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Formation: une voie prometteuse

Soumis par Pierre Graber le 24 mai 2019
Le travail sur tablette est essentiel, mais n’exclut pas le papier !

La HEP BEJUNE a pris le relai de l’École Normale cantonale dès 2001. La mise en place de la nouvelle institution est allée de pair avec une hausse des compétences attendues des étudiant·e·s. Jusqu’à très récemment, dans les faits, une maturité gymnasiale était requise.

Une revue comme l’Educateur ne peut manquer d’ailleurs de dénoncer au passage l’absence de reconnaissance en termes salariaux des exigences accrues d’accès à la profession, au point que le canton de Neuchâtel est le cancre national1 en la matière !

Revenons pourtant aux voies d’accès à la HEP. Précédé par le Jura et Berne, le canton de Neuchâtel a institué dès l’année scolaire 2016/17 une maturité spécialisée avec orientation Pédagogie (MSOP) ouverte aux titulaires d’un certificat de culture générale. La mise en place rapide a permis le maintien d’une filière de formation postobligatoire au Val-de-Travers après l’abandon de l’antenne du Lycée Denis-de-Rougemont. L’École supérieure Numa-Droz (ESND ou Numa) ayant déjà le projet d’ajouter une option pédagogie à son certificat de culture générale, la décision politique lui a donné le feu vert. Un effet d’aubaine… à la condition toutefois de l’ancrer à Fleurier !

Le parcours

Depuis la rentrée 2015-2016, les étudiants peuvent ainsi commencer leur formation à Neuchâtel « au Numa » par une première année de tronc commun avec leurs camarades des options santé et travail social. Pour ceux qui ont choisi l’option pédagogie, les 2e et 3e années se poursuivent à Fleurier pour l’obtention du certificat de culture générale. Mais le but visé est la maturité spécialisée, qui passe par une année supplémentaire — toujours à Fleurier — qui ne commence cependant qu’après les vacances d’automne, offrant encore le temps nécessaire pour les stages obligatoires : linguistique (en région germanophone) et professionnel (dans une école primaire des cycles 1 ou 2).

La réussite accorde un accès direct au bachelor de la Haute École pédagogique pour les deux premiers cycles de l’école obligatoire – degrés 1 à 8 (sous réserve toutefois d’un examen départageant les candidat·e·s en cas de numerus clausus).

Ce qu’ils en disent…

Fleurier ?

Ça surprend d’abord. Mais la déception initiale — quitter les camarades des autres options après la première année de tronc commun — est vite surmontée. Finalement, étudiant·e·s et enseignant·e·s s’accordent à y voir plus d’avantages que d’inconvénients ! L’absence d’administration sur place encourage à prendre ses responsabilités et développe l’autonomie. Les horaires sont définis en fonction de ceux du train et la brièveté de la pause de midi permet de terminer la journée assez tôt malgré les deux blocs quotidiens de quatre périodes.
L’ancrage vallonnier n’a pas d’effet sur le recrutement… Dans la volée de maturité, seuls trois étudiant·e·s sont à domicile…
Surtout, la décentralisation permet de disposer de davantage d’espace. Deux salles sont à disposition pour chaque leçon, facilitant les travaux de groupes.

Satisfaction

Belle unanimité ! Aucun·e étudiant·e ne regrette son choix. Sur la vingtaine qui a commencé en 2016, ils sont très rares à avoir renoncé à leur projet. Des passerelles sont alors à disposition pour réduire au strict minimum les conséquences d’une réorientation.

Un projet très… très stimulant !

Les enseignant·e·s engagé·e·s dans le projet sont presque tou·te·s des volontaires qui l’ont conçu. La plupart sont convaincu·e·s par l’expérience. En ce moment, il s’agit toutefois d’apporter certains ajustements à la lumière de l’expérience vécue par une première volée.
Au moins, la preuve a été apportée que c’était faisable.

- Tu montes à Fleurier ?
- Pour des classes comme ça, plutôt deux fois qu’une !

Pour plusieurs enseignant·e·s, la grande motivation, l’investissement, l’engagement et la volonté des étudiant·e·s compensent les contraintes de transport subies. « Si ce ne sont peut-être pas les meilleur·e·s élèves (par comparaison avec le lycée académique), ce sont par contre des classes presque idéales ! »

Un esprit d’équipe

La volée vit un peu en autarcie, dans sa bulle, à Fleurier. Cela apprend à vivre ensemble, pas seulement pour gérer les espaces communs. Les étudiant·e·s ne manifestent aucun regret…

Des contraintes fécondes !

La localisation excentrée a d’emblée stimulé les esprits. Les classes ne comptant ensemble guère plus de 50 étudiant·e·s, il était impossible de reproduire à Fleurier une organisation analogue à celle de la « maison-mère ». De même, le succès de l’option dépendrait de la perception de ses handicaps par les candidat·e·s. La direction a commencé par faire appel à l’intérêt des enseignant·e·s et ça s’est révélé fructueux puisqu’une vingtaine se sont annoncé·e·s.

