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Le lycée Jean-Piaget à Neuchâtel se ferme aux non-francophones

Soumis par SAEN le 28 février 2018
Au lycée Jean-Piaget, la prochaine rentrée se fera sans non-francophones. (archives Richard Leuenberger)

Une filière historique d’apprentissage du français disparaît au lycée Jean-Piaget, à Neuchâtel. En cause? L’Etat a décidé de placer les réfugiés ailleurs.

L’Ecole supérieure de commerce de Neuchâtel accueillait des élèves non-francophones depuis sa création, en 1883. Désormais baptisée lycée Jean-Piaget, elle doit renoncer à sa fameuse filière "français langue étrangère" à la fin de l’année scolaire.

"Nous fermerons les quatre classes pour la rentrée d’août", précise Ivan Deschenaux, directeur du lycée Jean-Piaget. Sur les 62 élèves concernés, la moitié sont des réfugiés placés par l’Etat, plus précisément par le Service de la cohésion multiculturelle (Cosm). Or, ce dernier a résilié pour fin juin le contrat de prestations qui le liait au lycée depuis 2008.

En novembre dernier, le Cosm se désengageait déjà d’une autre entité subventionnée par l’Etat, le Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises (Cefna). L’Ecole-club Migros soufflait alors le mandat pour les cours de français aux adultes et l’alphabétisation. C’est encore cet acteur privé, parmi d’autres écoles de langues, qui héritera d’une partie des réfugiés fréquentant le lycée Jean-Piaget.

Ivan Deschenaux se montre compréhensif vis-à-vis de la nouvelle politique d’intégration des migrants mise en place par l’Etat. "Le potentiel des jeunes étrangers entre 16 et 25 ans, notamment les réfugiés, est évalué en vue d’une formation professionnelle dont l’acquisition du français n’est qu’une des conditions à remplir. Ils ne viendront malheureusement plus chez nous mais seront aiguillés en fonction de leurs besoins vers différents prestataires,  notamment dans des écoles privées, qui nous considèrent parfois comme un concurrent déloyal."

Priorité à l’apprentissage

Pour les étrangers comme pour les Suisses, il s’agit d’encourager l’apprentissage. Seuls quelques réfugiés ont d’ailleurs le niveau de français pour intégrer un cursus à plein temps au lycée. "L’offre de ce dernier  est destinée à un public alphabétisé. Cela fait plusieurs années que l’on est confronté à des migrants qui ne le sont pas", précise Laurent Feuz, chef du Service des formations postobligatoires et de l’orientation.

Le directeur du lycée Jean-Piaget confirme que la filière dépendait largement, depuis quatre ou cinq ans, du placement de réfugiés C’est ce qui lui permettait d’être "quasiment autoporteuse". Avec le retrait du Cosm, elle serait devenue déficitaire. "Compte tenu de ses finances, on peut comprendre que l’Etat n’ait pas voulu couvrir le déficit."

"Crève-cœur" et soucis

"L’Etat n’a pas tranché dans le vif, comme avec la Haute Ecole de musique", estime Ivan Deschenaux. La fermeture est la conséquence d’une "réalité économique", même si "c’est évidemment un crève-cœur et une perte de savoir-faire."

La fermeture des classes risque de peser sur l’effectif des enseignants du lycée. Source de soucis, l’incertitude est renforcée parles inconnues liées à l’arrivée au secondaire 2 pour la première fois des élèves de la filière unique de l'école obligatoire. De plus, en raison d’un creux démographique, moins d’élèves sont attendus dans les lycées, ce qui pourrait cependant faire baisser la pression sur l’emploi. Enfin, la réforme de la caisse de pensions pourrait précipiter des retraites anticipées de quelques professeurs.

Le français et Neuchâtel attirent moins

Les cours de français pour non-francophones du lycée Jean-Piaget succombent, après 135 ans d’existence. Les cours d’été, qui passent aussi à la trappe, ont attiré plus de 300 étudiants lors des années fastes. Jusqu’à 35 langues s’invitaient alors au lycée. Mais le succès était d’abord dû aux Alémaniques venus à Neuchâtel décrocher un diplôme ou une maturité commerciale. C’était avant la cantonalisation du lycée en 2005, qui s’est accompagnée d’un prix d’écolage multiplié par quatre ou cinq, et la fin du subventionnement versé par le canton de Berne pour ses ressortissants.

Les mentalités ont aussi changé. "Dans les années 1970 et 1980, quitter la maison pour aller étudier en Romandie était perçu par les élèves alémaniques comme de l’émancipation", raconte Ivan Deschenaux, directeur du lycée. Celui-ci évoque encore un attrait moindre pour le français et la région neuchâteloise. Désormais sans Alémaniques et bientôt sans réfugiés, la filière est donc dans l’impasse. Elle attire toutefois encore, jusqu’à la fin de l’année scolaire, une trentaine d’étrangers, surtout de Chine et d’Amérique du Sud. 

Par Frédéric Mérat

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Publié le
ven 12/04/2019 - 09:20
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