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Heurs et malheurs de la régionalisation

Soumis par Pierre Graber le 20 septembre 2013

Certain-e-s s’en souviennent peut-être: dans les dernières années de la  législature Perrinjaquet, il avait été fortement question de donner un statut  cantonal aux écoles de la scolarité obligatoire. Les villes (y compris Val-de-Travers) étaient alors vivement montées aux barricades pour défendre  leur pré carré. Succédant à sa collègue de parti, Philippe Gnaegi s’était  empressé de régionaliser l’école avec le soutien des communes.

Sitôt connues les premières intentions du DECS  de l’époque, le SAEN avait exprimé ses craintes,  considérant qu’il n’y aurait probablement pas  plus d’avantages à attendre d’une régionalisation  que d’une cantonalisation.  Le SAEN redoutait une évolution qui conduirait à  un gonflement administratif avec l’apparition  d’un nouveau niveau hiérarchique à l’école primaire  se traduisant par plus d’argent dépensé  pour des directeurs, argent qu’il faudrait économiser,  vu les contraintes budgétaires actuelles,  sur le dos des enseignant-e-s, des enfants et de  leurs familles, par le biais de regroupements de  classes et d’une généralisation de celles à deux  ordres pour aboutir partout à de gros effectifs.  L’entrée en fonction de toute une série de nouveaux  directeurs risquait en outre de poser problème.  A côté d’individus remplissant admirablement  bien leur fonction, certains «grimpions»  abuseraient inévitablement de leur pouvoir et  nécessiteraient des réactions syndicales parfois  musclées.  Enfin, selon le SAEN, la pédagogie devait rester  l’apanage des professionnels du terrain, les  enseignant-e-s!

Est-ce que les gens naissent égaux en droits à l’endroit où ils naissent?

Généralisée au début de l’année scolaire 2012- 2013, la régionalisation entame donc sa deuxième année. Un premier bilan peut en être tiré et les pronostics du SAEN sont hélas vérifiés pour l’essentiel. Mais, et ça devrait être rassurant, dans la grande majorité des cas, cela se passe quand même plutôt bien… Les réussites semblent liées à quelques facteurs. Le principal tient au respect manifesté aux enseignant- e-s, dont les représentants sont associés aux décisions engageant l’avenir du centre scolaire, voire du cercle. Les directions qui ont fait le pari du partenariat en sont visiblement sorties gagnantes. Les enseignant-e-s peuvent comprendre qu’il y ait des choix douloureux à faire dans la composition et la répartition géographique des classes; en associant leurs représentants à la recherche de solutions, les directions ont de bonnes chances de voir apparaître des scénarios qu’elles n’avaient pas envisagés… et qui s’avèrent finalement parfois mieux adaptés à la situation.

Hélas, on doit déplorer des cas révélant de graves dysfonctionnements dans la direction de certains centres. A l’inverse de ce qui a été décrit ci-dessus, on a alors le plus souvent affaire à des directions vivant dans leur tour d’ivoire. Le respect fonctionne à sens unique, selon la logique hiérarchique. Bien trop souvent, ces cadres-là n’ont de contact avec leurs enseignant-e-s que dans des situations privilégiant un rapport de soumission hiérarchique (consignes à appliquer, arbitrages entre enseignant-e-s et famille, constitution des classes…). Dans les salles des maîtres, on regrette que l’attitude de certaines de ces personnes tende à compliquer et à alourdir le travail des enseignant-e-s dont elles ont la responsabilité au lieu de le faciliter. De toute évidence, on peut se demander si certaines d’entre elles sont vraiment à leur place et, dans le cas contraire, quelles mesures l’autorité* peut prendre pour corriger la situation. Bizarrement, à notre grande surprise, il semble que les membres des directions nommés au moment de la mise en place de la régionalisation l’ont été – sans période d’essai – pour une période de quatre ans!

Urgence

Certes, la grogne ne concerne qu’une minorité des centres scolaires, mais les enseignant-e-s concerné-e-s et leurs élèves méritent les égards accordés à leurs collègues. Il est temps d’agir si l’on veut éviter que la régionalisation débouche sur une école neuchâteloise à six ou treize vitesses!

Pierre Graber

* Quelle autorité, au fait ? Les ailes du SEO ont, semble-t-il, été sérieusement  rognées…