Aller au contenu principal

Projet PISA : pas de conclusions hâtives!

Soumis par Jean-François Kunzi le 15 janvier 2002

Le 4 décembre dernier, au cours d'une conférence de presse organisée à l'échelon national, la CDIP* a dévoilé les résultats principaux de l'enquête PISA** sur les compétences de base des jeunes de 15 ans, menée auprès de 250'000 élèves, dans 32 pays, au printemps 2000.

Dans les trois domaines observés, les Suisses, toutes régions confondues, ont obtenu des résultats qu'on peut qualifier de moyens en lecture (compréhension de texte) ainsi qu'en sciences et de bons en mathématiques.

A l'issue de leur scolarité obligatoire, nos jeunes sont-ils " préparés pour la vie " ? En l'état, les premières données générales fournissent, certes, déjà de précieuses indications. Mais, si on entend les exploiter pleinement, elles méritent une analyse plus fouillée. On ne saurait, comme l'ont pourtant fait certains journalistes et certains pourfendeurs de l'école, mettre immédiatement en cause les réformes opérées, en particulier cette dernière décennie ?

Les principaux résultats de l'enquête PISA pour la Suisse romande, détaillés canton par canton, ne seront divulgués que le 31 janvier prochain, au cours d'une conférence de presse convoquée par la CIIP (Conférence Intercantonale de l'Instruction publique de Suisse romande et du Tessin). Il me paraît important et normal que les associations ou syndicats d'enseignants, partenaires reconnus des autorités cantonales ou romandes, en soient informés directement, voire en primeur, et non pas à travers le miroir déformant des médias.

Quel organe d'information donnera, en effet, le compte rendu d'un rapport tel que celui de PISA sans l'assortir d'un commentaire dans lequel transparaîtront forcément l'interprétation personnelle, les représentations voire les convictions, donc la subjectivité de son auteur ?

Au cours du " 19.30 h. " du 4 décembre dernier, Darius Rochebin mentionne les performances des élèves suisses en lecture et en sciences en les qualifiant, sans aucune explication, de " médiocres ".

Anna Lietti, dans " Le Temps " du 5 décembre, titre son article : " En Suisse, un élève sur cinq sait à peine lire en fin de scolarité ". Dans l'amorce, elle relève : " Les résultats, inquiétants, désignent un système éducatif qui creuse l'écart social. Dans l'éditorial qu'elle a également signé, elle incrimine directement la réforme de l'enseignement renouvelé du français.

Dans le même journal, récemment, suite à la publication des résultats de PISA, un lecteur, doyen HEC de l'Université de Lausanne, stigmatise l'école obligatoire. Celle-ci forme des étudiants contestataires qui osent discuter les pratiques évaluatives de leurs professeurs leur manquant ainsi de respect. De plus, elle ne remplit pas sa mission en ne catégorisant pas les élèves selon les lois naturelles et, surtout, en laissant croire aux moins doués d'entre eux qu'ils peuvent s'améliorer.

Sous la plume d'un universitaire, ce genre de propos me révolte ! Gardons-nous de ces jugements à l'emporte-pièce, de ces conclusions sommaires et hâtives. Mais ne cherchons pas non plus à nous cacher la réalité ou à nous rassurer à travers des affirmations lénifiantes telles que : Notre pays obtient des résultats équivalents, voire légèrement meilleurs que ceux de nos voisins. Les Romands semblent plus à l'aise que les Alémaniques dans la compréhension d'un texte. Le modèle finlandais n'est pas forcément supérieur à presque tous les autres.

Dans les temps qui viennent, nous devrons absolument nous livrer à une analyse plus fouillée de l'enquête afin de cerner précisément les lacunes de notre système éducatif et de définir des stratégies pour y remédier.

Avant d'incriminer les réformes, celle du français en particulier, il s'agira d'abord de vérifier si les objectifs visés sont bien devenus des réalités ou si, en l'absence de volonté solidement affirmée, d'impulsions régulières, les intentions premières ne se sont pas complètement étiolées cédant la place aux anciennes pratiques qui, elles, avaient prétendument fait leurs preuves.

Il faudra aussi battre en brèche une idée reçue encore trop largement répandue. La lecture, prise dans le sens de compétence de compréhension, n'est pas une faculté qui s'acquiert uniquement pendant les premières années de la scolarité. On apprend à lire durant tout le temps de sa formation ! Il est capital que chaque enseignant en prenne véritablement conscience.

L'enquête PISA révèle, entre autres, deux éléments qui doivent sérieusement interpeller l'ensemble des partenaires. Notre système scolaire contribue à creuser les inégalités socioculturelles. Il désavantage les enfants issus de familles immigrées. Notre engagement en faveur d'une école publique fondée sur des valeurs républicaines comme la justice, l'égalité et la solidarité nous apparaît, aujourd'hui, pleinement justifié.

Nous sommes-nous montrés véritablement " professionnels " ? Avons-nous exigé des moyens avec suffisamment de force ? Sommes-nous prêts à montrer notre détermination en conduisant des actions spectaculaires ?

Jean-François Kunzi

*CDIP : Conférence suisse des Directeurs cantonaux de l'Instruction Publique.
**PISA : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (OCDE).
On peut se procurer gratuitement la synthèse du rapport national PISA (No de commande 474-0000) auprès de l'Office fédéral de la statistique - 2010 Neuchâtel (tél. 032/713.60.60 - fax. 032/713.60.61 - Internet : www.pisa.admin.ch).

Mots-clés associés