’une heure de formation générale au deuxième cycle HarmoS) ainsi que de certains programmes (comme l’informatique). Le constat semble être le même partout: ce sont les prochaines économies qui feront vraiment mal. •

Fabian Muhieddine
fabian.muhieddine@lematindimanche.ch

Source: Le Matin Dimanche du 22 janvier 2017

PDF

Mots-clés associés