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Mon métier, ma force

Soumis par Myriam Facchinetti le 21 décembre 2018
Beau cadeau

Quand tu deviens enseignant, tu devines que la tâche sera pénible, entre des élèves en difficultés, des parents plus ou moins compréhensifs, un système scolaire parfois malaisé à comprendre, des autorités qui tentent de valoriser l’enseignement sans en avoir les moyens financiers.

Tu devines que ta fonction comportera des jours heureux, quand Noé viendra à ton bureau et déchiffrera sa première lecture, quand Juliette comprendra les calculs en colonne, quand ta direction accordera du soutien intensif pour ton élève ukrainienne, quand ta collègue déposera un chocolat dans ton casier, car elle t’a vue te réfugier aux toilettes pour y pleurer.

Le problème, c’est quand les difficultés surpassent les bonheurs. Quand tu te lèves le matin avec une boule dans la gorge, quand tu parviens à peine à sortir de chez toi, quand tu peines à tourner la clé dans la serrure de ta classe, parce que tu sais que les écueils sont si nombreux que tu ne vas bientôt plus pouvoir y faire face.

Un jour, du haut de ses 7 ans, un enfant en intégration très difficile dans ma classe de 21 élèves (4e année) a menacé de me tuer. Oui, me tuer. Rien que ça !

Ce jour-là, j’ai pris conscience que les jours heureux disparaîtraient peut-être et que le métier que j’idéalisais, celui qui m’avait apporté tant de tracas, mais aussi tant de satisfactions ne pouvait décemment pas prendre ce chemin. Il fallait agir.

J’ai alerté ma direction. Je n’ai pas écouté l’éducatrice qui me demandait de comprendre le mode de fonctionnement « différent » de cet enfant. J’ai pleuré, frustrée de me dire qu’un seul élève allait réussir à priver les 20 autres de leur maîtresse bienveillante, sacrifiée sur l’autel de l’intégration à tout prix. J’ai laissé sortir ma colère, à la salle des maîtres, là où l’écoute est la meilleure. Pendant plusieurs jours, je n’étais plus moi-même, je n’arrivais plus à enseigner, mon corps était en classe, mais plus mon esprit. Frustration totale.

Cet élève a maintenant quitté ma classe. Mais il a emporté avec lui une partie de moi : ma confiance en mon enseignement et en ma capacité à embarquer avec moi tous mes élèves (dyslexiques, TADAH1, dyspraxiques, hyperactifs, HP...) pour le voyage vers l’autonomie et la connaissance.

J’en ai pleuré devant mes élèves, m’excusant de ne plus réussir à être la maîtresse que je voulais pour eux. Je ne me reconnaissais plus.

Et un jour, alors que j’étais à la journée syndicale, deux de mes élèves, chez elles, sans que rien leur soit demandé, sont allées chercher sur internet un poème qui pourrait refléter ce qu’elles pensent de moi et l’ont écrit sur une feuille qu’elles m’ont offerte.

Alors aujourd’hui, je SAIS, je ne devine plus.

Peu importent les embûches, les colères et les frustrations, ma force, c’est ça : le regard bienveillant que les élèves me portent, au-delà de mes faiblesses et des difficultés rencontrées.

Je peux continuer à aimer mon métier et puiser ma force dans ces victoires.

1 Trouble du déficit d'attention avec ou sans hyperactivité

Publié le
ven 21/12/2018 - 10:53