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Thurgovie projette d’enterrer le français

Soumis par SAEN le 2 avril 2016

ÉCOLE PRIMAIRE - Il serait le premier canton à repousser le début de l’enseignement du français au secondaire. Pour la ministre de l’Education Monika Knill, la Suisse romande a tort d’y voir un affront.


La Thurgovie a lancé la consultation d’un plan d’enseignement qui prévoit de supprimer l’enseignement du français à l’école primaire. KEYSTONE

Persiste et signe: le Gouvernement thurgovien propose de supprimer tout enseignement du français à l’école primaire et de le renforcer à l’école secondaire dès 2018. Il y a été contraint par une motion du Grand Conseil, a rappelé hier la conseillère d’Etat Monika Knill (UDC). «La cohésion nationale ne dépend pas de deux leçons de moins par semaine», a-t-elle justifié. «Avec un accent plus grand au secondaire, les connaissances des élèves seront aussi bonnes, voire meilleures.»

La Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et l’Association des enseignants alémaniques fustigent la décision, tandis que le département du conseiller fédéral Alain Berset ne se prononce pas pour l’instant.

«Je suis convaincue que nous avons trouvé une bonne solution. Notre projet ne représente absolument pas un affront contre la Suisse romande», a insisté Monika Knill hier à Frauenfeld, lors de la présentation du projet gouvernemental. La solution en question: les élèves commenceront à apprendre le français en 9e (numérotation HarmoS), avec cinq leçons par semaine, en auront cinq également en 10e puis quatre en 11e. Il ne sera plus possible d’être dispensé de français, ont encore précisé les responsables thurgoviens. En réalité, une dispense reste possible, pour les élèves les plus faibles, en dernière année. Les échanges linguistiques seront encouragés et soutenus.

Monika Knill ne craint pas de violer la Constitution fédérale, qui prévoit l’harmonisation «de la durée et des objectifs des niveaux d’enseignement en Suisse». «Il y a différentes opinions juridiques à ce propos», souligne-t-elle. «Je suis convaincue que notre voie est quand même conforme à la Constitution».

Des fossés redoutés

Ce n’est pas du tout l’avis de Christoph Eymann (Parti libéral-démocratique), conseiller d’Etat et conseiller national bâlois, président de la CDIP. «Il y aura une réaction de la Confédération», prédit-il. «Je n’en suis pas heureux, mais je peux la comprendre, puisque la ligne fixée n’est pas respectée. Je crains toutefois qu’une votation sur une éventuelle révision de la loi sur les langues ne crée des fossés en Suisse.» En l’état actuel, la loi sur les langues prévoit que les élèves doivent avoir de bonnes connaissances au moins dans une langue nationale au terme de leur scolarité, mais elle ne précise pas quand son apprentissage doit commencer.

Interpellé à de nombreuses reprises depuis le vote du Grand Conseil thurgovien, le conseiller fédéral Alain Berset (PS), chef du Département fédéral de l’intérieur (DFI), n’a eu de cesse d’affirmer que «l’apprentissage d’une deuxième langue nationale dès l’école primaire avait une importance capitale pour la cohésion nationale», rappelle la porte-parole du DFI Ariane Geiser.

Lors du vote de la CDIP à Bâle fin octobre 2014, Alain Berset avait même été plus loin et déclaré que la Confédération interviendrait si un ou plusieurs cantons supprimaient le français à l’école primaire. Il a aussi récemment écrit à la CDIP, indique Christoph Eymann: «Nous sommes priés de fournir notre analyse de la situation d’ici à fin juin. Notre comité se penchera sur la question en mai.»

Crédibilité en jeu

Pour Beat Zemp, président de l’Association des enseignants de Suisse alémanique, «Thurgovie a clairement franchi la ligne rouge et Alain Berset devra intervenir, sous peine de ne pas être crédible». L’enseignant ne craint pas qu’une votation divise le pays: «Les fossés, dit-il, nous les avons maintenant, avec l’affaiblissement du français à l’école. Car il s’agit aussi d’apprendre à aimer une langue. A l’adolescence, les élèves sont tellement intéressés par la culture anglo-saxonne qu’il est difficile de leur faire commencer et apprendre une autre langue que l’anglais.»

En Thurgovie, une initiative cantonale a déjà été déposée contre le nouveau Plan d’études. Si elle était acceptée, le nouveau concept d’enseignement du français, qui en fait partie, «sera repoussé», indique l’administration cantonale.

Par Ariane Gigon

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