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Portables à l’école, le temps de la disgrâce.

Soumis par SAEN le 13 août 2009

De moins en moins attentifs au tableau noir pendant les cours, les élèves préfèrent se consacrer à un autre écran tactile : celui de leur téléphone. En réponse à une exaspération montante, la France s’est dotée d’une nouvelle loi interdisant désormais aux portables de franchir l’enceinte des écoles. Une disposition qui a le don de délier les langues en Suisse.

Avec la fragilisation du tissu social, les outils modernes de communication (électroniques pour les plus enthousiastes, virtuels pour les plus pessimistes) sont souvent perçus comme un substitut affectif. En cela, le téléphone portable a constitué l’un des centres névralgiques de cette révolution des mœurs. Jusqu'à se retrouver dans les cartables des plus jeunes et devenir un acteur incontournable des cours de récréations.

Qui pourrait nier l’évidence ? «Le portable est devenu un outil indispensable pour l’enfant» constate Denise Eyholzer, chargée de communication de l’association Pro Juventute. «Il lui permet d’établir une relation sécurisante avec ses parents malgré la distance, mais aussi de prévenir l’école en cas de retard».

Mauvaise réputation.

Depuis quelque temps toutefois, ce condensé de plastique et de circuits imprimés ne fait pas parler de lui qu’en bien. Avec les développements tentaculaires des fonctions de l’objet, tout un éventail d’activités, autres que celle de passer un banal coup de fil, s’offre à ceux qui tiennent un téléphone portable entre leurs mains. Comme jouer aux cartes. Surfer sur internet. Ou filmer des actes de délinquance plus ou moins aggravés pour les mettre à la vue de tous sur la Toile. Problématique lorsque tout ça se déroule à l’école…

Du plomb dans l’aile donc. Des professeurs mécontents. Des élèves dissipés, voire poursuivis en justice pour avoir immortalisé le tabassage de leur enseignante. A tel point que les législateurs français sont montés au créneau en interdisant purement et simplement d’apporter son téléphone au sein des établissements scolaires. Un objet banni. Devenu soudain aussi indésirable qu’un cutter ou un revolver.

L’école, un lieu à part.

Une mesure spectaculaire que justifie Philip Jaffé, directeur de l’Institut Kurt Bosch et Professeur en Droit de l’enfant. «L’enceinte d’une école est avant tout symbolique. Elle signifie l’entrée dans un lieu consacré à l’instruction, où l’enfant doit être totalement réceptif afin d’acquérir des connaissances dans les meilleures conditions».

Difficile en effet de mener convenablement un cours si des sonneries diverses (des tubes à la mode au paquebot larguant les amarres) viennent parasiter les explications du professeur, ou si des envois de SMS massifs font oublier qu’une équation est en train de se résoudre au tableau. Dans les écoles suisses, le règlement stipule que les portables doivent être impérativement éteints dès que l’on pénètre dans une classe. Un bon sens qui semble faire l’unanimité.

Mais tout en étant dédié à la formation de l’esprit, l’école ne se résume pas à un glissement de savoir de l'enseignant à l’élève. Elle permet l’apprentissage du lien social. La convivance. Participer à un vrai dialogue en somme. Et échanger. «Les enfants qui passent beaucoup de temps sur leur téléphone se coupent du monde qui les entoure, c’est un comportement improductif», regrette le Dr. Jaffé.

Quels moyens pour quels résultats ?

Il se montre par ailleurs tout à fait emballé par la loi qui vient de passer dans l’Hexagone, reconnaissant une excellente idée. Un jugement partagé par la majorité des lectrices et lecteurs des Quotidiennes qui ont voté pour le débat, avec près de 90 % d’avis favorables.

Le directeur de l’Institut Kurt Bosch encourage maintenant la Suisse à suivre l’exemple. «Cette mesure est nécessaire tout simplement parce que l’Etat à un devoir de protection de l’enfant. On reproche souvent à l’école de ne plus assumer son rôle d’éducateur et de guide. Devant de tels problèmes, elle doit se montrer ferme et imposer clairement ses exigences».

Une position qui n’est pas une voix seule dans le désert. Le canton de Zurich, à l’instar d’autres cantons alémaniques, s’est déjà mis à plancher sur la question.

Cependant, au goût d’autres intervenants, légiférer pour un cas de ce genre est un peu trop extrême. Pour l’Association Pro Juventute, le recours à l’interdiction systématique maquille le vrai problème. «Nous considérons que cette loi est inutile. Le guide du savoir-vivre avec son portable ne doit pas être édicté par les hommes politiques mais par les parents. C’est à eux qu’incombe la bonne éducation de leurs enfants, même si les professeurs doivent ensuite continuer le travail en fixant des règles dans leur classe».

Un jugement pleinement partagé par le Responsable de la Direction Générale de l’Enseignement Primaire, Bernard Riedweg, qui voit dans le portable «un objet devant être utilisé avec discernement». Aux géniteurs de faire en sorte que le téléphone puisse passer en arrière-plan quand la situation le demande.

Effectivement, comme le soulignait avec malice un internaute, bien éduquer ses enfants n’est pas encore interdit.

Nicolas Poinsot

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