Aller au contenu principal

L’amélioration de la formation des enseignants est déterminante

Soumis par SAEN le 3 avril 2010

On peut définir un "expert" comme celui qui sait faire la différence entre ce qui peut être ignoré et ce qui est vraiment important. Le "sage", plus prosaïquement, est cette personne qui, confrontée aux difficultés d'assembler un meuble acheté en grande surface, peut s'avouer à elle-même que, lorsque rien n'a fonctionné, il est probablement temps de lire les instructions.

En ce qui concerne les conduites agressives et la violence à l'école, il est urgent que l'expertise et la sagesse prennent la place qui leur revient dans la formation initiale et continue des enseignants. Ils sont stressés et épuisés. Il est indéniable que l'incivilité, les conduites agressives et d'autres manifestations de violence sont au coeur des préoccupations quotidiennes de plusieurs enseignants. Ils n'ont pourtant reçu que très peu de formation pertinente pour composer avec ces situations et surtout les prévenir.

Les pratiques exemplaires soutenues par les chercheurs démontrent pourtant de manière éloquente que certaines interventions sont plus efficaces que d'autres pour prévenir la violence scolaire. Toutefois, les milieux scolaires ont peu intégré ces savoirs. Ils demeurent en mode réaction. La tolérance zéro, les détecteurs de métaux, la suspension, l'expulsion de l'école et les autres approches basées sur la sécurité, la répression et la punition deviennent alors des interventions privilégiées. Plusieurs des pratiques des enseignants et des directeurs d'établissement sont d'ailleurs souvent davantage basées sur des croyances que sur des évidences empiriques.

Ainsi, la cause des conduites agressives d'un élève est souvent attribuée à certaines de ses caractéristiques personnelles : tempérament, famille perturbée, milieu social défavorisé. On remet rarement en question la qualité des services offerts par l'école, et encore moins la pertinence de l'utilisation de certaines approches disciplinaires qui font appel davantage au contrôle qu'à l'éducation.

Situation stressante

Faut-il en être surpris ? Les jeunes enseignants commencent très souvent leur carrière dans les classes et les écoles les plus difficiles, sans posséder les balises essentielles qui peuvent les guider lorsqu'ils doivent faire face aux manifestations agressives de certains de leurs élèves. Je me souviens très bien du séminaire que j'avais donné, il y a quelques années, à l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Nice sur cette question, et du désir anxieux des participants de savoir quoi faire. Cette situation est stressante pour les enseignants, affecte le climat de la classe et contribue à l'échec scolaire des jeunes "difficiles", qui sont, majoritairement, des garçons.

Lorsque nos jeunes enseignants doivent composer avec des conduites agressives, ils sont comme des dentistes, frais émoulus de l'université, angoissés de n'avoir reçu, comme unique formation pour réparer une carie, qu'un cours sur l'importance sociale du sourire. Il est compréhensible que le patient puisse devenir agité. C'est ainsi que plusieurs éducateurs adoptent et maintiennent des approches punitives qui ne font qu'exacerber les problèmes. La formation pour travailler en collaboration avec les parents est aussi anémique, le personnel scolaire les considérant davantage comme la cause des problèmes que comme des partenaires.

La qualité d'une école ne peut être supérieure à la qualité de ses enseignants. Il est urgent que les maîtres puissent acquérir les connaissances et développer les habiletés leur permettant de jouer leur rôle d'éducateurs en ce qui a trait à la violence scolaire. Pour ce faire, une formation initiale de qualité doit les amener à intervenir de manière proactive plutôt que réactive par rapport aux conduites agressives.

Il est essentiel que les enseignants sachent établir un cadre prévisible dans leur classe, composer avec la désobéissance et enseigner des habiletés sociales. Il est impératif qu'ils possèdent une image mentale claire de ce qui relève d'eux, de la direction de l'établissement, des policiers et des services sociaux. La formation continue, par la suite, doit leur offrir la possibilité de demeurer à jour professionnellement et d'intégrer dans leurs pratiques les connaissances récentes issues de la recherche. La dyslexie scientifique, en matière de violence scolaire, n'est plus acceptable.

L'école a un rôle social très important à jouer en matière de prévention de la violence. La réalisation de cette mission passe, entre autres, par l'amélioration de la formation des enseignants. L'état actuel des connaissances et vingt-cinq ans d'expérience en formation des maîtres sur cette question me permettent d'affirmer que c'est une entreprise réaliste, qui repose sur une expertise disponible. Il s'agit maintenant de faire preuve de sagesse.

Egide Royer est professeur en sciences de l'éducation de l'université Laval (Canada), codirecteur de l'Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l'école.

Source

Mots-clés associés