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Une petite école bien paisible !

Soumis par Jean-François Kunzi le 25 août 2006

Alors que la vie paraît s’y écouler studieusement et paisiblement, l’orage, violent, s’abat soudain sur la petite école de campagne. Des parents refusent catégoriquement de continuer à y envoyer leur enfant si l’instituteur qu’ils accusent de maltraitance ne s’en va pas. Les ramènera-t-on à la raison ?Sur les hauteurs du Val-de-Ruz subsiste l’une des dernières écoles de campagnes du canton. Située en pleine nature, dans un environnement enviable de fermes dispersées et de pâturages, on y accède par une petite route. Loin du bruit et de l’effervescence de la ville, on y respire un ai plus pur. Ici, les saisons rythment encore des travaux agricoles. Elle regroupe, dans une même classe, tous les élèves de la scolarité primaire.

Un enseignant chevronné la conduit avec compétence, depuis fort longtemps. Il connaît tout le monde. Certains parents ont déjà été ses élèves. Il sait parfaitement gérer une classe à degrés multiples, fixer clairement les objectifs, évaluer, montrer les progrès et les lacunes, distribuer à chacun un travail personnalisé, motiver les enfants, les encourager, mais aussi, quand cela s’avère nécessaire les réprimander, les gronder d’une voix qui se fait alors plus forte et qui peut faire un peu peur. Il organise des fêtes, des voyages à travers la Suisse …

Bien que proche de la retraite, il a gardé son enthousiasme de débutant intact. On sent que sa profession le passionne toujours. Une jeune collègue vient le seconder pendant qu’il bénéficie de sa décharge.

Cette petite école ne réunit-elle pas tous les ingrédients pour être un paradis scolaire ? En regardant bien, on a presque l’impression de se trouver dans une version actuelle du célèbre film d’Henry Brandt « Quand nous étions petits enfants ».

Yves Yersin, le réalisateur, entre autres, des admirables « Petites fugues », ne s’y est pas trompé. Depuis plus d’une année, il repère les lieux, il s’installe dans la classe, il observe, il note, il s’enthousiasme …

C’est décidé. S’il parvient à réunir le budget, il tournera, ici avec ces « acteurs-là », un film qui pourrait être une suite de celui d’Henry Brandt.

Soudain, alors que tout paraît paisible et prometteur, un orage violent éclate. L’euphorie cède la place à l’étonnement puis à la consternation. Quelques parents accusent l’instituteur de maltraitance envers leur enfant. Pour preuve, ils allèguent des troubles psychiques provoqués par des peurs. Ils exigent le départ de l’enseignant. Devant le refus des autorités, ils demandent que les élèves concernés puissent poursuivre leur scolarité dans une classe de la vallée. N’obtenant pas gain de cause, ils déclarent qu’ils scolariseront eux-mêmes leur enfant.

Dans la région, la tension monte. Le climat devient délétère. Des pétitions favorables ou défavorables circulent. On profite de l’occasion pour régler certains comptes …

L’existence de l’école est menacée. L’enseignant vit des heures très pénibles. Au grand désespoir d’Yves Yersin, témoin privilégié qui conteste formellement la maltraitance, le projet de film risque d’être compromis.

L’attitude de ces parents n’est-elle pas inquiétante ? Sont-ils bien conscients qu’ils peuvent se tromper, avoir mal interprété des gestes, des paroles ? Ne donnent-ils la nette impression de conditionner leur enfant pour que celui-ci confirme voire amplifie leurs propres appréhensions, leurs propres peurs ? La virulence de leurs attaques ne démontre-t-elle pas qu’il se cantonnent dans un registre purement émotionnel ?

L’objectivité et la raison finiront-elles par l’emporter ? On ne peut que le souhaiter. On sait, depuis une retentissante affaire judiciaire française qui a conduit des innocents en prison, qu’il faut considérer avec une prudence extrême les témoignages d’enfants.

Jean-François Kunzi

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