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L’apprentissage suisse souffre des préjugés

Soumis par SAEN le 18 juillet 2015

En comparaison avec nos voisins européens, la formation professionnelle est bien plus développée et complète en Suisse. Malgré tout, de nombreux métiers sont dits «masculins» ou «féminins», freinant la mixité de ceux-ci et leur accès pour tous les apprentis.

Envié par nos voisins, comme la France, notre système de formation professionnelle en Suisse est désormais un modèle que ces derniers tentent d’appliquer et de mettre en place dans leur propre pays. Mais si la voie de l’apprentissage en Suisse est extrêmement riche et complète, elle n’est de loin pas parfaite.

De nombreuses professions, allant du garagiste à l’esthéticienne, restent destinées à un certain sexe, repoussant les envies de nombreux apprentis. Ces freins changent en fonction du sexe, explique Dr Nadia Lamamra, responsable de champ de recherche « Processus d’intégration et d’exclusion » à l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle(IFFP): «La situation n’est pas du tout la même si on est une fille dans un métier «masculin» ou un garçon dans un métier «féminin». Les garçons rencontrent généralement beaucoup de problèmes pour faire part de leur choix à leur entourage, mais ils sont en général bien accueillis sur le lieu de travail. Pour les filles, c’est exactement le contraire.» En effet, selon une étude réalisée à l’IFFP sur le métier de coiffeur et de peintre en bâtiment, les filles rencontrent de gros problèmes d’intégration sur le lieu de travail. Mais elles ne rencontrent pas de difficultés lors de l’annonce de leur choix en général.

L’attrait pour un métier dit de sexe opposé change aussi pour les filles et les garçons. Selon une récente étude menée à l’IFFP, 6,7% des garçons aspirent à des professions féminines alors que, chez les filles, 19,1% envisagent une profession masculine. Pour Dr Nadia Lamamra, la différence entre les filles et les garçons a des causes bien précises : «Cet attrait chez les filles est dû à deux raisons : tout d’abord, les filles se répartissent dans un nombre restreint de professions, aller dans des métiers dits masculins est donc une opportunité d’élargir leurs choix professionnels. Et puis les inégalités salariales entre métiers «féminins» et «masculins» expliquent le faible intérêt des garçons et l’envie des filles d’aller vers d’autres horizons.» Pour le choix des métiers, les filles choisissent des métiers comme l’informatique, la cuisine, l’horticulture ou encore les métiers de l’automobile. Les garçons se dirigent eux vers des métiers comme coiffeurs, assistants en soins et santé communautaire, assistants en pharmacie, assistants dentaires ou d’autres encore fleuristes.

Valoriser des métiers «masculins» pour les filles, ainsi que le contraire, et tenter d’enrayer les préjugés passe évidemment par des campagnes de promotion où l’on met en avant les deux sexes pour le même métier. Mais la motivation des différents milieux professionnels n’est pas toujours la bonne, selon Dr Isabelle Caprani, responsable d’axe de recherche «Enseignement et apprentissage dans la formation professionnelle» à l’IFFP : «Nous avons constaté que bien souvent les campagnes qui cherchent à attirer les deux sexes pour un même métier sont motivées par des pénuries de personnel.» La recherche de la mixité dans les différents métiers paraît donc bien utopique et elle n’est servie que lorsqu’il existe un besoin.

Au-delà de la volonté de casser les préjugés et les étiquettes pour les métiers dits «masculins» ou «féminins», reste la question de la présentation de la formation professionnelle à l’école. Pour Dr Isabelle Caprani : «L’apprentissage est trop mal vendu à l’école, surtout en Suisse romande, où il est souvent mal présenté et a une moins bonne réputation qu’en Suisse allemande.» Pour elle, il faudrait davantage montrer les passerelles qui existent et les nombreuses possibilités qu’elles offrent. Entre briser les stéréotypes sur les métiers «masculins» et «féminins» et revaloriser la réputation de l’apprentissage, la formation professionnelle suisse a du pain sur la planche.

Xavier Perdrizat (24 heures)

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