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À l’école, les filles sont indéniablement les meilleures.

Soumis par Jean-François Kunzi le 27 septembre 2007

Le professeur Pierre Marc, alors responsable des sciences de l’éducation à l’université de Neuchâtel, avait créé une certaine sensation, voire un certain émoi, en affirmant que les systèmes scolaires suisses « favorisaient » les filles. C’était il y a près de quinze ans, devant les membres du SAEN réunis lors de la Journée syndicale annuelle. Aujourd’hui, toutes les recherches et même les enquêtes internationales PISA le confirment. Scolairement, les filles sont meilleures que les garçons. Leur développement émotionnel et cognitif s’avère nettement plus précoce. Elles accordent nettement plus d’importance à l’instruction. Corollaire inquiétant, les garçons constituent la majorité des élèves en difficultés.

Ce constat devrait nous interroger et nous inciter à réagir. Pourquoi la supériorité avérée des filles ne se concrétise-t-elle pas dans les études longues et dans des carrières professionnelles de tout premier plan ? Ce fait ne constitue-t-il pas une injustice flagrante ? Quelles mesures prendre pour que les garçons se retrouvent moins nombreux en queue de peloton ?

Malgré une démonstration brillante, l’affirmation du professeur Pierre Marc a été accueillie, voici près de quinze ans, avec un scepticisme poli par la plupart de ses auditeurs. Admettre qu’un système scolaire en vigueur, notamment dans son canton, s’avère sexiste constitue un choc qui exige un temps certain pour être surmonté. D’autant plus que nos pratiques pédagogiques, jugées discriminatoires, sont clairement mises en cause. Les chercheurs prétendent, leçons filmées à l’appui, que nous ne donnons pas aux filles la place, non seulement   qu’elles   méritent   mais  à laquelle elles ont pleinement droit. Nous avons tendance à nous occuper davantage des garçons comme si nous percevions, intuitivement, leur grande fragilité.

Lorsqu’on examine objectivement le découpage opéré par une grille horaire, on ne peut que constater la très faible part réservée à des disciplines exigeant force, « agressivité » ou combativité dans lesquelles excelleraient sans doute les garçons. La supériorité masculine en mathématiques relève plus de la légende que de la réalité et n’est due qu’à un petit nombre de surdoués.

Les filles s’adaptent plus facilement aux contingences scolaires qui leur offrent l’occasion de valoriser leur maturité plus précoce et leurs qualités propres. Elles sont plus équilibrées dans le sens où elles savent mieux se ménager des moments de calme. Leur attitude vis-à-vis de l’école, de l’éducation, du travail à accomplir se révèle généralement beaucoup plus positive que celle manifestée par leurs copains. Leur supériorité en lecture est absolument indéniable, voire écrasante. Une majorité d’entre elles citent spontanément cette activité comme étant un de leurs loisirs favoris. Ce que font rarement les garçons.

« Le Temps » du 13 septembre a consacré, sous la plume d’Anna Lietti qui a également signé un éditorial percutant, un article bien documenté sur la question qui ne suscite hélas pas le vrai débat de société qu’elle mérite. La journaliste a interrogé la chercheuse Martine Chaponnière et le pédopsychiatre Olivier Halfon dont les apports ne sauraient laisser indifférents les professionnels engagés que nous sommes puisqu’ils soulignent les méfaits de la sélection précoce.

Depuis longtemps, nous nous battons pour une école obligatoire ne comportant qu’une filière, estimant, comme nos collègues finlandais, que seul ce système, en permettant à chaque individu d’évoluer à son rythme, évite les discriminations fâcheuses, la marginalisation et, finalement, l’exclusion. Quand, parmi les décideurs politiques et parmi la société comprendra-t-on qu’on ne peut plus se permettre, longtemps encore, le gâchis actuel ?

Jean-François Kunzi

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