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La suppression du français à l’école primaire thurgovienne fait des vagues

Soumis par SAEN le 15 août 2014
Le conseiller national socialiste valaisan Mathias Reynard ne peut admettre que Thurgovie n’enseigne plus le français à l’école primaire, comme l’a décidé hier le Grand Conseil. Il estime que l’équilibre confédéral est menacé et que la Confédération doit intervenir. Lui aussi préoccupé, le ministre bâlois Christoph Eymann, président de la CDIP, souhaite que les cantons trouvent entre eux une solution

Mercredi, le Grand Conseil thurgovien a accepté une motion, par 71 voix contre 49, qui prône l’abandon de l’enseignement du français à l’école primaire. « Un affront à la Suisse romande », estime la ministre UDC de l’Education de Thurgovie, Monika Knill. « Thurgovie se lance sur une pente savonneuse inacceptable », dénonce le Parti socialiste. Des initiatives réclamant la suppression d’une des deux langues étrangères à l’école primaire ont été lancées à Lucerne, Nidwald et aux Grisons. Lui-même enseignant, le conseiller national socialiste valaisan Mathias Reynard se dit choqué.

Le Temps : En quoi la décision thurgovienne de retarder l’apprentissage du français à l’école secondaire est-elle, selon votre prise de position, la « goutte d’eau qui fait déborder le vase » ?

Mathias Reynard : En 2006, à 86%, le peuple suisse - en Thurgovie aussi à 82% - a choisi d’harmoniser le système scolaire suisse. La question de l’enseignement des langues fait partie du programme. Les cantons ont jusqu’en 2015 pour se mettre en conformité avec la Constitution fédérale. C’est extrêmement inquiétant de constater que dans certains cantons, on va en sens inverse. C’est une arrogance choquante de milieux politiques qui ne respectent pas la volonté populaire.

– Les motionnaires thurgoviens estiment qu’apprendre deux langues étrangères au primaire, c’est trop. Pourquoi en faire une interprétation politique ?

– Retournez l’argument et demandez-vous pourquoi on ne fait pas passer le français en priorité et reporter l’anglais au secondaire. L’argument pédagogique va à l’encontre de ce qui se fait partout, où on estime à juste titre que l’apprentissage précoce des langues est plus facile. Il faut revoir certaines exigences, peut-être moins se focaliser sur les grammaires complexes, pour privilégier la capacité à s’exprimer dans les autres langues nationales. Pour y parvenir, il faut des effectifs de classes appropriés. Cela demande des moyens.

– Faut-il y voir « un affront à la Suisse romande » ?

– Absolument. C’est un affront aux minorités linguistiques et une atteinte grave aux équilibres fragiles du pays et à la compréhension mutuelle. Ces équilibres seront mis en danger lorsqu’un Vaudois et un Thurgovien devront communiquer en anglais. L’apprentissage des langues nationales, c’est aussi s’immerger dans la culture de l’autre.

– Vous demandez au Conseil fédéral d’intervenir. Que peut-il faire ?

– En l’occurrence, nous avons un canton, Thurgovie, qui va à l’encontre de la volonté populaire et de la Constitution fédérale. C’est la responsabilité du Conseil fédéral, qui s’est jusqu’ici montré strict et ne peut se dérober, et du parlement fédéral de réagir. Comment ? Peut-être par le biais de la loi fédérale sur les langues, qui pourrait stipuler de manière plus claire encore l’exigence d’apprendre une langue nationale comme première langue étrangère. Nous chercherons une majorité parlementaire d’ici à septembre.

Eviter l’intervention fédérale

Pour le conseiller d’Etat PLR bâlois Christoph Eymann, président de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique, les cantons doivent s’entendre et éviter une intervention du Conseil fédéral. «Nous devons faire en sorte d’éviter qu’un léger déséquilibre ne perturbe l’ensemble du système», a-t-il dit à l’ATS.

Depuis mars 2004, le compromis «3/5» de la CDIP est en vigueur. Celui-ci prévoit que tous les élèves suisses apprennent une autre langue nationale que la leur et l’anglais dès la primaire. Chaque région du pays est libre de choisir celle qu’elle désire introduire en 3e et en 5e, le but étant que les écoliers aient les mêmes connaissances en anglais que dans la langue nationale à la fin de l’école obligatoire. La décision de Thurgovie remet maintenant ce système en question.

«Maintenant, c’est à nous, les cantons, de trouver une solution commune, explique Christoph Eymann. Il serait fâcheux, qu’en tant que responsables, nous n’y parvenions pas et que la Confédération doive intervenir.»

Par Serge Jubin

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