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La Confédération rompt une lance pour sauver le français

Soumis par SAEN le 21 février 2015

L’Office fédéral de la culture propose une solution pour ancrer dans la loi l’obligation d’enseigner une 2e langue nationale dès le primaire.

C’est une étape peut-être décisive en faveur d’un ancrage dans la loi d’une obligation d’enseigner une 2e langue nationale dès l’école primaire: un rapport de l’Office fédéral de la culture (OFC) promeut une solution qu’il juge compatible avec le respect du fédéralisme et des compétences cantonales en matière d’enseignement.
Les attaques contre le français à l’école font rage outre-­Sarine. En août 2014, le Parlement thurgovien adoptait une motion enjoignant l’exécutif à repousser l’enseignement du français au niveau secondaire. Et le 8 mars prochain, les Nidwaldiens voteront sur une initiative populaire pour une seule langue étrangère à l’école primaire – traduisez l’anglais. Le gouvernement y est favorable, mais pas le parlement cantonal. Une initiative similaire a été déposée à Lucerne.

Alain Berset inquiet

La situation inquiète jusqu’au ministre de l’Intérieur Alain Berset, qui y voit une menace pour la cohésion nationale et qui a clamé à plusieurs reprises sa volonté d’intervenir, au cas où la Conférence intercantonale des directeurs de l’instruction publique (CDIP) n’arrivait pas à y mettre bon ordre.
La commission compétente du National a pris les devants, adoptant deux initiatives parlementaires afin de serrer la vis. La première, signée Jean-François Steiert (ps/FR) et Kathy Riklin (pdc/ZH), reprend, en lui donnant force de loi, la disposition du concordat intercantonal HarmoS (sur l’harmonisation scolaire), soit l’enseignement d’une 2e langue nationale au moins deux ans avant la fin de la scolarité primaire.
L’autre initiative parlementaire, adoptée avec moult abstentions, va plus loin. Elle pose le principe que la première langue étrangère enseignée est une langue nationale. C’est la situation qui prévaut en Suisse romande et dans les régions germanophones limitrophes (BE, FR, VS, SO, BS, BL). Mais ailleurs, c’est l’anglais qui prime, dès la 5e HarmoS (ex-3e primaire).
Le dossier est maintenant entre les mains de la commission des Etats, toujours fort circonspecte quand il s’agit d’empiéter sur des compétences cantonales. C’est elle qui, avant de se décider, a commandé ce rapport à l’OFC et a décidé de le rendre public.

Respect du fédéralisme

«Je marche sur des œufs», confesse la Vaudoise Géraldine Savary (ps), présidente de cette commission. «On avance avec beaucoup de prudence. Mes collègues aux Etats sont très sensibles à ce qu’on aille pas trop loin et très soucieux de faire en sorte que le fédéralisme soit respecté dans cette affaire.»
Le rapport de l’OFC lui indique peut-être la voie à suivre. Il écarte les deux initiatives parlementaires du National, comme contraires à la Constitution du point de vue du fédéralisme. Celle qui veut donner la primeur au français sur l’anglais va plus loin même que la volonté des cantons exprimée dans HarmoS. Et l’autre, juge le rapport, «en fixant expressément des années scolaires, empiète inutilement sur la prérogative des cantons de définir les programmes».
D’où la solution épurée proposée par l’OFC: le simple ajout dans la loi sur les langues que «l’enseignement de la deuxième langue nationale commence au degré primaire».

Pareil dans la pratique

Jean-François Steiert qualifie de «sophisme» le distinguo du point de vue constitutionnel entre sa solution et celle-ci. Le Fribourgeois ne se réjouit pas moins de ce rapport: «C’est plutôt une bonne nouvelle, parce que cela signifie que notre initiative par­lementaire est correcte à une nuance près.»
S’il continue à préférer sa version plus précise, le socialiste ­estime que, «dans la pratique, ça ne devrait pas changer grand-chose» et permettre donc le maintien de l’enseignement du français durant les deux dernières années d’école primaire au moins, but de sa démarche. Et si certains cantons en profitaient pour feinter et ne pas proposer un véritable apprentissage du français au niveau primaire, il serait toujours temps de corriger le tir par la suite, selon lui.

La variante de l’OFC a le mérite de ménager les susceptibilités cantonales. Elle pourrait donc avoir la préférence de la commission des Etats, qui devrait se prononcer ce printemps, indique sa présidente Géraldine Savary.

Philippe Castella

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