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L’école neuchâteloise et le ministre des mauvaises nouvelles en face à face

Soumis par SAEN le 12 novembre 2009

 Philippe Gnaegi, conseiller d’Etat responsable de l’Education, a détaillé les mesures d’économies du budget 2010 face à 400 enseignants remontés. L’exercice a débouché sur un dialogue de sourds. Récit

«Mon rôle est d’expliquer les décisions prises. Je n’ai pas peur d’aller au front.» Avant de débattre avec 400 enseignants, hier après-midi à La Chaux-de-Fonds, Philippe Gnaegi arborait un sourire déterminé. Invité de longue date par le Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois (SAEN), le ministre de l’Education a défendu les mesures d’économies prises dans le cadre du budget 2010, en particulier pour les lycées (lire ci-dessous).

Pour le magistrat libéral-radical entré en fonction début juin, c’était l’épreuve du feu. Ancien directeur au Lycée Jean-Piaget de Neuchâtel (2001-2009), il connaît parfaitement le monde scolaire et la sensibilité de ses acteurs. Il n’en a pas tiré profit. Après une heure et quart de discussions parfois électriques, les enseignants ne cachaient pas leur déception. «On savait qu’il ne nous convaincrait pas concernant les économies prévues, confiait l’un d’eux. Il y avait un doute concernant son aptitude à présenter une vision globale de l’école. Manifestement, il n’en a pas.»

«Ça pourrait être pire»

Salué de part et d’autre, l’exercice s’est très vite transformé en dialogue de sourds. Dans son introduction, Philippe Gnaegi a mis l’accent sur «la nécessité de faire des économies dans un contexte économique très difficile» marqué par «une forte baisse des recettes fiscales». Il a reconnu que les mesures prises ne sont «pas intelligentes», mais qu’elles ne «mettent pas en péril» la qualité de l’éducation. «Le Conseil d’Etat n’entend pas démanteler l’école», a-t-il martelé à plusieurs reprises. «Au contraire, il va investir 5 millions de francs et créer une centaine de postes pour la mise en œuvre d’HarmoS.»

Pour enfoncer le clou, le ministre PLR a souligné que la situation aurait pu être pire. «A l’origine, le Conseil d’Etat demandait au DECS (Département de l’éducation, de la culture et des sports) un effort beaucoup plus important. J’ai combattu le projet et la clé de répartition des économies par département a été modifiée. Au final, nous sommes proportionnellement moins touchés que les autres départements.»

L’école neuchâteloise et le ministre des mauvaises nouvelles en face à face

Dans la salle, l’argument a entraîné une vague de hochements de tête désabusés et des sourires navrés. Solidaires de leurs collègues des lycées «malgré les tentatives du gouvernement de diviser la fonction publique», les enseignants qui ont pris la parole ont exprimé leur lassitude «d’entendre toujours les mêmes refrains».

«Depuis 1994, on nous dit qu’on doit économiser, a fustigé l’ancien président du SAEN Jean-François Kuenzi. Salaires bloqués, indexation réduite ou supprimée: l’Etat n’a jamais rendu à la fonction publique ce qu’il lui a pris. Malgré un concordat signé entre le Conseil d’Etat et les associations de personnel, le dialogue n’existe pas. Les enseignants méritent le respect et la considération. Pour bien exercer leur métier, ils ont besoin de sérénité.»

Son tour de parole venu, Philippe Gnaegi n’a pas évoqué ce point, pourtant capital. Fidèle à sa ligne, il est revenu sur le terrain financier en insistant sur le déficit structurel de 150 millions de francs mis en évidence par le gouvernement dans son programme de législature. «L’Etat doit-il continuer à s’endetter ou au contraire rétablir sa situation financière?», a-t-il demandé. Réponse d’un enseignant: «Votre rôle n’est pas de parler finances, mais de jouer le rôle de bouclier pour défendre l’école neuchâteloise.»

La passe d’armes illustre l’incompréhension totale qui existe entre le chef du DECS et ses anciens collègues. Confronté à la baisse des recettes fiscales et à la limite du frein à l’endettement, le ministre est contraint de faire des choix impopulaires. Lassée d’éponger année après année le déficit structurel de l’Etat, la fonction publique ne veut plus entendre parler de «sacrifices partagés».

Les prochaines semaines s’annoncent animées. Remontés, les syndicats organisent ce soir une manifestation à Neuchâtel pour protester contre les mesures du Conseil d’Etat et, accessoirement, évaluer le mécontentement de leur base. Plusieurs actions seront menées d’ici au traitement du budget par le Grand Conseil, début décembre.

Pierre-Emmanuel Buss, Le Temps
12 novembre 2009

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