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Le master qui donne l’urticaire

Soumis par SAEN le 15 août 2017

Une formation bac+5 pour les maîtres de l’école obligatoire fait des remous. L’idée ne fait pas encore partie de l’agenda politique.

Tous les directeurs de l’Instruction publique revendiquent l’excellence pour l’école obligatoire avec, pour pilier central, une formation de qualité des enseignants.
Tous les directeurs de l’Instruction publique revendiquent l’excellence pour l’école obligatoire avec, pour pilier central, une formation de qualité des enseignants. KEYSTONE

A l’instar du ministre valaisan de la Formation, Christophe Darbellay, tous les directeurs de l’Instruction publique revendiquent l’excellence pour l’école obligatoire avec, pour pilier central, une formation de qualité des enseignants.

Mais allonger le cursus des maîtres de l’école enfantine et primaire du bachelor (bac+3) jusqu’au master (bac+5) ne fait pas encore partie du calendrier politique. Dans une réponse à un postulat, le Conseil d’Etat du canton d’Argovie s’est dit opposé à ce projet à l’étude chez Swissuniversities, l’organe qui chapeaute les hautes écoles universitaires, spécialisées et pédagogiques de Suisse.

Un des arguments forts du gouvernement argovien, relayé par l’«Aargauer Zeitung», est la dépense supplémentaire pour le master, qui serait de 42 150 francs par enseignant et près de 200 millions de francs au total pour une année. Il estime par ailleurs que la durée de la formation n’est pas déterminante de la qualité. Pour lui, l’offre en formation continue de la Haute Ecole pédagogique doit être privilégiée. Une formation plus longue serait même se tirer une balle dans le pied à cause du manque de personnel qualifié.

Pas encore de prise de position officielle

Le débat dépasse les bords de l’Aar. Et les pédagogues marchent sur des œufs. Un groupe de travail de la Chambre des hautes écoles pédagogiques Swissuniversities planche sur le sujet, mais n’a pas encore communiqué une prise de position officielle. «Swissuniversities examine un projet qui définit si et dans quelle mesure une formation de master pour les enseignantes et enseignants aux niveaux primaire et préscolaire en Suisse est à envisager», fait savoir son secrétariat. «A l’heure actuelle, la Chambre HEP est en pleine discussion et n’a pas encore pris position. Une communication à ce sujet sera sans doute présentée à la fin de l’année 2017.»

Selon nos sources, certains recteurs des hautes écoles pédagogiques alémaniques appuieraient l’option du master. Et ce pour toute la Suisse. Mais tous ne sont pas d’accord, loin de là. Le processus d’application serait compliqué et incertain: c’est la Conférence des directeurs cantonaux d’instruction publique (CDIP) qui devrait être favorable à la majorité des deux tiers au projet de master. Puis il faudrait un vote dans chaque parlement cantonal. La course d’obstacles.

«Il y a effectivement un groupe de travail qui planche sur ce projet au niveau suisse», explique Guillaume Vanhulst, recteur de la Haute Ecole pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) et ancien directeur de la formation des maîtres secondaires de l’Université de Fribourg. «Cette question se pose surtout en Suisse alémanique, la Suisse romande ayant une position un peu différente. Personnellement, ne serait-ce qu’à regarder ce qui se passe en Europe, je pense que l’on va inévitablement en venir à un niveau de formation de niveau master, mais la décision finale revient au politique, non aux recteurs des HEP.»

«Mi-figue, mi-raisin»

Le recteur de la HEP Vaud, qui est aussi docteur en pédagogie, constate qu’il est difficile pour les futurs maîtres de l’école obligatoire de faire le tour en trois ans de toutes les matières à maîtriser. «Il y a entre dix et onze didactiques de disciplines à acquérir au total», observe Guillaume Vanhulst. «La formation de bachelor en trois ans ne permet pas de toutes les étudier de manière approfondie. Actuellement, il faut rajouter des modules après le bachelor pour pouvoir embrasser toute la matière. A la HEP Vaud, on se concentre sur les huit ou neuf principales et les deux restantes sont abordées après le bachelor, elles donnent alors lieu à des diplômes additionnels. C’est une solution mi-figue, mi-raisin.»

Un des arguments opposés à l’allongement de la durée de la formation des enseignants de l’école obligatoire consiste à dire qu’ils font déjà assez de théorie et pas assez de pratique. «Le reproche de manque de pratique dans la formation actuelle tient de la légende urbaine», s’insurge le recteur de la HEP Vaud. «Les futurs enseignants ont en moyenne de 25 à 30% de leur temps consacré à de la formation pratique. L’introduction du master participe davantage à la peur de certains de l’‘universitarisation’ de la formation. Mais elle n’est pas justifiée.»

Selon Guillaume Vanhulst, introduire un master en HEP permettrait de se calquer sur le système de Bologne et ses deux cycles, le premier se concentrant sur les savoirs stabilisés et le second sur les savoirs débattus.

Par Pierre-André Sieber

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