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L’égalité des chances : réalité ou utopie?

Soumis par Jean-François Kunzi le 16 décembre 2005
Photo Annie Spratt (Unsplash)

En dépit des moments très difficiles que traverse notre canton sur le plan financier le Conseil d’Etat, parce qu’il estime que les microtechniques constituent un gage d’avenir sérieux, entend valoriser la formation et favoriser l’insertion des jeunes. Voilà une nouvelle qui ne peut que nous réjouir. N’avons-nous pas à de multiples reprises déplorer le manque de perspectives et la marginalisation croissante dont sont victimes certaines catégories d’adolescents ?Mais à travers ces mesures, ne continuons-nous pas à cautionner les discriminations et à jouer les pompiers ? L’école publique, par la sélection opérée au secondaire 1, remplit-elle correctement sa mission ? Offre-t-elle, à tous les élèves, une réelle égalité des chances ? Dans l’enquête PISA 2003, la comparaison entre les filières révèle une situation inacceptable… dans une démocratie digne de ce nom.

La révolte des banlieues françaises démontre clairement que l’absence de perspectives professionnelles et d’horizon débouche, presque fatalement, sur des manifestations spectaculaires et débridées d’un désespoir profond. Dans un climat aussi délétère, la moindre des étincelles met le feu aux poudres. Et, lorsque la machine est lancée, il devient très difficile de l’arrêter rapidement. L’histoire devrait nous l’avoir appris !

Sans être aussi globalement dramatique, la situation de certains jeunes Romands présente tout de même quelques similitudes avec celle de leurs homologues français habitant ces cités de tous les dangers. Comme eux, ils ont connu l’échec scolaire ; comme eux, ils sont en rupture plus ou moins marquée avec leur milieu familial ; comme eux, ils ne parviennent pas à s’insérer dans la vie professionnelle parce qu’ils ne trouvent pas de place d’apprentissage. Comme en France, on observe. Chez nous, que de plus en plus de jeunes adultes recourent à l’aide sociale, voire qu’ils sont pris en charge par l’AI. S’agit-il là d’un phénomène de société inéluctable ?

Si j’ai, un jour, accepté la présidence du SAEN, c‘est parce que j’ai la conviction que la volonté de quelques-uns peut parvenir à changer le monde. Depuis des années, avec mes collègues du SER et ceux du comité cantonal, nous dénonçons le fatalisme se référant à cette soi-disant loi de la nature qui crée toute chose intangible.

Dans une démocratie comme la nôtre, tous les moyens ne doivent-ils pas être mis en œuvre pour que soit offerte, à chaque individu, une vraie égalité des chances ? Dans cette perspective, l’école publique ne constitue-t-elle le lieu idéal où, à travers l’acquisition de connaissances, de compétences et de comportements sociaux, se développe l’espoir, s’affirment les valeurs et se construisent la liberté et la responsabilité ?

Notre école publique républicaine remplit-elle consciencieusement cette mission ? Par le système des filières qui caractérisent, à de rares exceptions près, le secondaire 1, ne pratique-t-elle pas l’exclusion ? Ne marque-t-elle pas irrémédiablement certains élèves au fer rouge ? A-t-elle véritablement pris la mesure des changements intervenus dans notre environnement socio-économique qui bouleversent complètement la donne, notamment dans le domaine des emplois peu qualifiés ?

L’examen des résultats neuchâtelois obtenus lors de l’enquête PISA 2003 (la même observation est valable dans d’autres cantons) met en lumière un élément grave : 25% des élèves de la section préprofessionnelle et 30% de ceux de moderne obtiennent des résultats meilleurs que ceux des moins bons élèves de la section de maturités.

Humainement et déontologiquement, la ségrégation opérée par les filières s’avère inacceptable et donc à combattre. Plutôt que de jouer les pompiers, ne vaudrait-il pas mieux éviter d’allumer l’incendie ?

En ces temps difficiles, le Comité central appelle tous les membres du SAEN à la vigilance et à la mobilisation pour soutenir les représentants du personnel de l’Etat qui participent aux négociations.

Il leur adresse ses vœux les meilleurs pour que 2006 soit, malgré tout, une année heureuse.

Jean-François Kunzi

Publié le
Jeu 11/04/2019 - 09:32
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