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Revaloriser les enseignants du cycle 1, à tout prix !

Soumis par Myriam Facchinetti le 25 octobre 2019
Photo de Lukas (Pexels)

Oui, notre métier a changé ! En une vingtaine d’années, il s’est modifié, cristallisé parfois sous une forme inconfortable et difficilement acceptable.

Permettez-moi de vous présenter la réalité du cycle 1 (pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas encore), puisque c’est la mienne, depuis presque 20 ans.

Au début du cycle, on accueille des élèves tout frais, tout innocents. La plupart d’entre eux n’ont jusqu’alors fréquenté que les jupes de leurs mères. Dans le meilleur des cas, ils ont une vague idée de la vie de groupe pour avoir été dans une garderie ou une crèche. Ils débarquent ainsi dans le monde impitoyable qu’est l’école, vierges encore du regard aiguisé et du jugement diagnostique qu’on portera sous peu sur eux. L’élève de 1re année est la 8e merveille du monde pour ses géniteurs, celui qui porte les espoirs de toute une famille, qui emporte tous les suffrages. Un enfant-roi, sacré meneur de son petit monde, extraordinaire.

Il rencontre alors sa première maîtresse ou son premier maître. Tout ce petit monde pétri de bonnes intentions part sur de bonnes bases, persuadé que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais parfois, l’histoire tourne mal : l’enseignant·e peut rapidement déceler des difficultés, plus ou moins importantes et se doit d’en avertir les parents. Pour ceux-ci, c’est souvent le choc : leur bébé, leur chair, leur « futur roi de Westeros1 » a montré ses vulnérabilités, ses limites, déjà. Comme c’est leur première confrontation aux difficiles réalités du monde scolaire, souvent, très souvent, trop souvent, le déni s’impose à eux. Impossible, intolérable pour eux d’accepter qu’une personne qui ne connaît pas leur progéniture puisse se permettre d’émettre un jugement aussi péremptoire et dégradant.

Les années 1 et 2 sont ensuite une succession de rencontres, de mises à plat d’évidences, de recherche de solutions, de signalements à des spécialistes, afin que l’élève en difficulté puisse traverser ce premier cycle sans y laisser trop de plumes, ni de motivation.

L’entrée en 3e année constitue la phase 2. Avec l’apprentissage plus pointu de la lecture, la mise en place de stratégies d’apprentissage et d’autonomie plus approfondies, il est appréciable pour les enseignant·e·s que le plus gros du travail ait déjà été fait par leurs prédécesseur·es. Les parents restent néanmoins réticents, la pilule demeure difficile à avaler et la multiplication des réseaux, des entretiens et des coups de téléphone ne peut rien y changer.

L’enseignant·e du cycle 1 se bat tel un beau diable, au volant de son chasse-neige, met tout en œuvre, de tout son cœur, pour que celles et ceux qui lui succéderont au cycle 2, puis au cycle 3, puissent profiter de pistes balisées à souhait.

Attention, je ne dis pas là que les enseignant·es du cycle 2 ne font rien ! Surtout pas ! Je signale simplement qu’au cycle 2, la machine est déjà bien lancée et que les enseignant·es peuvent sans difficultés s’appuyer sur l’immense travail qui a été fait au cycle 1.

On dénigre trop souvent les enseignant·es du cycle 1. On ne leur octroie que peu de crédit, car c’est si facile de s’occuper de « ces petits ». Leur salaire n’est d’ailleurs toujours pas adapté à la mesure de la pénibilité de leur travail. Pourtant, les obstacles rencontrés entraînent parfois un grand épuisement, une démotivation et une perte de confiance en ses capacités à enseigner.

Et puis, non, les enfants ne sont pas plus pénibles qu’il y a quelques dizaines d’années. Mais le métier d’enseignant s’est diversifié : il n’est plus possible de se limiter à transmettre des connaissances aux élèves, il faut maintenant observer, soutenir, diversifier et, surtout, savoir revoir ses exigences à la baisse pour ne pas perdre pied.

Abandonnez donc tout regard condescendant sur les enseignant-e-s du cycle 1 : ces « petites maîtresses » et « petits maîtres » méritent toute votre admiration !

1 Référence à Game of Thrones, série à succès (2011-2019)

(PDF)

Publié le
ven 25/10/2019 - 00:22
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