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La mobilisation pour «sauver» l’école s’étend en Suisse alémanique

Soumis par SAEN le 17 octobre 2014

Le français précoce pourrait faire les frais de l’offensive contre le Lehrplan 21, plan d’études alémanique pour la scolarité obligatoire

(Keystone)(Keystone)

Par Sandrine Hochstrasser, Le Temps

C’est une fronde qui s’étend en Suisse alémanique. De simples citoyens, des parents, grands-parents, lancent des initiatives pour couler le Lehrplan 21, le plan d’études commun des 21 cantons germanophones. Ils récoltent déjà des signatures dans les cantons de Bâle-Campagne et d’Argovie. Ils viennent de lancer une initiative cette semaine à Schwytz. Et s’apprêtent à le faire dès le mois prochain à Saint-Gall.

Leur objectif ? «Sauver l’école publique de qualité». «Nous ne voulons pas d’un modèle importé des pays anglo-saxons qui relègue les professeurs au rang de coach et qui laisse les enfants livrés à eux-mêmes», fustige Irène Herzog-Feusi, enseignante de formation et présidente de l’association de citoyens Bürgerforum Freienbach, qui chapeaute la récolte de signatures dans le canton de Schwytz.

Le cauchemar de ces parents attachés au modèle d’une école traditionnelle : le Lehrplan 21, un programme détaillé dans un document de quelque 550 pages. Equivalent alémanique du Plan d’études romands, il entend réduire les disparités entre les cantons en décrivant les compétences que les élèves doivent acquérir au cours de leur scolarité. Contrairement à son pendant francophone, le Lehrplan 21 n’a pas encore été appliqué en Suisse alémanique. Et face à la fronde populaire, plusieurs cantons, dont celui d’Argovie et de Soleure, ont décidé de repousser son introduction.

«C’est un changement de paradigme, résume Irène Herzog-Feusi. Les enfants ne sont plus censés apprendre des connaissances de base, mais des «compétences». Plus de 4500 compétences sont listées dans ce document ! C’est un éléphant bureaucratique, inutilisable pour les enseignants et les parents. Il est imposé par les gouvernements cantonaux. Cela n’émane pas du peuple.»

Les initiants fustigent notamment la multiplication des branches, regroupées dans des catégories « floues ». Ils craignent que les connaissances de base en allemand, en mathématiques et en sciences en pâtissent. Leurs critiques n’épargnent pas l’enseignement de deux langues étrangères au primaire, tel que voulu par le compromis de 2001 et repris dans le Lehrplan 21.

Veulent-ils supprimer le français ou l’anglais précoce ? « Nous laissons la discussion ouverte. C’est au peuple de décider, répond prudemment Irène Herzog-Feusi. Pour ma part, j’estime que cela fait trop de matières pour les enfants et que l’apprentissage du français s’en trouverait renforcé s’il était repoussé au secondaire ». Le « Comité de parents pour une bonne école publique », qui se bat au niveau intercantonal contre le Lehrplan 21, critique également l’enseignement de deux langues étrangères au primaire. Mais donne, quant à lui, la priorité aux langues nationales.

Une nouvelle mouture du Lehrplan 21 doit être présentée fin octobre par la Conférence suisse alémanique des directeurs de l’instruction publique (D-EDK), suite à la procédure de consultation qui s’est tenue en 2013. Raccourci et simplifié, le document doit également réduire des objectifs pour calmer les esprits. «Il va satisfaire les professionnels qui avaient émis certaines critiques. Mais je ne m’attends pas à ce que les conservateurs, fondamentalement opposés au Lehrplan 21 changent d’avis », admet Christian Amsler, président de la D-EDK.

Le directeur de l’instruction publique du canton de Schaffhouse rejette d’ailleurs en bloc les arguments des comités d’initiative. «Le Lehrplan 21 donne juste une orientation. Les professeurs gardent une grande liberté et les élèves ne sont pas livrés à eux-mêmes. L’école actuelle est déjà fortement orientée sur les compétences, sans négliger pour autant les connaissances ! Il n’y a pas de changement de paradigme», souligne le responsable. « Il est vrai qu’il y a une certaine pression sur le programme, avec l’introduction de nouveaux domaines d’études, comme les nouveaux médias et la formation civique, mais les cantons décideront eux-mêmes des horaires. »

Que se passe-t-il si les initiatives aboutissent et qu’elles l’emportent devant le peuple ? « Ce sera une question très délicate. Car tous les cantons ont accepté ce plan d’études, y compris ceux qui n’ont pas ratifié HarmoS. Par ailleurs, cette harmonisation a été voulue par la Confédération et le peuple suisse. J’imagine que les autorités fédérales devront intervenir, note Christian Amsler. Ce que je n’espère pas.»

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