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Les enseignants sont-ils actuellement bien formés ?

Soumis par Jean-François Kunzi le 23 novembre 2007

Une idée reçue souvent répandue par une frange d’enseignants nouvellement diplômés, prétend que la formation dispensée dans les HEP ou, dans certains cantons et pour certains degrés, à l’université, s’avère inadéquate pour affronter, sans difficulté majeure, la gestion complexe d’une classe.

Le désarroi de ces collègues débutants qui ne s’attendent pas à affronter d’emblée des situations aussi difficiles et qui, parfois, craquent, est parfaitement compréhensible. Malgré plusieurs années de formation, ils manquent - et c’est normal – de recul, de savoir faire, d’expérience … d’où la nécessité impérative de constituer des équipes pédagogiques efficaces, compétentes, formatrices.

Les instances chargées de la formation des enseignants ne méritent souvent pas les critiques qu’on leur adresse. Même avec la meilleure bonne volonté du monde, elles ne peuvent fournir, à leurs étudiants, qu’une « boîte à outils » dans laquelle ceux-ci devront puiser pour résoudre l’unicité et la complexité d’une situation éducative. Mais sont-elles aussi sans reproche dans le domaine des pratiques professionnelles ?

Est-il vraiment révolu partout le temps où, lorsque, dans un collège, on accueillait un enseignant débutant, ses futurs collègues s’arrangeaient pour lui attribuer la classe la plus difficile ou les élèves posant les plus lourds problèmes ? Une telle pratique – sorte de bizutage ou de rite initiatique – permettait, sans doute, de jauger rapidement le nouvel arrivant, de tester ses capacités, ses compétences sa capacité d’adaptation et d’intégration

Aujourd’hui, alors que le consensus sur l’école s’effrite dangereusement sous les coups de boutoir de certains milieux fondamentalistes emmenés par un philosophe, spécialiste autoproclamé et largement médiatisé du domaine scolaire, alors que la société s’est profondément modifiée dans ses aspirations et, plus grave, dans son attachement à des valeurs comme l’égalité des chances et la solidarité, alors que l’acte éducatif devient de plus en plus délicat et complexe, l’accueil d’un débutant constitue un moment particulièrement important. Il y va de la crédibilité de l’école publique.

Conscients que la confrontation avec la pratique quotidienne peut être rude, que le recours à des références théoriques ou à une panoplie d’outils n’est pas toujours évidente, les plus chevronnés ont un rôle primordial à jouer dans l’intégration au sein d’une équipe pédagogique, dans la mise en œuvre harmonieuse et sereine de compétences qui ne demandent qu’à s’épanouir, dans l’accompagnement attentif, collégial mais aussi critique, dans l’échange enrichissant d’idées, dans le partage d’expériences, dans l’encouragement …

Finalement, l’ensemble des personnes qui s’activent au sein d’un établissement scolaire n’est-il pas coresponsable de la formation des enseignants nouveaux ou futurs ? Qui mieux que lui peut se porter garant de la haute qualité de l’enseignement dispensé dans l’école publique et démontrer que la mission est parfaitement remplie ?

Reçu chez des amis habitant une petite ville du Moyen Pays, j’ai fait la connaissance d’une jeune collègue en fin de formation. Je l’ai observée pendant qu’elle corrigeait un contrôle effectué par des élèves de 8ème année. Je l’ai interrogée sur ses premières expériences. J’ai été littéralement stupéfait par l’aplomb de son jugement péremptoire : « J’enseigne dans deux mauvaises classes. Dans l’une la moyenne est inférieure à 3, dans l’autre à peine supérieure. » Pas de recul, pas de remise en cause, pas d’analyse des pratiques ! Rien que ce constat désolant : 45 élèves sont mauvais. Que dire de cette enseignante ? Qui est responsable ? Vous, moi, nous ses collègues, la HEP, l’université ?

Jean-François Künzi

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