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Culture du viol ou dictat de la mode?

Soumis par Brigitte Hofmann le 24 décembre 2020
Photo de Matthew Henry

Depuis quelques semaines, la pratique dans une école genevoise du t-shirt de la honte a, avec raison, choqué et ranimé un débat aussi ancien que l’école elle-même: faut-il des règles vestimentaires à l’école et si oui, lesquelles? Cette fois, le débat est fortement imprégné par le combat des femmes pour la liberté de s’habiller comme elles veulent sans pour autant devenir les victimes de remarques sexistes de la part de la gent masculine. Mais n’est-ce pas se tromper de combat?

Je suis une femme, féministe, et j’aime à mettre mes atouts en valeur. Mais la tenue vestimentaire des jeunes filles m’interpelle parfois, moi aussi. Non pas parce qu’elle pourrait déconcentrer les garçons — c’est effectivement à notre société d’élever les garçons dans le respect de l’autre sexe — mais parce que c’est tout simplement exagéré. Je ne peux accepter qu’une petite fille à l’école primaire se maquille, ait les ongles vernis ou porte des tenues de femme. J’ai du mal avec les jeunes femmes (et hommes parfois aussi) qui fréquentent le cycle 3 en tenue qui convient plus à une soirée en discothèque qu’aux bancs d’école. Et je ne peux m’empêcher de penser que si elles ou ils s’habillent de la sorte, c’est surtout sous l’influence des émissions de téléréalité telles que Les Marseillais ou autres Villas des cœurs brisés.

Entretenir le culte d’un corps parfait, est-ce vraiment dans l’intérêt des adolescent·es en pleine construction de soi? J’ai l’impression que la mode met les jeunes, et plus particulièrement les jeunes femmes, en permanence dans l’obligation d’être belles et de mettre leurs atouts en valeur. L’école ne devrait-elle pas être un lieu de répit dans ce sens afin de permettre à chacun·e de se concentrer sur son avenir plutôt que de se préoccuper de son apparence physique?

Le débat a déjà eu lieu, sous d’autres formes. Lorsque mes enfants fréquentaient l’école, il était question d’habits de marque, une autre pression de la mode qui empêchait certain·es enfants de vivre sereinement leur scolarité. Et je crois qu’aujourd’hui aussi, un débat de fond devrait avoir lieu. Être élève, c’est le métier des enfants et l’école est leur lieu de travail. Et comme dans le monde des adultes, il y a des codes à respecter. On ne vient pas à l’école en pyjama, avec un pull affichant des slogans provocateurs ou en tenue de discothèque, un point, c’est tout.

Il s’agirait donc de réfléchir à un usage vestimentaire respectueux pour toutes et tous, filles et garçons, en évitant le piège d’imposer aux seules jeunes femmes qui fréquentent nos écoles des limites sexistes. Mais attention: une tenue «décente» est difficile à définir de manière indiscutable, même si au fond de nous-mêmes, on en perçoit assez bien la définition. Rien ne remplacera jamais un dialogue ouvert et constructif entre les enseignant·es et leurs élèves, sur ce sujet-là comme sur bien d’autres. Toutefois, pour les élèves plus âgé·es, cette discussion doit avoir lieu afin de leur proposer des règles non genrées, qui leur permettent aussi de comprendre et d’appréhender le code vestimentaire convenu qui régit le monde des adultes.

Publié le
Jeu 24/12/2020 - 00:03
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