Le plus grand défi concernait la manière de dispenser les cours. Tenant compte également du but visé, trois axes essentiels ont assez vite été définis pour la formation : une pédagogie active et participative ; une organisation annuelle originale, avec un enseignement organisé par blocs et ponctué de nombreuses semaines thématiques ; une part importante dévolue aux stages en lien avec le projet professionnel ; celui-ci imposant d’ailleurs la garantie d’un niveau de compétences et de connaissances permettant aux détenteurs de la MSOP d’être sur un pied d’égalité avec leurs camarades titulaires d’une maturité gymnasiale (notamment en cas de régulation des admissions en HEP comme c’est actuellement le cas).

Les cours comprennent notamment du français, de l’allemand, des mathématiques, des sciences expérimentales et des sciences humaines. Un accent tout particulier est mis sur le développement des compétences méthodologiques et sociales, appuyé encore par de nombreux stages pratiques dans le domaine de l’enseignement. Originalité neuchâteloise, l’anglais est proposé à l’horaire, car la branche peut être enseignée par des généralistes durant les années 7 et 8 HarmoS.

Une attention particulière a notamment été portée à la maîtrise de l’allemand par des démarches favorisant l’immersion et les échanges linguistiques avec la Kantonsschule am Brühl de Saint-Gall.

Mais deux caractéristiques sautent immédiatement aux yeux du visiteur. D’abord, le recours accru aux outils numériques (utilisation obligatoire d’un Ipad !) afin de former de futur·e·s enseignant·e·s averti·e·s et de faciliter la gestion administrative décentralisée. Et puis le découpage des horaires en blocs de 4 périodes. Selon la dotation, les branches peuvent apparaître hebdomadairement ou à quinzaine pour certaines d’entre elles (semaines paires ou impaires).

Je tiens à remercier tous les interlocuteurs de l’ESND. La direction a fourni tous les renseignements souhaités et a facilité les contacts avec les principaux intéressés. Merci tout particulièrement aux étudiant·e·s de la classe de maturité — première volée sur le point d’achever sa formation — et à Mme Muriel Heistercamp, leur prof de maths, qui ont accepté de me recevoir, y consacrant même un peu de leur courte pause de midi.

Les jeunes futur·e·s collègues rencontré·e·s récemment m’ont fait une excellente impression. Ils font preuve d’une maturité impressionnante, démontrent une belle pondération quand on leur demande comment ils ont vécu leur parcours. Manifestement, la clarté de leur projet professionnel contribue à la qualité de leur engagement. Ils seront à coup sûr des collègues avec lesquel·le·s chacun aura plaisir à collaborer !

Cours blocs ?

Un bloc de quatre périodes permet indéniablement d’aller plus loin qu’avec des leçons isolées. L’inconvénient est que les étudiants n’y reviennent qu’une semaine plus tard. Cela contraint les profs à imaginer des moyens de les « forcer » à travailler durant cette période sous peine de perdre l’avantage de la formule. Les enseignant·e·s sont aussi appelé·e·s à varier les moments durant le bloc pour prévenir la lassitude. Les locaux à disposition y contribuent.
Un gros travail a été fourni par les profs pour adapter leur enseignement à ces conditions particulières. C’est très stimulant et les encourage à répéter l’exercice avec de nouvelles volées.
Bémol : pour les cours peu dotés, l’horaire de l’enseignant·e est bloqué une demi-journée sur l’année pour un engagement à quinzaine…

Ipad ?

Les étudiant·e·s apprécient généralement. Cela a demandé une phase d’adaptation. Les distrait·e·s n’oublient plus leurs supports de cours ! Mais tout n’est pas forcément adapté. Les maths plutôt moins que le français, surtout pour la géométrie.
On travaille différemment, c’est aussi une stimulation pour les enseignant·e·s qui ont pris sur eux l’apprentissage de l’outil.

Dans la cible !

Quelques jours avant ma visite, les étudiant·e·s avaient participé à l’examen de régulation de la HEP. Bonne nouvelle : ils ont aussi bien réussi le concours que leurs camarades issus de la voie gymnasiale. Selon eux, leur formation les a notamment mis à l’aise pour les entretiens.

Une année supplémentaire…

Depuis la sortie du cycle 3, le parcours suivi par les étudiant·e·s ayant choisi cette option « coûte » une année par rapport à ceux qui sortent du lycée académique. Pour celles et ceux qui se destinent à l’enseignement, l’inconvénient semble largement compensé par l’adaptation du projet aux attentes de la HEP. À noter que la formule offre aussi l’accès à la profession à des élèves qui n’ont juste pas rempli les conditions requises pour le lycée.

1 Le processus d’évaluation des fonctions de l’enseignement permettra peut-être enfin de corriger cela, même si l’état des finances cantonales fait craindre une mise en vigueur très très progressive…

(document au format PDF)


Les photos de ma visite à Fleurier (sans tri, donc redondantes !). Elles sont proposées à titre documentaire, pas artistique ;-)

Publié le
ven 24/05/2019 - 00:17