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Un laboratoire scolaire grandeur nature

Soumis par SAEN le 12 janvier 2010

Le gouvernement doit se prononcer sous peu sur le projet d'une école pilote qui testera des innovations pédagogiques. Tous les 400 élèves, du jardin d'enfants à la dernière année de scolarité obligatoire, participeront à l'expérience, qui mise avant tout sur un appentissage individualisé

Zoug ne veut pas se profiler que comme un champion de la fiscalité basse. Le canton aimerait aussi jouer un rôle pionnier dans le domaine de l'éducation, avec un projet de laboratoire scolaire de grande envergure. Une école entière, soit 400 enfants du jardin d'enfants à la fin de la scolarité obligatoire, pourrait tester sur plusieurs années diverses innovations pédagogiques en parallèle.

«L'idée nous est venue il y a deux ans déjà. Jusqu'à maintenant, les projets que nous avons testés, comme par exemple l'introduction de l'anglais au primaire, se concentraient sur un seul point. Avec notre projet d'école innovante - c'est le nom que nous lui avons donné -, nous avons l'occasion de prendre le cursus scolaire dans son ensemble», explique Patrick Cotti, chef du Département de l'instruction publique et membre de la Liste alternative.

Qu'attend-il en particulier de ce laboratoire grandeur nature? «Il faut arrêter avec une organisation prussienne de l'école, où tous doivent faire la même chose en même temps. Les élèves doivent pouvoir avancer à leur rythme.» Publicité

Le défi de l'hétérogénéité

Werner Bachmann, chef de l'Office de l'école obligatoire du canton, précise: «Un des grands défis de l'école actuelle est son hétérogénéité. Nous misons avec l'école innovante sur un apprentissage individualisé. Le projet prévoit d'abandonner les classes séparées selon les âges. Et d'encourager les enfants à apprendre par eux-mêmes. Cela nécessite une autre organisation de la journée et une autre préparation des matières scolaires.»

Il n'est pas possible d'obtenir plus de détails pour le moment. Seul le Conseil de l'éducation, organe cantonal compétent pour les questions scolaires, a donné en décembre son feu vert au projet, préparé avec l'aide de la Haute Ecole pédagogique de Zoug. Le concept détaillé est réservé au Conseil d'Etat, qui doit se prononcer dans les prochaines semaines. S'il dit «oui», les communes intéressées pourront faire leur offre. Car l'idée n'est pas de créer une structure scolaire nouvelle, mais de démarrer avec un établissement existant. A la fin de la scolarité obligatoire, les élèves doivent atteindre les objectifs fixés dans le plan d'études cantonal.

Zoug s'est inspiré du modèle allemand de Bielefeld et de son école laboratoire rattachée à l'université. Depuis 1974, de nombreuses réformes scolaires ont vu le jour dans la ville de la Ruhr. L'école, qui ne donne pas de note et ne connaît pas de sélection en diverses filières, a la réputation d'être un bastion de pédagogues gauchistes. Mais elle a aussi surpris en se pliant aux tests PISA et en obtenant des résultats supérieurs à la moyenne, sauf en mathématiques.

Pourquoi Zoug, avec une solide majorité de droite, voudrait-il s'inscrire dans cette tradition? «Nous ne copions pas Bielefeld. Mais sans courage, on n'arrive à rien. Le Conseil de l'éducation (ndlr: qu'il préside de par sa fonction) est conscient qu'il va engendrer des tensions», répond le conseiller d'Etat Patrick Cotti. Lui qui n'est pas enseignant de formation, et qui a notamment dirigé pendant sept ans une des prisons du canton, a bon espoir de convaincre ses collègues au gouvernement: «Zoug a une chance de se profiler dans le domaine de la formation. Pour l'image du canton, c'est certainement très positif. Celui-ci, de par sa population et sa taille, est idéal pour tester une telle institution.» Publicité

Dans le meilleur des cas, l'école innovante de Zoug démarrera à la rentrée 2013. Mais elle doit encore passer plusieurs examens difficiles. Si une commune est prête à tenter l'expérience, et à la financer, le parlement cantonal sera alors saisi d'une demande de crédit. Et, si un référendum est lancé, le peuple votera. Les coûts totaux du projet, qui s'étendra sur sept ans au moins, sont estimés à un million de francs par an.

Réactions contrastées

Matthis Behrens, directeur de l'Institut de recherche et de documentation pédagogique à Neuchâtel, juge la démarche très intéressante: «C'est une bonne chose de se donner les moyens d'étudier des innovations dans un cadre large. Mais les acteurs doivent veiller à donner un message clair sur les buts poursuivis et les méthodes. Et d'un point de vue pédagogique, il faut être attentif aux élèves plus faibles, pour qui des structures plus rigides sont souhaitables.»
A l'intérieur du canton, les réactions sont mitigées. L'UDC a déjà annoncé son opposition sur toute la ligne. Le peuple vient de rejeter le concordat HarmoS, rappelle le parti. Le PDC est à peine mieux disposé. Il est fâché que le conseiller d'Etat Patrick Cotti ait fait part des plans du Conseil de l'éducation avant que le gouvernement se soit prononcé. Et le PDC doute que l'école ait besoin de nouvelles expérimentations. Les autres partis sont encore sur la réserve.

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