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Une pénurie d’enseignants menace la Suisse

Soumis par SAEN le 30 mars 2010

Les enseignants suisses passent bien plus d'heures face à leurs classes que leurs collègues des pays voisins. Et la menace de pénurie pousse les responsables à prendre des mesures. Constats tirés du Rapport sur l'éducation 2010, paru début février.

La Suisse est le seul pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) qui forme ses enseignants en trois ans, au lieu de quatre. C'est aussi le pays où les «profs» donnent le plus de leçons: entre 28 et 32 par semaine, contre un standard européen de 20 à 24 heures... (c'est nous qui soulignons - SAEN)

Ces comparaisons, les enseignants les brandissent pour pousser les autorités politiques à prendre des mesures. Surtout lorsqu'une pénurie se dessine. Or, dans de nombreux cantons, des enseignants sont déjà appelés à la rescousse et engagés à des postes pour lesquels ils ne sont pas formés.

«La pénurie la plus grave touche les classes difficiles, les adolescents du niveau secondaire 1, dans les mathématiques et les sciences naturelles, explique Anton Strittmatter, spécialiste de pédagogie de l'Association alémanique des enseignants (LCH). Le fait que moins d'hommes choisissent ce métier augmente la difficulté.»

Selon le Rapport sur l'éducation 2010, paru début février, les «taux de recrutement inadéquats» (enseignants ne disposant pas des qualifications requises pour le niveau considéré) varient de moins de 1% (Jura) à environ 16% (Lucerne). Genève ne connaîtrait pas le problème du tout et Vaud n'a pas fourni de données.

Un tiers de départs à la retraite

«On sait qu'un tiers des enseignants suisses prendront leur retraite ces cinq à dix prochaines années, précise Georges Pasquier, président du Syndicat des enseignants romands. Mais le problème ne se pose pas avec la même acuité partout. Il est plus accentué en Suisse alémanique, selon les régions.»

Les raisons des fluctuations sont diverses. L'introduction de nouveaux cours, une réduction des effectifs par classe, l'état du marché du travail ou encore une nouvelle réglementation peuvent influencer le besoin en professeurs. Sans compter, bien sûr, l'évolution démographique, très différente, elle aussi, d'une région, d'une ville à l'autre.

Beat Zemp, président de l'association LCH, s'inquiète également. Il a assisté, le 18 mars, à l'assemblée plénière de la Conférence suisse des directeurs de l'instruction publique (CDIP) où le sujet a été abordé. Selon les enseignants, les responsables politiques ont donné quelques signes positifs. «Mais j'ai quand même l'impression que certains responsables cantonaux n'ont pas encore reconnu la gravité de la situation dans toute sa mesure», note Beat Zemp.

Nouvelle formation

A la CDIP justement, Heinz Rhyn, chef du Département «développement de la qualité» réfute vivement la critique: «nous prenons le problème au sérieux! La crainte de pénurie est justifiée, surtout pour le secondaire 1.»

L'instruction étant l'affaire des cantons, et les problèmes étant très fortement marqués par les différences démographiques régionales, la CDIP ne peut pas cependant mener de campagne nationale pour le recrutement des enseignants.

En revanche, «pour ce qui relève de nos compétences, nous prenons des mesures, poursuit Hans Rhyn. Par exemple, l'élaboration d'une base légale pour la reconnaissance d'une formation qui permettrait aux diplômés du degré primaire d'enseigner au secondaire 1.

La Haute Ecole pédagogique de Zurich prépare déjà ce nouveau cursus, mais la CDIP part de l'idée qu'il sera aussi mis sur pied ailleurs. La conférence ne détermine pas les offres des écoles pédagogiques, mais peut assurer la reconnaissance des diplômes.

Salaires et formation

Selon Anton Strittmatter, il faut néanmoins des réformes encore plus profondes pour augmenter l'attractivité du métier d'enseignant. «Les salaires ne sont plus concurrentiels pour une jeunesse qui pense avec des critères économiques.»

La formation des enseignants reste une grande pierre d'achoppement entre les enseignants et les cantons. «C'est navrant, mais la CDIP ne veut pas aller au-delà des trois ans de formation actuels, fustige Georges Pasquier.» Genève est actuellement le seul canton à former ses enseignants en 4 ans.

«Nous réclamons aussi le master professionnel comme titre de sortie des HEP (hautes écoles pédagogiques), qui devraient devenir de véritables instituts de formation tertiaire. En Finlande, pays qui obtient d'excellents résultats dans les études Pisa, tous les enseignants, même ceux de l'école enfantine, doivent avoir un master.»

«Je crois surtout, conclut Georges Pasquier, que nous continuons à bricoler le modèle de base, qui est toujours l'école du 19e siècle, avec un maître pour une classe. Ce modèle visait à former une élite. Le système reste sélectif, alors qu'on devrait tout faire pour ne pas laisser les enfants sur le bord de la route...

Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch

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