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Ces métiers de demain dont la Suisse a tant besoin

Soumis par SAEN le 27 janvier 2010
Ingénieur, métier d’avenir

Malgré la crise et le chômage, de nombreuses entreprises devront faire face à une pénurie de personnel dans les années à venir, notamment dans les domaines de la santé et de l’ingéniérie. Enquête.

Le chiffre est incroyable : 85′000. C’est le nombre d’employés supplémentaires que devra trouver le secteur de la santé en Suisse d’ici à 2020 : 60′000 pour remplacer les collaborateurs qui partent à la retraite et 25′000 pour faire face à l’augmentation des besoins liés au vieillissement de la population. Ces chiffres proviennent de l’Observatoire de la santé, qui tirait la sonnette d’alarme en février 2009 déjà.

Malgré la crise économique, certains secteurs annoncent une pénurie de personnel à venir. « Le manque de personnel de santé va concerner toutes les fonctions médicales, du docteur à l’infirmière, en passant par les techniciens de laboratoire, souligne Grégoire Evequoz, directeur général de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC) du canton de Genève. Il y aura également une grosse demande au niveau des personnels d’aide et de services à la personne en raison de l’accroissement de la durée de vie. »

Non touché par la crise, le secteur de la santé affiche un dynamisme impressionnant. Selon un rapport de l’Office fédéral de la statistique (OFS), le nombre d’emplois liés à la santé a augmenté de 27.9 % entre 1995 et 2005, contre 4.2 % dans le reste de l’économie. Une tendance qui risque de se confirmer d’autant que ce manque de personnel concerne également les secteurs des biotechnologies et de la pharmacie, gourmands en médecins-chercheurs. « Il existe une véritable concurrence en termes de ressources humaines dans le secteur des biotechnologies, souligne Jean-Fabien Monin, responsable des ressources humaines d’AcImmune, biotech lausannoise. Tout le monde cherche les meilleurs talents et nous les recrutons déjà dans toute l’Europe. »

Autre métier d’avenir, celui d’ingénieur. Selon une étude du Boston Consulting Group, commandée par l’Union suisse des sociétés d’ingénieurs-conseils (USIC), il manque actuellement entre 3′000 et 6′000 ingénieurs en Suisse. Un chiffre qui devrait continuer de croître, puisque la carence en ingénieurs touche la plupart des pays occidentaux. « D’ici cinq à dix ans, il y aura une véritable pénurie dans les secteurs des machines et de l’industrie », prévient Grégoire Evequoz.

Un constat partagé par Mario Marti, directeur de l’USIC : « Il y a un vrai problème. Les grandes entreprises ont toutes dix places d’ingénieurs vacantes. Dans le passé, la Suisse a pu bénéficier de l’immigration allemande pour combler ce déficit. Aujourd’hui, les Allemands viennent moins et le manque d’ingénieurs se fait davantage sentir. Résultat : les ingénieurs diplômés sont recherchés même durant cette période de crise et ont de très bonnes perspectives sur le marché du travail suisse. »

Les entreprises sont obligées d’avoir recours à des stratégies innovantes pour pourvoir leurs postes vacants. En août 2006, la société Tavadec, à Tavannes, a inauguré dans ses locaux son propre atelier de formation pratique de décolletage. « Comme nous avions du mal à trouver du personnel, nous avons mis en place cet atelier, explique Cédric Monnin, responsable commercial. Aujourd’hui, nous formons chaque année cinq apprentis. » La société a d’ailleurs reçu, fin 2006, le prix de la meilleure entreprise formatrice, lors du concours biannuel de la CEP (Chambre d’économie publique du Jura bernois).

Problème : « A l’exception de 2009, les écoles d’ingénieurs ont du mal à recruter des étudiants, note Mario Marti. Ce métier souffre d’une mauvaise image, ou plutôt d’un manque d’image. Personne ne sait exactement ce que font les ingénieurs. Pourtant tout le monde utilise le fruit de leur travail. L’eau, les transports, le téléphone portable... c’est le travail des ingénieurs! »

Pour sensibiliser les jeunes à cette profession, l’USIC a lancé le portail Les ingenieurs construisent la suisse qui présente les différentes facettes du métier d’ingénieur. « L’objectif est de donner envie aux jeunes de faire ce métier, explique Mario Marti. Pour ce faire, nous avons illustré les performances des ingénieurs suisses au travers de 33 constructions prestigieuses, accompagnées de petits textes, films, interviews et photographies. »

