Le corps enseignant a vu son blason redoré par la crise du coronavirus. Les chroniques de notre nouvelle rédactrice cantonale à l’Educateur, Myriam Facchinetti ont parfaitement reflété ce que nous avons vécu durant ces semaines si particulières : rien ni personne ne peut remplacer l’école et les enseignant·es pour les enfants.
Visiblement, cela s’est mal passé pour certain·es élèves confiné·es dans des familles qui les contraignent ou les humilient fréquemment. Il n’y a plus de soupape scolaire pour se libérer, même temporairement, des pressions familiales malsaines ou destructrices. Mais la parole ne s’est pas libérée. Celles et ceux qui s’expriment ont malgré tout bien vécu cette suspension du temps scolaire, les autres enfants se taisent. Raymond Spira a exhumé de vieux textes de Jean Jaurès sur l’école dans la revue du parti socialiste neuchâtelois. Ce qui en ressort, c’est ce que l’école est la seule à pouvoir apporter à notre jeunesse. Jaurès insiste sur la mission des profs : « Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition ou une multiplication. […] Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. »
Jean Jaurès nous parle aussi magnifiquement des enfants : « Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser. Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. […] Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre : il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur. »
Enfin, M. Spira met en avant le cœur de notre école obligatoire, gratuite et laïque, parfois mis à mal par les valeurs et les comportements de certaines familles, toujours en citant le tribun socialiste et pacifiste : « La démocratie a le devoir d’éduquer l’enfance ; et l’enfance a le droit d’être éduquée selon les principes mêmes qui assureront plus tard la liberté de l’homme. Il n’appartient à personne, ou particulier, ou famille, ou congrégation, de s’interposer entre ce devoir de la nation et le droit de l’enfant. »
Tout est dit. Si la crise du coronavirus venait à connaître une deuxième saison cet automne, comme les séries télé qui connaissent un certain succès, soyons attentives et attentifs à cet aspect de notre métier ; n’oublions pas d’accompagner les enfants sur les chemins de la liberté et de la réalisation de soi dans un cadre résolument républicain, démocratique et laïque.