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Jeunes Neuchâtelois condamnés à une leçon d'éducation aux réseaux sociaux

Soumis par SAEN le 4 mars 2018
Les jeunes Neuchâtelois qui dérapent sur les réseaux sociaux ont droit à une leçon d'éducation avec la police.  (David Marchon)

Comment faire face à la hausse des délits commis par des mineurs sur les réseaux sociaux? Plutôt que de punir, la police et la justice neuchâteloises préfèrent obliger les auteurs de dérapages à suivre des cours.

Des adolescents qui se prennent en photo totalement nus, puis balancent les images sur les réseaux sociaux. Des jeunes couples qui, en un clic, partagent la vidéo de leurs premiers ébats sexuels avec tout leur réseau d’amis. Des écoliers qui se filment en train de bastonner un autre élève. «C’est la surenchère», constate Daniel Favre, chargé de prévention de la police neuchâteloise. «La mode est aux «nude», à savoir les photos de nus, qui circulent beaucoup sur les téléphones portables des écoliers.»

Les dérapages des jeunes mineurs sur les réseaux sociaux préoccupent la police et la justice du canton. «Ces affaires, signalées par les parents, les écoles ou la police, sont toujours plus nombreuses», relève Cyril Thiébaud, juge des mineurs au tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers. «Des écoliers se transmettent des images pornographiques de façon totalement banale, alors que de telles infractions sont sanctionnées par le code pénal. Si on devait tous les faire passer devant le juge des mineurs, on ne s’en sortirait pas!»

Face à cette avalanche de délits commis par des enfants, la police et la justice neuchâteloises ont mis en place une mesure inédite: le «rappel à la loi». 

Mesure non répressive

Le principe? Pour les affaires «les moins graves», comme le transfert d’un «nude» ou d’une vidéo pornographique qui n’a rien à voir avec celui qui la partage, Daniel Favre convoque le mineur et ses parents pour leur faire la leçon.

Lors de ce «rappel à la loi», le policier souligne que les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non-droit. Il rappelle notamment que le code pénal interdit les contenus pornographiques aux moins de 16 ans et que le simple fait de transférer de telles images constitue un délit poursuivi d’office. «Si l’affaire ne révèle rien de plus grave, le juge des mineurs décide d’en rester là», explique Cyril Thiébaud. 

«Il s’agit d’éviter de criminaliser des enfants pour un mésusage des réseaux sociaux»

Pour les cas les plus graves, comme des situations de harcèlement, le juge des mineurs prononce une sanction pénale en prestation personnelle: le jeune est condamné à suivre un cours d’éducation aux médias, avec rappel à la loi. 

«Il s’agit d’éviter de criminaliser des enfants pour un mésusage des réseaux sociaux», indique le sergent-major Daniel Favre. «C’est une mesure éducative, et non répressive. Il faut rester dans la proportionnalité.» 

14 jeunes remis à l’ordre

Le juge Cyril Thiébaud reconnaît qu’il est difficile de faire de l’éducation en audience. «Un jeune de 10 ou 12 ans qui se retrouve devant un tribunal sera paralysé. Les leçons éducatives et les rappels à la loi dispensés par la police permettent un véritable dialogue avec les adolescents.»

Depuis l’été 2017, 14 jeunes neuchâtelois ont été convoqués pour un rappel à la loi, tandis que deux séances de cours d’éducation aux médias sociaux ont été organisées. 

«Je dis aux jeunes que ce rappel à la loi ne se fera pas deux fois. Pour le moment, il n’y a pas eu de récidive.»

«Souvent, il y a des larmes», raconte Daniel Favre. «Les jeunes n’imaginaient pas que l’échange d’images pornographiques de mineurs puisse faire l’objet de poursuites pénales, même s’il s’agit d’images de leur propre personne, envoyées de manière volontaire.» Selon lui, cette mesure éducative est une réponse adéquate à un phénomène nouveau: «Je dis aux jeunes que ce rappel à la loi ne se fera pas deux fois. Pour le moment, il n’y a pas eu de récidive.»

Parents désemparés

Quant aux parents convoqués en même temps que leur progéniture, «ils sont souvent désemparés, c’est pourquoi je ne suis pas trop jugeant. Je leur conseille de reprendre le contrôle de l’autorité et de discuter avec leur enfant.»

Le policier Daniel Favre apprécie ce travail de proximité avec les jeunes. Dans le cadre de sa mission de prévention, il se rend dans toutes les écoles pour rencontrer les élèves de 9e et 10e année. 

«Je les vois tous pour parler des dangers des réseaux sociaux. Bientôt, ils ne pourront plus dire qu’ils ne savaient pas! Au-delà de la condamnation pénale, les conséquences d’un dérapage sur facebook peuvent être dramatiques. A l’âge où le jeune se construit, une image envoyée tous azimuts peut être destructrice.»

Rappel à la loi 

Sur plainte

Le code pénal suisse punit, sur plainte, les mêmes infractions commises sur les réseaux sociaux que dans la «réalité», notamment l’injure, la diffamation, la violation du domaine privé ou les menaces.  

Poursuivi d’office

La transmission d’images pornographiques à des jeunes de moins de 16 ans est poursuivie d’office. 

Virginie Giroud

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Publié le
mer 28/11/2018 - 09:54
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