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Formation des enseignants à la traîne

Soumis par SAEN le 13 août 2015

Le Syndicat des enseignants romands réclame des états généraux. L'harmonisation scolaire entraîne des nouveaux défis pour la profession. Mais elle n'a pas les outils pour y répondre.

Le secrétaire général du Syndicat des enseignants romands Jean-Marc Haller (à gauche) et le président Georges Pasquier déplorent que la formation des enseignants fasse l'objet d'économies budgétaires. Ils veulent en discuter avec les cantons. KEYSTONE

"Les enfants méritent des enseignants qui soient bien formés." Le Syndicat des enseignants romands, le SER, tire la sonnette d'alarme. Si l'harmonisation scolaire bat son plein en Suisse romande, "la formation n'a fait l'objet d'aucune discussion sérieuse" , a dit son président Georges Pasquier, hier, à Lausanne. Et de réclamer des états généraux sur le sujet à la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin.

"Nous sommes en train d'affaiblir la qualité de la formation aux dépens de nos élèves" , renchérit Jean-Marc Haller, secrétaire général du SER. "Tout ça pour des questions d'économies. Le budget de la HEP Bejune (réd: la Haute Ecole pédagogique des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel) illustre parfaitement ce qui se passe en Suisse romande, à l'exception de la HEP Vaud. Entre 2009 et 2015, le nombre d'étudiants a augmenté de plus de 40%, le budget a diminué de 12 pour cent. On fait des coupes dans la formation des enseignants."

Durée insuffisante

Outre le manque de moyens financiers, la durée de la formation est jugée insuffisante. Pour le primaire, elle est de trois ans. "Ça fait plusieurs années que les Hautes Ecoles pédagogiques disent qu'elles ne peuvent pas former un enseignant généraliste en trois ans. Dans l'ensemble de l'Europe, c'est quatre ans ou plus" , souligne Georges Pasquier. En Suisse romande, Genève fait exception avec une formation de quatre ans. Mais une motion est pendante devant le Parlement cantonal pour la raccourcir.

La trop courte durée de formation, aux yeux du SER, a des conséquences. "Au moment où les gens ne sont plus vraiment généralistes, on distribue le travail plutôt que d'avoir des généralistes qui sont formés et qui partagent le travail" , estime le président du SER. "Une des conséquences est que les enseignants n'ont plus accès à un certain nombre de branches" , ajoute Pierre Graber, président du Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois. "Ils n'ont plus une vision de l'ensemble de la classe, de la progression des enfants. C'est une sorte de secondarisation du primaire."

Dans le secondaire, "l'attribution à un enseignant d'heures dans des disciplines où il n'est pas formé est plus que fréquente et tend à devenir une pratique ordinaire" , regrette le syndicat. Ainsi, en raison d'une pénurie, des enseignants de maths vont donner des cours de sciences. Ou vice-versa. Sans oublier les profs de gym qui vont donner un coup de main dans le primaire.

Ce n'est pas tout. Aujourd'hui, avec l'harmonisation sur le plan romand, l'école se veut inclusive. Dans ce cadre, les enfants à besoins éducatifs spécifiques devraient être intégrés autant que possible dans l'école ordinaire. "Le politique s'est piégé. Les conseillers d'Etat ont juré que l'école inclusive n'augmenterait pas les coûts. C'est faux ", relève Jean-Marc Haller. Seul le Jura fait exception. Il a chiffré à la hausse le prix de cette intégration.

"Kit de survie"

De leur côté, les enseignants ne sont pas suffisamment armés pour répondre à des cas difficiles. Une tâche généralement confiée à un enseignant spécialisé. Une formation qui fait normalement suite à celle de base. "Je serai heureux lorsque tous les enseignants seront devenus des enseignants spécialisés" , affirme Georges Pasquier. C'est loin d'être le cas. D'où, selon le syndicat, l'utilisation de plus en plus répandue d'une "boîte à outils", "un petit set d'enseignement spécialisé dans leur formation, une sorte de ?kit de survie'" .

Le tableau n'est pas complet. On pourrait aussi parler des pressions politiques, "du comportement clientéliste de la part des parents" , de la considération de la profession mise à mal, de la formation continue "en rade" , de la logique des "trous à boucher" , etc.

Et l'enseignant dans tout ça? "Chaque enseignant a une conscience professionnelle" , relève Josy Stolz, coprésidente du syndicat des enseignants du Jura bernois. "Il va travailler dans les domaines où il est le moins à l'aise. Pendant les vacances aussi. Il y a une surcharge de travail qui n'est jamais vue et reconnue, une pénibilité qui s'accroît."

Daniel Droz

Source (le PDF de l'article)


Voir aussi:

Les enseignants romands tirent la sonnette d'alarme

Dossier de presse (remis aux journalistes)

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