Le manque d’ingénieurs va également se faire sentir dans le domaine des transports. « Les gens vont être de plus en plus mobiles, prévoit Grégoire Evequoz. Pour répondre à cette demande, le secteur des transports va devoir recruter davantage, à tous les postes. » « Notre réseau n’arrête pas de s’accroître, confirme Isabelle Pereira, porte-parole des Transports publics genevois (TPG). Depuis cinq à six ans, nous ouvrons au moins une nouvelle ligne chaque année. Cela demande du personnel pour construire et entretenir les infrastructures, de même que des conducteurs, des vendeurs, des contrôleurs, etc. » Fin 2008, les TPG employaient près de 1′550 collaborateurs. Un an plus tard, ce chiffre atteint 1′600 personnes. Un rythme de progression qui devrait se poursuivre ces prochaines années, d’autant que chez les CFF on dresse un constat similaire.

Côté informatique, il existe déjà un déficit mondial. Selon MSEmploy, le site de la filiale emploi de Microsoft, il manquerait un million d’informaticiens dans le monde. En Suisse, l’association des maîtres d’apprentissage en informatique annonçait, début 2009, un sous-effectif de 8′000 informaticiens. « Le problème avec ces chiffres, c’est qu’ils sont invérifiables, tempère Christophe Andreae, ancien président du Groupement romand de l’informatique (GRI) et associé du cabinet de recrutement spécialisé en informatique JRMC. A chaque fois que nous les sortons, on nous traite de menteurs parce qu’il y a des informaticiens au chômage. »

Pourtant, la pénurie existe bien. « Même pendant la crise que nous vivons, les compétences pointues sont rares. Les entreprises ont du mal à les trouver et la demande risque de s’accroître dans les prochaines années. En effet, du bancomat au portable, en passant par le réfrigérateur, il y a désormais de l’informatique partout, ce qui demande du personnel qualifié. Par ailleurs, les départs à la retraite vont laisser vacants de nombreux postes. »

Reste que pour pourvoir ces places de travail, les candidats se font rares. « Actuellement, les hautes écoles ne fournissent pas assez d’informaticiens, poursuit Christophe Andreae. La branche peine à séduire les jeunes, car depuis l’explosion de la bulle Internet en 2000, dans la tête de beaucoup de personnes, l’informatique est associé au chômage. Evidemment à tort. »

ITC Switzerland, association qui chapeaute l’informatique et les télécommunications (TIC), a lancé le 12 janvier une fondation - financée à moyen terme par Credit Suisse à hauteur de 10 millions de francs - qui prendra en charge la formation professionnelle orientée sur l’évolution des besoins. Ainsi, d’ici à 2015, un millier de nouveaux postes d’apprentissage dans le secteur TIC seront créés.

Pour combler le manque, la féminisation de la profession pourrait être une solution. « Seulement, il existe encore de nombreux tabous culturels à faire sauter et cela va prendre du temps, soupire Christophe Andreae. Il y a pourtant une certaine urgence : si nous ne faisons rien, la situation pourrait devenir critique d’ici à une dizaine d’années. »

La situation dans l’éducation pourrait elle aussi devenir inquiétante. Selon, un rapport de l’OFS publié en juin 2009, les écoles obligatoires vont devoir partir à la recherche de nouveaux enseignants du fait des départs à la retraite et d’une hausse du nombre d’élèves. En effet, le nombre d’enfants âgés de 56 ans, qui régressait depuis 1996, se remettra à croître dès 2009 et cela au minimum jusqu’en 2014 (+7 % par rapport à 2008).

Parallèlement à ce phénomène, la proportion des enseignants âgés de plus de 50 ans, qui était de 20 % en 1998, atteindra 35 % pour l’école primaire en 2010 et augmentera jusqu’à 37 % en 2012 pour le degré secondaire I. « En conséquence de ce vieillissement, le nombre de départs à la retraite (définis ici comme les départs chez les enseignants de plus de 55 ans) devrait augmenter très fortement », estime l’OFS. Résultat : les recrutements annuels d’enseignants, qui s’élèvent à près de 3500 par an actuellement, devraient augmenter de 1′500 entre 2008 et 2015.

« D’autres emplois seront à pourvoir dans d’autres branches, rappelle Grégoire Evequoz. Et dans tous les domaines, nous allons vers une demande de personnel de plus en plus qualifié. Sans formation, il sera de plus en plus difficile d’entrer dans le milieu professionnel et surtout d’y progresser. »

Par Bertrand Beauté

Source

Publié le
ven 04/01/2019 - 17:24