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Une jeune maitresse en route pour Noiraigue !

Soumis par Myriam Facchinetti le 25 juin 2021
Renée Junod-Udriet (M. Facchinetti)

Il existe des rencontres improbables, des retrouvailles émouvantes. Ce mardi ensoleillé, Renée Junod-Udriet m’accueille avec son légendaire et lumineux sourire. Je ne l’ai pas revue depuis 1999, quand j’ai quitté l’école normale de Neuchâtel, où elle enseignait la littérature enfantine aux jeunes maitresses enfantines. Elle me présente sa bande dessinée Impromptus1 qui retrace ses trois premières années d’enseignement au Val-de-Travers.

Qu’elle est heureuse de me revoir! Et c’est réciproque! 22 ans ont passé, mais elle est la même que dans mes souvenirs: pétillante, avenante, passionnée. Elle me raconte la construction de cette bande-dessinée, sa merveilleuse rencontre avec Alessandra Respini, l’illustratrice, qui a su si bien mettre en image ses mots et son ressenti. L’ouvrage a pu prendre vie grâce au graphiste Marc-Olivier Schatzet et à l’impression faite par Olivier Attinger. Puis la COVID est arrivée. Une chute dans les escaliers a valu à Renée une fracture du fémur qui l’a immobilisée de longs mois. Toute la promotion de son livre a donc été stoppée net.

Mais revenons à cet ouvrage: vingt-quatre pages en noir et blanc, quelques touches de rouge, de vert et de bleu. C’est sobre et vivant, ça ressemble à Sempé sans en être. Ça donne envie de lire. Vingt-quatre pages qui racontent trois ans dans la vie d’une jeune enseignante à qui on a attribué une classe à Noiraigue, alors qu’elle s’attendait à travailler à Colombier. Surprise! C’est pour elle la découverte d’un monde à part: un appartement peu chauffé, au beau milieu d’un village pas forcément acquis à sa cause, et une commission scolaire récalcitrante au changement amené par une maitresse qui fréquente un homme et porte des pantalons, contrairement aux enseignantes rigides qui l’ont précédée.

Tout au long de ces vingt-quatre pages, on rit, on sourit. On admire le courage de l’enseignante qui ne s’est pas laissé démonter ou imposer des idées. On est reconnaissant, car ses idées ont permis d’instaurer de nouvelles bonnes habitudes. Ça se lit tout seul, ça se dévore et ça résonne: la vie d’une enseignante en 1959 était rude, tout comme elle peut l’être parfois en 2021.

Renée Junod-Udriet se prête au jeu de l’interview avec clairvoyance et malice

Renée Junod-Udriet

Enseignante, puis formatrice d’adultes à l’école normale, pourquoi avoir créé cette bande dessinée?

Renée Junod-Udriet: Cette histoire m’est restée coincée sur le cœur…

On avait décidé de me déplacer alors qu’à Colombier tout allait bien, ce n’était pas juste.

Je voulais écrire des nouvelles, et je me suis alors souvenue d’Alessandra, l’illustratrice, que je connaissais déjà: l’idée d’une bande dessinée est alors apparue.

Votre arrivée à Noiraigue en 1959 marquait un grand changement par rapport à l’enseignement qui vous a précédé. Mais d’après vous, quelle amélioration significative avez-vous pu amener dans ce village?

La vie! Les choses gaies! J’organisais des sorties malgré la peur des accidents. J’ai créé un coin bibliothèque, c’était la première fois qu’il y en avait un dans une salle de classe. C’était ça, la vie avec ces enfants: amener des nouveautés, oser.

Comment avez-vous réussi à garder le cap au milieu d’un village dans lequel vous étiez passablement rejetée?

Grâce aux enfants, ces enfants qui rapportaient nos rires et ma manière de fonctionner à la maison. Un papa d’élève, directeur d’une usine de pierres fines, est venu un jour râler et remettre en question mon enseignement, seulement cinq semaines après mon arrivée. Il voulait que je porte la responsabilité d’un éventuel échec de sa fille. Je ne me suis pas laissé faire! Finalement, cette petite fille a réussi son examen d’entrée à l’école secondaire. Je ne crains pas les gens, je dis ce que je pense.

illustration de l'album

Vous décrivez la commission scolaire de l’époque comme rétrograde et autoritaire. Pensez-vous que les jeunes enseignant·es aujourd’hui sont mieux loti·es?

C’est autre chose, maintenant. Les enfants ont plus de choses, sont gâté·es, se permettent de rouspéter, de ré- pondre. Les enseignant·es doivent prendre leur place, ne doivent pas se laisser faire, ne pas tout accepter. C’est difficile, mais il faut le faire!

Quel conseil pouvez-vous donner aux nouveaux et nouvelles enseignant·es de 2021?

Il faut absolument intéresser les enfants, leur donner confiance, les prendre où ils en sont. Il faut éviter les décrochages. Acceptez les enfants comme ils sont! Montrez-leur la vraie vie!

1 L’ouvrage est disponible à la librairie La Petite Prose à Boudry, à La Méridienne à La Chaux-de-Fonds, chez Payot et au Rat conteur à Neuchâtel, ainsi qu’au kiosque de Couvet.

Publié le
ven 25/06/2021 - 00:03
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