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Vicky Colbert, l’âme d’Escuela Nueva

Soumis par SAEN le 29 octobre 2013

C'est l'une des femmes les plus décorées de la planète. Pourtant, la nouvelle lauréate du prix WISE n'a pas de page Wikipédia à son nom. Clara Victoria Colbert de Arboleda aime la lumière pour son travail et l'ombre pour elle-même.

La Colombienne Clara Victoria Colbert de Arboleda, dite Vicky Colbert, a créé la Fondation Escuela Nueva en 1988.

Celle qui, en inventant une nouvelle école (Escuela Nueva) adoptée par une vingtaine de pays, a changé la vie de 5 millions d'enfants, réussit à garder secrète jusqu'à sa date de naissance. La cofondatrice d'Escuela Nueva, « fellow » de l'association d'entrepreneurs sociaux Ashoka, se fait appeler « Vicky » et se réfugie, souriante et chaleureuse, derrière « le projet de sa vie ».

MILITANTE DE L'ÉDUCATION

En la rencontrant entre deux avions, on aurait pu espérer que le décalage horaire casserait l'armure de cette femme publique - elle a été vice-ministre de l'éducation (1982-1984) en Colombie. Quand, tâtant le terrain, on lui demande qui sont ses héros, elle fait répéter, refroidissant du même coup son interlocuteur pour les prochaines incursions en terre trop personnelle.

Et elle revient à son sujet, rappelant que ses vrais héros sont « tous les enseignants anonymes ». Evidemment, c'est sur eux qu'elle s'appuie pour créer son école. Un point pour elle. Il faudra bien des ruses pour amener cette sociologue à dévoiler le ressort qui l'a transformée en militante de l'éducation.

Sa vie commence aux Etats-Unis, même si c'est à Bogota qu'elle grandit, dans le giron d'une mère tôt veuve. Une enfance privilégiée, où la craie et le tableau noir sont des éléments familiers. « Ma mère était une enseignante merveilleuse. Elle travaillait en formation continue et a monté des centres de formation pour les enseignants. J'ai été bercée dans le respect de l'école, comprenant tôt l'application de ma mère à la rendre toujours plus efficace. » Aujourd'hui décédée, cette maman a allumé la petite flamme chez Vicky. L'école a élu la jeune Colombienne, autant que le contraire.

HONNEURS ET RÉCOMPENSES

Bachelière, elle décroche une licence à Javeriana University, à Bogota, avant de s'envoler pour la Californie et son incomparable université Stanford. Là, elle prépare deux masters, l'un en sciences de l'éducation, l'autre en éducation comparée. Son profil séduit la Banque mondiale, où elle débute sa carrière, avant de devenir responsable régionale de l'éducation pour l'Unicef. Mais, en 1975, sa vie bascule. En visitant des écoles rurales, Vicky rencontre Oscar Mogollon, un instituteur qui applique des pédagogies nouvelles et a fédéré une centaine d'écoles autour de sa méthode et de son charisme. Ensemble, ils se lancent dans l'aventure d'Escuela Nueva.

Quand cette femme, qui connaît les honneurs et cumule les plus hautes récompenses, refuse de se mettre en avant et rappelle que « c'est toute une équipe qui est à l'origine de cette révolution scolaire », c'est qu'elle n'oublie pas cet ami disparu en 2009. Pas plus que son époux, Jairo Arboleda, sociologue qui travaille avec elle depuis vingt-cinq ans. Depuis peu, une de leurs filles les a rejoints à la Fondation Escuela Nueva.

En effet, pour que son travail soit pérenne et ne dépende pas des gouvernements, Vicky Colbert a choisi de monter une fondation. Féministe dans l'âme, elle a su mener de front sa carrière et sa vie de mère, et se dit particulièrement fière d'avoir « contribué au leadership des filles ». En creux, c'est reconnaître qu'il n'a pas été aisé de mener cette double vie. Mais ça, Clara Victoria Colbert de Arboleda le cache aussi très bien.

LE MONDE | 29.10.2013 à 08h36 • Mis à jour le 29.10.2013 à 08h40 | Par Maryline Baumard

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