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Malgré les difficultés, le métier d'enseignant semble rester attractif

Soumis par SAEN le 16 décembre 2014

La Haute Ecole pédagogique a mené une étude en lien avec l'éventuelle pénurie des années à venir. La question salariale a été relevée, mais pas jugée prépondérante.

L'étude le confirme: les enseignants jugent les conditions de travail toujours plus difficiles. KEYSTONE

Ces prochaines années, de nombreux enseignants nés dans la période du baby-boom des années 50 vont partir à la retraite. Cette situation pourrait conduire à une pénurie d'enseignants, et donc avoir des conséquences négatives sur la qualité. Conscient du problème - même s'il est bien moins marqué dans l'Arc jurassien que dans les cantons de Zurich ou de Vaud -, le Comité stratégique (Costra) de la Haute Ecole pédagogique Bejune (Berne, Jura et Neuchâtel) a pris les devants en 2010 déjà.

"Sur mandat du Costra, nous avons réalisé une étude sociodémographique sur la profession enseignante dans l'Espace Bejune afin de dresser un état des lieux, d'identifier les risques et de prendre les mesures pour anticiper les besoins de recrutement et éviter une pénurie" , explique Bernard Wentzel, vice-recteur en charge de la recherche et des ressources documentaires de la HEP, et coauteur de l'étude.

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Hausse des effectifs

Celle-ci repose sur trois sources de données: une grande enquête par questionnaire réalisé auprès de 2000 enseignants des niveaux primaire et secondaire; des données statistiques anonymisées fournies par les trois cantons, enfin des entretiens individuels approfondis destinés à évaluer la motivation des intéressés, l'attractivité du métier, ou encore les conditions de travail.

Première constatation: il n'y a actuellement pas de pénurie, et le risque pour ces prochaines années est faible, aussi bien au niveau primaire que secondaire. Jusqu'en 2010, la HEP accueillait environ 110 étudiants par an. "Depuis, leur nombre est passé à 140, ce qui permet d'assurer le renouvellement de la population enseignante" , observe Bernard Wentzel (à noter, toutefois, la particularité neuchâteloise dont nous parlons ci-dessous).

Des possibilités

Ensuite, lorsqu'ils arrivent en troisième année de formation, les étudiants passent presque six mois en stage dans des classes, d'abord accompagnés, puis seuls. Ils gagnent ainsi en pratique. Ces stages, au besoin, et sous diverses formes, pourraient permettre de pallier les éventuels problèmes de pénurie.

Par ailleurs, les cantons disposent encore d'une marge de manoeuvre en incitant une partie des enseignants à augmenter leur temps de travail: au niveau primaire par exemple, le taux d'occupation moyen est de 70 à 75 pour cent. Cela s'explique par le fait que les femmes, qui représentent trois quarts des effectifs, privilégient le travail à temps partiel.

Notre interlocuteur souligne que s'il y a parfois de petites nuances entre les trois cantons Bejeune, les résultats sont globalement les mêmes. S'agissant des différents degrés, il constate que les départs à la retraite seront plus nombreux chez les profs de degré primaire que ceux du secondaire I (école obligatoire). Quant à ceux du secondaire II, les besoins de renouvellement restent stables.

Conditions dénoncées

Comme le souligne Bernard Wentzel, cette étude s'est aussi penchée sur les conditions de travail, la motivation, mais également le regard que les enseignants portent sur leur profession. "D'abord, nous constatons que le métier reste attractif, comme le montre l'augmentation du nombre de nos étudiants. Ensuite, et contrairement à une idée reçue, les abandons de la profession en cours de carrière sont plutôt rares, de l'ordre de 1,5 pour cent."

Ce qui est plus inquiétant, ce sont les conditions de travail que les enseignants jugent toujours plus difficiles. Bernard Wentzel cite, entre autres, la surcharge liée aux réformes scolaires, aux tâches administratives toujours plus lourdes, au travail de développement de l'école, aux relations avec les parents, à la polyvalence exigée ou encore à l'évolution technologique. Autant de charges qui s'ajoutent à l'enseignement proprement dit. Il note par ailleurs que s'il n'y a guère de différence de perception entre hommes et femmes, ces dernières sont bien plus nombreuses à travailler à temps partiel.

Le vice-recteur souligne que les questions salariales sont certes relevées sans toutefois être jugées prépondérantes. Il met par contre en évidence un réel malaise dû au manque de reconnaissance de la profession, alors que la société se montre toujours plus exigeante à l'égard de l'école. Mais les enseignants restent motivés par leur rôle de transmetteur de savoir, qu'ils tiennent au maintien de la qualité de l'école, et donc aussi de leur formation. Mais pour cela, ils souhaiteraient avoir davantage de moyens pédagogiques à disposition afin de renforcer l'égalité des chances qui leur tient à coeur.

Si cette étude est une première, la HEP Bejune n'entend pas en rester là. "Nous aimerions en effet mettre en place un observatoire de la profession afin de poursuivre ce travail, voir comment la situation évolue et, au besoin, prendre les mesures nécessaires."

LE CAS PARTICULIER DE NEUCHATEL

En 2005, 123 étudiants domiciliés dans le canton de Neuchâtel ont achevé leur formation au sein de la Haute Ecole pédagogique (HEP) Bejune. Cette année, seuls 72 Neuchâtelois ont reçu leur diplôme (celui qui permet d'enseigner au niveau de l'école obligatoire et du secondaire 2).

Ces deux chiffres mettent en lumière une problématique soulevée par Pierre Graber, président du Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois, qui est la suivante: certes, depuis 2008, la HEP enregistre une hausse à peu près constante du nombre d'étudiants. Mais cette augmentation est due au nombre toujours plus élevé d'étudiants bernois et jurassiens (qui ont par ailleurs la possibilité d'enseigner dans le canton de Neuchâtel). Ainsi, en dix ans, la proportion de Neuchâtelois a passé de 61% à 41% des effectifs. Un pourcentage qui ne reflète pas (ou plus) le rapport démographique.

En résumé, les chiffres tendent à montrer que l'attractivité du métier - respectivement l'attractivité de la HEP - a baissé ces dix dernières années dans le canton de Neuchâtel. Et que le risque de pénurie y est plus grand que dans les cantons de Berne et du Jura. (mis en évidence par le SAEN)

Cette situation explique en outre pourquoi tous les jeunes diplômés neuchâtelois de la HEP ont trouvé un emploi à plein temps ou à temps partiel à la rentrée d'août 2014. PHO

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