La régionalisation de l’école obligatoire est maintenant en place depuis 5 ans… Et il n’est sans doute pas exagéré d’affirmer que la balance entre avantages et inconvénients penche du mauvais côté! Nous étions pourtant prêts à donner sa chance à cette innovation succédant au règne des commissions scolaires.
Avant que rompe le maillon faible…
J’achève bientôt ma quatrième année à la présidence du SAEN. Cela coïncide donc pratiquement avec la mise en vigueur de la régionalisation de l’école neuchâteloise. Alors que je m’apprête à faire la connaissance d’une ultime volée d’élèves et à entamer une dernière année de syndicalisme actif, la recrudescence d’appels à l’aide de nos membres m’interpelle et m’amène à dresser une sorte de bilan de l’évolution de notre école.
S’il faut accorder du crédit aux statistiques, alors le phénomène est annonciateur de lendemains qui déchantent! J’ai en effet reçu autant d’appels au secours durant les trois derniers mois qu’au cours de l’ensemble des trois années précédentes. À croire que certains milieux, ayant peu goûté les grèves de l’automne dernier sont résolus à présenter la note aux enseignants et à bien leur montrer qui tient les rênes.
Dans un billet intitulé «Heurs et malheurs de la régionalisation»1, j’avais rappelé la perplexité du SAEN face à la volte-face politique de l’ère Gnaegi. Je concluais en affirmant qu’«Il est temps d’agir si l’on veut éviter que la régionalisation débouche sur une école neuchâteloise à sept ou treize vitesses! » Au passage, je relevais le fait que le Département semblait fort démuni pour intervenir dans les cas où des dysfonctionnements sont pourtant manifestes.
Quatre ans plus tard, nos craintes sont hélas avérées et les élèves font de toute évidence face à une inégalité des chances selon leur domicile. Au passage, signalons à qui ne l’aurait pas compris que cette iniquité concerne évidemment d’abord les enseignants, qui font tout leur possible — et souvent même davantage — pour préserver la qualité de vie et la progression de leurs élèves.
Nous avons déjà démontré que le canton de Neuchâtel excelle dans l’art d’offrir sans cesse de nouvelles prestations scolaires sans disposer pour autant des moyens nécessaires. Si l’on se penche sur les comparaisons intercantonales, on remarque immédiatement que la régionalisation de l’école est un luxe dispendieux. Depuis 2012, en deux ans, la masse salariale a ainsi progressé de 17 millions; si tout n’est pas imputable à la mise en place des nouvelles structures avec les doublons qui les accompagnent, c’est sans doute révélateur quand même.
Confronté aux défis budgétaires conjoncturels et politiques, le DEF s’est résolu à opérer des transferts de charges. Parmi ceux-ci, il en est un qui touche particulièrement les enseignants et la manière dont les 7 cercles régionaux sont gérés: la prise en charge intégrale des salaires des membres des directions par les communes2. Du coup, suivant l’adage «qui paie commande», certains conseillers communaux considèrent que la direction leur est soumise et mettent en place des principes de gestion inspirés du secteur privé, privilégiant notamment l’engagement de jeunes collègues, usant et abusant des contrats à durée déterminée. Certains parents sachant aussi exploiter cette soumission de l’école aux politiciens locaux interpellent directement la direction, voire le conseiller communal bienveillant, rechignant à se mettre des électeurs à dos.
Et à ce petit jeu, l’enseignant est tout simplement le maillon faible!
1 Educateur Nº8/2013
2 Jusqu’à fin 2015, l’État assurait 25 % de leurs salaires