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L’école publique doit-elle intégrer davantage ?

Soumis par Jean-François Kunzi le 16 septembre 2005

Notre société a connu une évolution étonnante en passant d’un modèle rural relativement solidaire à un modèle urbain nettement individualiste. Les progrès de la médecine, entraînant ceux de l’hygiène et des soins, ont permis, non seulement le maintien en vie de personnes qu’un handicap aurait, auparavant, condamnées à plus ou moins brève échéance mais, également, l’allongement inouï de l’espérance de vie. D’une prise en charge essentiellement familliale voire villageoise, on a évolué vers la création d’une large palette d’institutions spécialisées seules capables, estimait-on, de répondre aux besoins spécifiques des handicapés.Aujourd’hui, on reconsidère, à juste titre, la question. Face à ce qu’on considère comme la normalité, le handicap peut revêtir une grande diversité de formes. Ceux qui en sont les victimes ne sont pas, obligatoirement, des marginaux qu’il faut, à tout prix, écarter du regard et de la présence de leurs concitoyens. Dans cette perspective, l’école publique doit-elle absolument se soucier de l’intégration des enfants ? A quelle(s) condition(s) peut-elle accepter de le faire ?
J’ai vécu les premières années de ma vie, à la campagne, au sein d’une cellule familiale réunissant douze personnes appartenant à quatre générations. Dans les milieux agricoles, cette situation n’avait rien d’exceptionnel. Mon arrière-grand-père, comme certains de ses contemporains paysans, a pu terminer son existence, à un âge respectable, paisiblement, parmi les siens. Conditions, j’en suis conscient, sans doute un peu idéales.
Une famille voisine comptait, dans ses rangs, un adulte qui me paraissait sérieusement handicapé et qu’on occupait à de menus travaux. Jusque dans les années septante, il n’était pas rare de rencontrer, dans presque chaque village, un personnage qu’en Provence on nomme familièrement le fada.

Au cours du 20ème siècle, les institutions spécialisées se sont développées. Elles constituent indéniablement un formidable progrès. Leurs initiateurs, mûs par des sentiments hautement respectables de compassion et de charité, entendaient soulager les familles et répondre à la misère voire à l’état d’abandon dans lequel pouvaient se trouver des handicapés. N’en exhibait-on pas, sans le moindre état d’âme, dans des foires ? Eux et leurs successeurs ont accompli, dans un contexte parfois très difficile, une œuvre remarquable, hélas trop souvent méconnue de tous ceux qui ne sont pas directement concernés. En entendant certaines conversations, il m’arrive de me demander si, peut-être parce qu’elles n’ont pas l’occasion d’en rencontrer, certaines personnes savent que les handicapés existent.

Il est évidemment impossible de décrire succinctement la multitude des handicaps – du plus léger, presque imperceptible, au plus lourd qui peut exiger des moyens techniques impressionnants – qui révèlent de domaines très différents : affectif, moral, psychique, physique … D’où l’extrême complexité du problème.

Aujourd’hui, à la lumière des connaissances actuelles, on doit s’interroger sur la légitimité et sur la pertinence de placer un handicapé bien à l’abri dans une institution, hors du regard et du contact avec ses concitoyens. Chaque cas mérite une attention et une étude particulières afin de tenter de trouver la solution la meilleure.

Quel rôle l’école publique doit-elle assumer en matière d’intégration ? Est-elle prête à reconsidérer ses structures afin d’éviter au maximum l’exclusion ? De quels moyens la dotera-t-on ? Nous ouvrirons le débat le 9 novembre, lors de la Journée syndicale.

Jean-François Kunzi

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