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La communication entre parents et enseignants, ça s’apprend!

Soumis par SAEN le 22 mai 2009

La communication entre parents et enseignants prend place dans un contexte de tensions potentielles. La psychologue et présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest, ainsi que la psychiatre et chef du département de psychiatrie du CHU Sainte-Justine, Patricia Garel, croient qu'une réflexion s'impose dans le milieu de l'éducation et qu'une bonne communication peut faire la différence.

Nombreux étaient les parents et enseignants présents à l'amphithéâtre Justine-Lacoste-Beaubien de l'hôpital Sainte-Justine pour entendre la conférence de Rose-Marie Charest et Patricia Garel le 14 mai dernier.

Préoccupés par des situations parfois conflictuelles et un manque de ressources, beaucoup d'entre eux sont intervenus pour partager leurs propres expériences et demander l'avis des deux conférencières.

« Dans la communication parents-enseignants, le miracle, c'est quand il n'y a pas de tension! », s'exclame Mme Charest.

Mme Garel explique, pour sa part, que c'est souvent quand les difficultés surgissent sur le trajet scolaire d'un enfant que les conflits émergent. Elle observe qu'il est alors très facile pour les deux parties de s'accuser mutuellement.

Rose-Marie Charest en sait quelque chose. Elle donne l'exemple d'un parent qui se plaint des enseignants de façon générale. « Si pour les trois dernières années, son enfant a eu la malchance de tomber sur des mauvais profs; je pense qu'il y a un dénominateur commun », dit-elle. « Quand je reçois un prof qui a la malchance d'avoir juste des mauvais parents pour ses élèves; là aussi je pense qu'il y a un dénominateur commun », déclare-t-elle en s'attirant les rires de l'audience.

Mais, pourquoi la relation entre parents et enseignants est-elle si propice aux tensions?

La quête de l'enfant parfait

Rose-Marie Charest croit que les parents oublient de faire la différence entre l'idéal qu'ils prévoient pour leurs enfants et la réalité.

« Au Québec, explique-t-elle, on a eu une période où on faisait tellement d'enfants qu'on ne les comptait plus! Et puis, un jour, on s'est dit qu'on aura les enfants qu'on choisira d'avoir. Et à partir de ce jour là, chacun d'entre nous a pensé que parce qu'on avait un enfant, il serait parfait. Nous allions lui donner ce que nous n‘avions pas reçu. Nous allions le faire réussir là où nous n'avions pas réussi ».

Mme Charest explique que les parents envoient leurs enfants à l'école avec ce projet en tête. Elle ajoute qu'il est rare de rencontrer des parents qui se disent : « ce n'est pas grave si mon enfant réussit juste un peu, parce que, s'il a du plaisir, puis qu'il est heureux; je vais être content! ».

Une potentielle rivalité parent-enseignant?

Patricia Garel observe que le départ de la maison de l'enfant pour l'école peut susciter parfois des craintes de la part des parents. Ceux-ci peuvent avoir peur que leur autorité parentale soit remise en question, que leur amour inconditionnel soit en compétition avec l'investissement d'un enseignant ou que l'enfant apprenne des choses sur lesquelles les parents ont plus ou moins de contrôle par exemple.

Rose-Marie Charest explique que les parents ont souvent l'impression que la famille est le lieu idéal pour leur enfant. Quand l'enfant arrive à l'école cependant, il va s'attacher à d'autres personnes et être influencé par celles-ci. Cette situation peut être inquiétante pour le parent, observe la psychologue.

Elle constate par ailleurs que les parents trouvent facilement des défauts aux enseignants lorsque leurs enfants débutent la maternelle. « Ça se passe sans qu'on en prenne conscience, explique-t-elle, et souvent, on va faire des petites remarques qui vont faire en sorte que l'enfant va avoir des inquiétudes: est-ce que j'ai le droit d'aimer quelqu'un d'autre? Est-ce que j'ai le droit de devenir différent de ce que sont mes parents et de ce qu'ils me demandent d'être? »

En ce sens, elle met en garde les parents : « si on a peur de le perdre, peur d'être en rivalité, c'est à soi-même qu'il faut poser des questions ».

L'enseignant peut inspirer l'enfant, mais sans toutefois substituer au parent. « Si on a la meilleure mère au monde, mais que c'est le seul modèle qu'on connaît, on ne pourra pas découvrir les différences qu'il y a dans le rapport à l'autre », déclare Mme Charest. C'est pourquoi l'école est si primordiale, selon elle.

Arriver à une bonne communication

Dans une saine communication, il faut être capable de préciser quels sont les objectifs réalistes et communs sur un territoire commun, selon Rose-Marie Charest.

Au cours d'une rencontre, les parents et l'enseignant vont nécessairement évoquer ce qu'idéalement ils souhaiteraient faire, indique-t-elle. Il est cependant important de pouvoir aussi parler des obstacles qui peuvent être rencontrés.

Il faut encore une fois savoir faire la différence entre l'idéal et la réalité. « Il faut se demander ce que l'on souhaite comme idéal, dit la psychologue, mais aussi ce que l'on fera lorsque cela ne fonctionnera pas ».

Mme Charest explique que l'estime de soi du parent et celui de l'enfant sont très liées. « Quand on déprécie l'enfant, le parent se sent déprécié et quand il se sent déprécié, le parent n'est pas aidant pour l'enfant », dit-elle.

Il faut plutôt identifier les ressources de l'enfant, assure-t-elle, les forces sur lesquelles il peut se baser pour se développer, plutôt que d'essayer d'en faire quelqu'un d'autre.

Le respect d'une intimité est fondamental à une bonne communication, selon les deux conférencières. « Il faut être capable de bien cerner la différence entre ce qui appartient à l'intimité et ce qui est sur le terrain commun », explique Rose-Marie Charest.

L'enfant n'est pas obligé de tout raconter ce qui s'est passé à l'école à ses parents et, au contraire, Mme Charest insiste sur le fait qu‘à l‘école, il est aussi possible de bien s'occuper d'un enfant sans pourtant savoir exactement tout ce qu'il vit à la maison.

Partenariat à trois

Patricia Garel évoque aussi la complexité de la communication lorsqu'un troisième acteur s'insère dans la relation entre parents et enseignants. Elle croit donc que la prudence est de mise lorsque l'école fait appel à l'intervention de spécialistes, comme les psychiatres et les psychologues.

La communication est, encore une fois, très importante. Elle ajoute qu‘il est primordial de bien définir les rôles dans un tel partenariat puisque les attentes sont souvent trop grandes entre les acteurs.

La psychiatre croit qu'il est grand temps de prendre un peu de recul: « pour travailler dans un partenariat efficace, il faut absolument respecter ses limites, respecter ce que peut faire l'autre et aussi avoir confiance en soi ».

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