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Pour Jean Studer, les communes ont besoin de montrer qu’elles existent

Soumis par SAEN le 19 novembre 2009

«La contestation des communes, d'une certaine manière, c'est d'abord une façon pour elles de rappeler qu'elles sont là, qu'elles existent.»

Propos tenu hier par Jean Studer. Le président du Conseil d'Etat répond aux critiques adressées au gouvernement par l'Association des communes neuchâteloises.

Président du Conseil d'Etat, Jean Studer n'a pas vraiment goûté les virulentes critiques de l'Association des communes neuchâteloises. Selon elle, non seulement le gouvernement ne consulte pas les communes, mais son projet de budget 2010 prévoit un report de charges sur celles-ci, report que l'association qualifie d'inacceptable (notre édition d'hier).

Au-delà des aspects factuels (lire ci-contre), le chef du Département de la justice, de la sécurité et des finances analyse la crise actuelle.

La prise de position des communes vous a-t-elle fâché?

Non. Je cherche surtout à la comprendre. Et je me demande comment le citoyen perçoit ce différend. Il y voit sans doute des conflits de pouvoir, voire de personnes. Il se demande pourquoi les autorités se disputent. Cette interrogation est légitime. Elle l'est d'autant plus que la majorité des citoyens ne se préoccupent généralement pas de savoir qui de l'Etat ou de sa commune fournit les prestations dont il a besoin. Or, au travers des critiques émises par les communes, je me demande si la manière de percevoir le rôle des collectivités publiques n'est pas mal ressentie par ces mêmes autorités communales. Ces critiques témoignent peut-être, de manière sous-jacente, de l'évolution de la répartition des rôles.

Que voulez-vous dire?

Le champ d'action des autorités communales, ces dernières années, a considérablement diminué. Prenez les trois villes: avec la cantonalisation d'un certain nombre de tâches, elles ont «perdu» les hôpitaux, l'enseignement supérieur, les Services industriels, tout ou partie de la police... En quatre ans, le budget de la Ville de Neuchâtel a passé de 533 à 248 millions de francs, celui de La Chaux-de-Fonds de 366 à 236 millions. Il y a là, forcément, quelque chose de déstabilisant, et cela d'autant plus que ces transferts de tâches ont été réalisés sans que la vie sociale de notre canton s'en trouve vraiment perturbée. En plus, les autorités communales se rendent compte qu'il s'agit d'une évolution inéluctable. Comme est inéluctable la tendance au regroupement ou à la fusion des communes.

Selon vous, les communes chercheraient en fait à défendre leur pré-carré?

On peut dire les choses comme cela, dans la mesure où leurs oppositions répétées à certains choix de l'Etat correspondent à une forme de résistance. Lorsque nous sollicitons l'avis des communes et qu'elles choisissent de ne pas venir (réd: lire ci-contre), c'est pour elles une manière de rester maîtres de leur destin. La contestation des communes, d'une certaine manière, c'est d'abord une façon pour elles de rappeler qu'elles sont là, qu'elles existent. C'est une manière de se définir un avenir à un moment où leurs autorités se sentent un peu perdues.

Si ce que vous décrivez correspond à la réalité, vous comprenez la réaction des communes?

Oui, car je sais à quel point la fonction de conseiller communal prend un temps énorme, le plus souvent au détriment de la vie professionnelle et familiale. J'ai un profond respect pour les conseillers communaux. Ils font un boulot de fou, cela alors que leur part de pouvoir ne cesse de diminuer. A mes yeux, c'est d'abord dans cette évolution de leur pouvoir, et dans ses conséquences du point de vue psychologique, qu'il faut chercher les raisons de l'attitude des communes. Il y a deux pouvoirs, dont l'un, en quelque sorte, se rend compte qu'il est de moins en moins adapté à l'évolution de la vie sociale. /PHO

«Elles souhaitaient réfléchir de leur côté»

Jean Studer, est-il exact que les communes n'ont pas été consultées?

Le Conseil d'Etat aurait aimé les entendre, mais malheureusement, elles n'ont pas vraiment répondu à notre invitation. Nous les avons conviées le 14 mai pour une première séance de travail sur une nouvelle étape du désenchevêtrement des tâches entre l'Etat et les communes. A notre grande surprise, seul le président de l'Association des communes neuchâteloises (ACN) s'est présenté, et encore, sur notre insistance. Il nous a indiqué que les communes souhaitaient réfléchir de leur côté.

C'est-à-dire?

Leur réflexion débouchera, notamment, sur les états généraux des communes qui se tiendront à la fin de ce mois, démarche que le Conseil d'Etat salue et auquel il participera.

Après cette non-séance du mois de mai, qu'avez-vous fait?

Nous avons adressé un nouveau courrier à l'ACN pour faire part de notre étonnement et pour redemander que les communes nous fassent part de leur avis. Nous leur avons dit qu'il était difficile d'avancer ensemble si elles réfléchissaient de leur côté. Le problème, c'est qu'à cette époque, l'Etat ne pouvait pas attendre, puisqu'il devait respecter les échéances liées à l'élaboration du budget 2010.

A propos de ce budget, comment justifiez-vous le report de charges de 7,5 millions sur les communes?

Il s'explique principalement ainsi: le redressement financier des collectivités publiques neuchâteloises demande des efforts de la part de tous. Le canton, le personnel de l'Etat, les institutions et beaucoup d'autres encore ont fait de gros efforts ces dernières années. Prenons l'exemple du désenchevêtrement des tâches: le canton a dû injecter 60 millions de francs de plus que prévu. Et je ne vous parle pas de nombreuses autres dépenses que l'Etat a prises à son compte. Pendant toute cette période, alors que le canton tirait le diable par la queue, les communes ont été préservées, voire ont bouclé sur des comptes bénéficiaires. Certaines ont même choisi de diminuer leurs impôts. Il est dès lors logique et légitime qu'elles participent elles aussi à l'effort de redressement. Ces 7,5 millions ne représentent, en moyenne par commune, que 0,77% de leurs charges. /pho

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