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Sommes-nous vraiment aussi incompétents?

Soumis par Jean-François Kunzi le 24 novembre 2006

Genève ne détient pas le monopole des offensives contre l’école et plus précisément contre la scolarité obligatoire. En France, on s’en prend, avec une virulence inouïe, relayée par le ministère de l’Education, à la méthode de lecture « globale ». Un inspecteur a été suspendu de ses fonctions parce qu’il a osé contredire le ministre en apportant quelques considérations plus nuancées.A l’origine de ces attaques, on trouve, le plus souvent, des enseignants de formation universitaire appartenant au secondaire 2. L’école qu’ils décrient, sans relâche, à l’aide d’arguments simplistes, fallacieux et démagogiques n’est-elle pas le résultat de notre travail et de notre engagement quotidiens ? N’est-ce pas nous qui, finalement, sommes directement visés ? Ne remettent-ils pas fondamentalement en cause la qualité de notre enseignement ?

Dans le canton de Genève, on remettra des notes puisque le bon peuple en a décidé ainsi. Alors … il faut se faire une raison. Il est parfois nécessaire d’accepter de régresser pour progresser plus sûrement ensuite. Sans doute, dans quelques années, la population qui a soutenu l’initiative réalisera qu’elle a été dupée, que le retour à un système où seule l’évaluation sommative compte s’avère insatisfaisant pour décrire, avec une certaine précision et une certaine fiabilité, les compétences et les connaissances d’un élève et pour permettre à chaque enfant d’aller dignement au bout de ses capacités.

Plus grave m’apparaît la vision passéiste et antirépublicaine des détracteurs patentés de l’école publique. A travers des attaques perfides et calomnieuses, ils s’acharnent à discréditer une institution qui, respectueuse des lois qui la fondent, s’emploie à gommer au maximum les inégalités sociales et culturelles. Les résultats de l’enquête « PISA 2000 », confirmés par celle de 2003, démontrent, non pas la faillite du système comme certains veulent absolument nous le faire croire, mais bien l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir. Ils ciblent précisément l’effort à fournir.

Reste à manifester clairement la volonté forte d’améliorer une situation dramatique pour 20% d’écoliers. En réclamant un retour à un bon vieux temps mythique ? En stigmatisant les méthodes, les plans d’études, les moyens d’enseignement, les chercheurs ?

En France – mais on a aussi perçu de semblables velléités, chez nous, voici quelques années – on tire à boulets rouges sur la méthode de lecture globale, accusée, péremptoirement, de tous les maux. A cause d’elle, trop d’élèves ne savent ni lire, ni écrire, ni comprendre un texte simple. Mais existe-t-il un seul pédagogue digne de ce nom qui, constatant qu’elle était totalement inadaptée, aurait continué à l’utiliser servilement ? Le ministre de l’Education, Gilles de Robien, en publiant une circulaire interdisant catégoriquement l’emploi de cette méthode, s’est empressé de déclarer que les enseignants n’étaient nullement en cause. Malheur à l’inspecteur qui a osé prétendre que la problématique s’avérait plus complexe ! Il a été suspendu. Le régime soviétique aurait-il encore des émules ?

Qui sont les doctrinaires qui triomphent, les Fouquier-Tinville de l’école publique ? Souvent des universitaires ayant choisi l’enseignement et exerçant leur activité au secondaire 2. Mais on trouve aussi un médecin ! Que connaissent-ils de la réalité d’une classe enfantine ou primaire ? Quelle légitimité ont-ils pour juger l’activité qui s’y déroule, la qualité du travail qui y est accompli, l’efficacité d’une méthode employée ? Pourquoi ne se remettent-ils pas en cause, eux ? Pourquoi ne s’adaptent-ils pas à la situation ? Il est facile d’imputer ses propres échecs à ses prédécesseurs !

L’école qu’ils vilipendent, c’est la mienne. Je la connais bien. Je suis conscient de son rôle capital. Je la sais perfectible et je m’efforce de contribuer à la rendre meilleure. J’y enseigne les yeux ouverts. J’y donne le meilleur de moi-même. Je m’en sens responsable. Je veux qu’on la respecte !

Les détracteurs patentés de l’école publique, à travers des attaques perfides et calomnieuses, s’acharnent à discréditer une institution qui, respectueuse des lois qui la fondent, s’emploie à gommer au maximum les inégalités sociales et culturelles.

Jean-François Kunzi

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