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Racket à l’école

Soumis par SAEN le 12 octobre 2018
Les enseignants qui sortent de la HEP BEJUNE ne sont pas tous logés à la même enseigne

Racket à l’école

BANCS D’ESSAI

Les enseignants qui sortent de la Haute Ecole pédagogique ne sont pas tous logés à la même enseigne dans le canton de Neuchâtel. Bisbilles dans la cour de récré pour des questions de salaire.

Le canton de Neuchâtel aime cultiver ses particularités. Les enseignants, par exemple, gagnent un salaire initial moindre que leurs collègues des cantons de Berne ou du Jura. Ils ont pourtant tous fréquenté la même Haute Ecole Pédagogique Berne Jura Neuchâtel, ou HEP BEJUNE. Autre caractéristique, les Neuchâtelois enseignent durant 29 périodes par semaine contre 28 pour leurs collègues hors canton. Et, enfin, ils se voient retenir 15 % de leur salaire pour les branches à option non suivies à la HEP. Aucun autre canton ne pratique de la sorte.

Prenons le cas de Walter*. Il a fréquenté la HEP de La Chaux-de- Fonds. Au début de sa formation, il doit choisir entre enseigner au cycle 1 (de la première à la quatrième Harmos) ou au cycle 2 (de la cinquième à la huitième Harmos). On explique alors à Walter que cela ne change rien et qu’il pourra enseigner de la première à la huitième. Il choisit donc le cycle 2 qui permet de donner des leçons d’anglais, ce qui n’est pas le cas dans le cycle 1. Il doit ensuite faire son choix, en sus de l’anglais, parmi la musique, les arts visuels ou la gym.

Walter suit son cursus de trois ans et est engagé au cycle 1, chez les petits. Surpris, il constate alors que les branches qu’il n’avait pas choisies à la HEP (gym et arts visuels en l’occurrence) lui sont payées avec une retenue de 15 %. « Ce n’était vraiment pas clair au départ. Nous avons suivi nos trois ans comme les autres et nous voilà pénalisés », relève Walter. Dans l’intervalle, la HEP a changé les règles et impose trois branches sur quatre au cycle 2.

On lui propose alors une formation supplémentaire pour les deux branches à la HEP, soit huit crédits et une taxe de 500 francs par semestre, soit 1500 francs plus les frais d’ouverture de dossier. « Pourquoi pas une journée de formation continue? », se demande Walter. « Si je ne sais pas grimper aux perches, est-ce important pour des “première année” ? Nous avons pourtant la même formation pédagogique ... », note-t-il. Il est convaincu qu’un appui utile et pratique sur le terrain serait bien plus profitable qu’un retour sur les bancs de la HEP.

Cette étrange retenue est une spécialité neuchâteloise. S’il enseignait dans n’importe quel autre canton — le papier y étant valable —, Walter serait payé normalement. Comme ils sont nombreux dans ce cas, ils ont refusé cette formation additionelle en bloc. C’est une question de principe.

COURS D’INJUSTICE

Il faut reconnaître qu’au bout des deux ans, la HEP rembourserait rétroactivement les retenues. Ce qui ne rassure pas Pierre-Alain Porret, président du Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois (SAEN). Il rappelle que cette situation kafkaïenne concerne deux volées d’enseignants qui n’ont pas reçu une formation de généraliste complète à la HEP. Il précise qu’après la réaction des syndicats, le canton de Neuchâtel a mis sur pied un groupe de travail « qui est en train de préparer des modalités plus équitables pour permettre à ces enseignants de se former dans les branches qui leur manqueraient. Ce problème semble en voie de résolution. » Il y a donc du progrès par rapport à l’année précédente lorsque le SAEN avait pris position en parlant de « mesquinerie salariale ».

Jean-Claude Marguet, chef du Service de l’enseignement obligatoire, défend la politique cantonale. « Les étudiants ne sont pas moins formés qu’avant mais il y a plus de disciplines qu’auparavant et il n’est pas possible de les former dans toutes les disciplines. » Pour lui, il s’agit de questions de qualité de l’enseignement et de responsabilité. Il cite le cas d’un accident lors d’une leçon de gym et évoque aussi « l’équité par rapport aux enseignants titrés dans la discipline concernée; une personne qui enseigne une discipline doit être formée pédagogiquement pour le faire. »

Neuchâtel a mal à ses finances et le corps enseignant se demande si cette retenue n’est pas un moyen détourné pour économiser quelques milliers de francs. Dans les salles des maîtres, on peint toujours le tableau en noir.

Jean-Luc Wenger

*Nom connu de la rédaction

Source (PDF)

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Publié le
ven 12/10/2018 - 16:57